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Tactique : le plan de jeu séduisant de Toulouse avant la révolte marseillaise
Spectaculaire, le match entre Toulouse et Marseille (2-3), dimanche soir, a connu un scénario en deux actes. Le premier dominé par les idées toulousaines dans le jeu, le second par la volonté et la présence marseillaises dans les 30 derniers mètres.
Il est rare cette saison que l'Olympique de Marseille se crée moins d'occasions que son adversaire. Seules trois équipes s'étaient montrées plus productives que les Phocéens en Ligue 1 : Brest, le 14 août 2022 (1,64 Expected Goals contre 1,31 pour l'OM), Nantes le 20 août (2,36 contre 1,72) et le PSG le 16 octobre (3,00 contre 0,78). Dimanche soir, Toulouse, battu (2-3) par Marseille, est devenu la quatrième (2,10 contre 1,22) et peut regretter son manque d'efficacité en première période. Les Expected Goals ne disent pas tout mais ils traduisent néanmoins la capacité à créer du danger.
Les Violets ont résisté à l'intensité « tudorienne » comme peu de pensionnaires de Ligue 1. Ils ont tiré dix fois en première période, un chiffre auquel les dauphins du PSG ne sont guère habitués. Courageux et organisés avec le ballon pendant les 45 premières minutes, les hommes de Philippe Montanier ont craqué rapidement au retour de la pause, victimes de la révolte marseillaise.
Des idées avec le ballon à Toulouse
L'OM pratique une animation défensive proche du marquage individuel total. Igor Tudor demande à ses joueurs de suivre de très près leur adversaire direct, quitte à s'éloigner de ce qui serait théoriquement leur zone. Chaque opposant est assigné à un des Phocéens, qui doit le traquer en phase défensive.
Ce principe de jeu prive souvent les adversaires de l'OM de temps pour s'organiser, préparer leurs offensives en construisant depuis l'arrière. Lorsqu'il n'est pas exécuté idéalement, il ouvre néanmoins des possibilités que le Téfécé a su exploiter.
Suivre son adversaire direct constamment relève de l'impossible. Il faudrait refuser de se désorganiser offensivement pour y parvenir.
Dès la récupération de balle, Toulouse veut aérer le jeu. L'opposé va vite être trouvé pour se donner du temps et faire reculer l'OM.
Malgré la densité et la réaction rapide des Marseillais, Toulouse s'applique à sortir un bon ballon en transition. Le triangle est réussi, le contrôle de Thijs Dallinga dans la foulée (plus haut) ne le sera pas.
Or, Tudor offre de grandes libertés à ses joueurs quand l'OM attaque. À la perte de balle, ses joueurs se retrouvent parfois loin de leur adversaire attitré. Toulouse en a profité pour jouer des contre-attaques rapides, devançant la réorganisation marseillaise. La qualité technique des Violets dans les premières passes après la récupération a souvent permis de forcer les Provençaux à défendre en reculant.
Dès les premiers instants du match, le TFC a tenu à sortir depuis l'arrière. Le jeu en triangle va trouver Anthony Rouault (3) face au jeu.
Le défenseur central avance sur sa prise de balle et va trouver un partenaire entre les lignes adverses.
Sur attaque placée, le jeu des locaux est de plus en plus ambitieux ces dernières semaines. Ils n'ont pas craint d'avancer balle au pied lorsque le marquage marseillais était distant, ni de jouer en triangle pour retrouver un partenaire face au jeu.
Les centraux, Anthony Rouault et Rasmus Nicolaisen, ainsi que la sentinelle du 4-1-4-1 de Montanier, Stijn Spierings, ont osé tenter leur chance en conduite de balle, traversant des zones dans lesquelles les Marseillais hésitaient à lâcher leur marquage pour intervenir. Le portier, Maxime Dupé, a aussi fait preuve de patience pour sortir le ballon proprement.
Servi dos au jeu, Brecht Dejaegere va sentir Jordan Veretout arriver et l'effacer sur sa prise de balle extérieur du pied.
Servi dos au jeu, Brecht Dejaegere va sentir Jordan Veretout arriver et l'effacer sur sa prise de balle extérieur du pied.
Dans la foulée, Branco Van den Boomen (à droite) résiste à la pression de Valentin Rongier en plaçant son corps entre le ballon et le Marseillais et en contrôlant du pied le plus loin de l'adversaire. Dejaegere, au sol, avait été séché par Veretout.
Plus haut sur le terrain, la progression a surtout dépendu de la qualité individuelle des deux relayeurs toulousains, Brecht Dejaegere et Branco van den Boomen. Le Belge et le Néerlandais n'ont pas été souverains dans tous les aspects du jeu mais Jordan Veretout et Valentin Rongier ont longtemps souffert sur chacune de leurs prises de balle. Orientées, dans le contre-pied, verticales, elles ont rythmé les offensives des Hauts-Garonnais.
Les vagues marseillaises
La débauche d'énergie systématique prônée par Tudor dès l'entame des rencontres pourrait laisser croire que l'OM est une équipe contre laquelle il faut d'abord tenir avant de prendre le dessus au fil du match. Statistiquement, pourtant, c'est bien en deuxième période que les supporters marseillais voient leur club régulièrement l'emporter.
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Le nombre de deuxièmes périodes remportées par Marseille en 24 matches de Ligue 1. Après la mi-temps, l'effectif construit par Pablo Longoria a inscrit 29 buts et n'en a concédé que 12, ce qui en fait la meilleure formation du Championnat entre la 46e et le coup de sifflet final.
Le second acte au Stadium l'a une fois de plus illustré. Mené 1-0 à la pause, Marseille a marqué trois buts en deuxième période, dont deux au sein d'un temps fort éprouvant entre la 50e et la 60e minute. Deux chiffres à retenir : les six centres (dont trois sur corner) tentés sur cette séquence.
Dans la loupe, le Marseillais Sead Kolasinac, central gauche, s'est projeté dans la surface adverse pour centrer en bout de course. Trois coéquipiers sont là. Chancel Mbemba n'est pas loin.
Quelques secondes plus tard, c'est au tour du Congolais d'imiter Kolasinac. Lancé par Jonathan Clauss, il obtient le corner de son égalisation.
Quand son équipe titube, Tudor s'appuie souvent sur les mêmes ressources : un regain d'énergie et un engagement offensif total, allant même jusqu'à envoyer deux des trois défenseurs centraux dans la surface adverse. Ce n'est pas un hasard si autant de buts viennent des trois axiaux et des deux pistons (16 cumulés en Ligue 1 entre Chancel Mbemba, Samuel Gigot, Sead Kolasinac, Jonathan Clauss et Issa Kaboré), ces joueurs qui arrivent lancés depuis l'arrière. L'OM met du monde dans la surface.
Sur le corner du 1-1, on distingue six Marseillais dans la surface adverse. Trois (dont un hors-champ) sont en couverture très haut puisque Toulouse ne place aucun joueur hors de ses 30 mètres.
Disposition similaire sur le corner du 2-1 : six joueurs dans la surface, trois en couverture à la sortie de celle-ci.
L'OM a bien préparé les coups de pied arrêtés
Autre arme sur laquelle l'OM a construit beaucoup de succès : les coups de pied arrêtés, aussi variés que préparés. Dès le début de la saison, le point obtenu à Brest puis la victoire contre Nantes avaient laissé entrevoir le travail du staff phocéen pour troubler les défenses adverses sur les phases arrêtées. Joués à deux, à trois, parfois à quatre, les coups francs ou les corners marseillais ne cessent pas de surprendre. Le TFC a été trompé deux fois au second poteau, où étaient placés les meilleurs frappeurs bleus.
Tiré loin au second poteau, le corner termine dans les pieds de Ruslan Malinovskyi, entré à la mi-temps. La frappe de l'Ukrainien rebondira dans les pieds de Mbemba, à bout portant.
Frappeur du corner précédent, Cengiz Under se retrouve à la conclusion de celui-ci, dans une zone similaire à celle de Malinovskyi. En première intention, il reprend le ballon repoussé de la tête et trompe Dupé.
Philippe Montanier n'est pas le premier adversaire de Marseille à regretter que son équipe rompe sur ce genre d'actions. Le TFC a concédé deux buts sur corner en sept minutes. L'un tiré depuis la droite, l'autre depuis la gauche. Jusqu'au bout de la saison, avec les pieds et les gabarits présents dans le groupe d'Igor Tudor, l'OM restera une menace dans les airs. Y compris pour le PSG, dimanche, dans un stade Vélodrome qui n'aura qu'une envie : revivre la victoire en Coupe de France il y a moins de deux semaines (2-1).