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Nathan Gourdol (avec Ba. C. et M. Go.)
Dominateur et vainqueur sur le fil à Lyon dimanche (2-1), avec le brin de chance qui escorte les équipes ayant le vent dans le dos, l’OM a répondu avec rage à la flamboyance du RC Lens, en démonstration contre Monaco la veille dans un Bollaert incandescent (3-0). Les Marseillais ont ainsi repris la deuxième place de L1 avec un point de plus que les Artésiens, et on se délecte déjà de la suite de cette lutte magnifique entre deux clubs portés par tout un peuple. Ce bras de fer sera sublimé par une confrontation directe le 6 mai, à Bollaert, entre un Lens royal à domicile (43 points sur 49) et un OM monstrueux à l’extérieur (39/49).
Si l’enjeu est capital – la qualification directe pour la Ligue des champions via la place de dauphin du PSG –, les deux formations restent loin des calculs, déterminées à miser sur leur jeu énergivore mais délicieux, pour le plus grand bonheur du foot français.
“C’est le football qui fait vibrer
Jacky Bonnevay
Dimanche, le consultant star de Prime Video Thierry Henry s’est mouillé à l’antenne en avançant que Lens était la plus belle formation à voir jouer en L1, car « la star de cette équipe, c’est simplement l’équipe ». Ce constat est assez vrai, mais l’OM et son style ont aussi des partisans. « Les deux équipes ont un jeu ultra-séduisant, observe Jacky Bonnevay, ancien joueur marseillais (1985-1987) et consultant pour Europe 1, suiveur assidu de la L1 où il exerçait encore l’an dernier, en tant qu’adjoint de Claude Puel à Saint-Étienne. Au-delà des résultats, ces deux entraîneurs (Franck Haise et Igor Tudor) apportent une superbe fraîcheur à notre Championnat. Ça court de partout, à très haute intensité, en restant organisé. C’est le football qui fait vibrer, qui colle avec leurs deux publics exceptionnels. Ça respire la passion, c’est punchy, et c’est top de les voir sur le podium, qu’ils ne quitteront plus. »
« Ce sont les deux équipes les plus séduisantes, oui, abonde l’ancien défenseur Alain Roche, consultant pour Canal +. Elles ressemblent énormément à ce qui se fait, dans le jeu, en Angleterre. Quand Lens et l’OM jouent, tu t’assois devant ta télé, tu sais qu’il va se passer quelque chose. Il n’y aura pas forcément le résultat au bout, mais tu ne t’ennuieras pas, ou alors rarement. »
« Elles ont deux systèmes quasiment identiques, mais surtout elles partagent la volonté d’imprégner quelque chose chez l’adversaire à chaque fois, avec beaucoup d’énergie, de duels, de prises de risque. Car même si Lens a la meilleure défense, ce n’est pas du tout une équipe qui défend », renchérit Fabrice Abriel, champion de France avec l’OM en 2010, aujourd’hui entraîneur de Fleury (D1 féminine) et consultant chez Canal+.
“On remarque une vraie organisation travaillée
Alain Roche
« Ces équipes envoient un très bon signal : elles attaquent beaucoup mais prennent peu de buts, complète l'ancien milieu de l'OM Benoît Cheyrou (2007-2014), qui suit la L1 sur Prime Video. Elles n’hésitent pas à faire monter les centraux, et pourtant elles défendent très bien. C’est un très bon signal sur la qualité de jeu, l’envie d’attaquer qui te permet aussi de ne pas prendre de buts. » « On sent deux effectifs déterminés, équilibrés, complets. Il y a des leaders forts des deux côtés, et des turnovers intelligents des deux coaches, tout semble sous contrôle », expose l’ex-entraîneur de Montpellier Olivier Dall’Oglio, remercié mi-octobre après une défaite à Lens (0-1), au sujet de la réussite des deux clubs. Le mot « régularité » revient beaucoup pour les qualifier, et l’équilibre trouvé, malgré un jeu débridé, séduit. « On remarque une vraie organisation travaillée, des équipes qui ne lâchent jamais rien. C’est spectaculaire, pas toujours parfait, mais c’est vivant. C’est lié aux entraîneurs, au recrutement, à l’atmosphère dans ces villes très populaires, détaille Roche. À Lens, on sent un travail de fond depuis quelques années, beaucoup de réflexion dans la construction de l’équipe et du club. À l’OM, ça bouge beaucoup plus mais il n’y a pas trop d’erreurs de casting non plus, et avec Rongier, Veretout ou Sanchez, on voit des joueurs qui respectent la hiérarchie et le club. »
« Le plus marquant à Lens, c’est qu’à cette période de l’année, ils sont juste incroyables physiquement. C’est impressionnant de densité athlétique, souligne Bonnevay, conquis par l’équilibre du collectif artésien : « Au-delà de l’ensemble, j’aime beaucoup les trois défenseurs centraux. Ce ne sont pas des joueurs référencés comme des stars, mais ce qu’ils font dans la relance, la prise d’espace, c’est remarquable. »
“Ça va se jouer à vraiment rien
Olivier Dall’Oglio
Même enthousiasme quand il évoque le foot rock and roll de l’OM version Tudor : « C’est dingue, ce pressing tout-terrain où les défenseurs ont l’habitude de rester à un contre un. On a l’impression que c’est un peu le bazar, mais un bazar très bien organisé. À chaque prise d’initiative d’un joueur, il n’y a pas de retenue. »
Les langues ont plus de mal à se délier quand il s’agit de se jeter à l’eau pour désigner le dauphin du PSG en fin de saison. « C’est très compliqué, ça va se jouer à vraiment rien, hésite Dall’Oglio. Je donne peut-être un léger plus à Marseille, avec Alexis Sanchez devant. Sur la gestion de ce sprint, s’appuyer sur un garçon de ce calibre, c’est précieux. Lens a certainement un léger avantage dans le jeu, mais dans la puissance dégagée, Marseille est peut-être un peu supérieur. L’OM a aussi un effectif un peu plus “long”, ce qui peut faire la différence. »
« Léger avantage pour l’OM, qui a l’habitude de ces fins de saison avec des matches couperets », enchaîne Abriel, qui cite aussi l’argument de la profondeur de banc, avec un bémol : « Il y a peut-être une petite dépendance à (Loïs) Openda à Lens (8 buts depuis début mars), un effectif moins profond, qui est au maximum de ce qu’il peut faire quand l’OM a encore de la marge de progression. Ceci dit, à Marseille la limite c’est peut-être l’inverse, avec l’abondance de choix, on l’a vu avec la gestion du cas Chancel Mbemba ou Vitinha. Ça peut crisper un peu, et Tudor doit garder le fil. »
Jacky Bonnevay, lui, estime que ce sont « les Lensois qui ont un petit coup d’avance » : « L’OM a été un peu laborieux à domicile et a peut-être un jeu un peu plus lisible à contrecarrer. Les adversaires se disent : “Si on arrive à passer le premier rideau de pressing, on peut jouer sur les couloirs et avoir des opportunités”, alors que Lens me semble plus difficile à manœuvrer. » «Je trouve Lens plus régulier. L’OM passe parfois au travers de certaines mi-temps. Mais ce sont deux équipes qui se rejoignent sur l’exigence, la rigueur», ajoute Cheyrou, « certain de (s)e régaler » le 6 mai.
« On peut se poser la question de savoir si Marseille n’est pas un peu tétanisé par son public », s’interroge pour sa part Dall’Oglio, interloqué par les difficultés olympiennes au Vélodrome, quand « Lens est en communion totale avec Bollaert », selon Abriel. « Le duel va se jouer au mental, conclut Roche. Ce qui sera décisif, ce sera la gestion de la pression de l’objectif. Elle sera sûrement plus importante pour l’OM, parce que je ne pense pas que la Ligue des champions ait été un objectif pour les Sang et Or en début de saison. »
L'Equipe