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COUPE DE FRANCE; "L'OM a besoin d'un trophée"; Désormais conseiller du président Longoria, le glorieux ancien est le dernier capitaine de l'OM à avoir soulevé la coupe, en 1989. Entretien avant le 16e de finale entre le club marseillais et le Stade rennais, vendredi (21h10), au Vélodrome
Nommé conseiller de Pablo Longoria en novembre dernier, Jean-Pierre Papin (59 ans) retrouve un club et une ville qu'il connaît bien. Idole du Vélodrome pendant ses années olympiennes (1986-1992), "JPP" fait désormais le lien entre le groupe professionnel et le dirigeant espagnol, tout en ayant un oeil sur la formation. Le Ballon d'or 91, qui souhaite voir l'OM remporter la coupe de France, revient sur ses souvenirs marseillais et évoque l'actualité, à commencer par le 16e de finale contre Rennes, vendredi au Vélodrome. Il appelle d'ailleurs les supporters à venir en masse au stade pour cette affiche.
Ça vous fait quoi de revenir à l'Olympique de Marseille plus de trente ans plus tard ?
C'est un retour aux sources, oui. C'est bizarre car il y a beaucoup de fierté d'un côté, mais de l'autre, c'est comme si je découvrais le club. Tout a changé. (rires) Il reste quelques personnes de mon époque, quand même, mais l'OM a pris une ampleur incroyable dans tous les domaines. Que ce soit les installations, l'organisation, le stade...
À mon époque, on s'entraînait à Luminy, au Cesne, puis après on est allé au stade Delort, là c'était pratique car c'était à côté du Vélodrome. Mais quand on est venu à La Commanderie, il y avait seulement deux Algeco et il n'y avait même pas de route. Pareil pour le Vélodrome. Je l'ai connu dans ses diverses évolutions, on est passé de l'ancien à un stade plus ouvert, puis maintenant à celui-ci qui est recouvert par un toit. Je regrette de ne pas avoir joué dans la version actuelle ! Mais je trouve que c'est beau de redécouvrir le club qui m'a fait de cette manière-là.
L'actualité de l'OM, c'est le 16e de finale de coupe de France contre Rennes, vendredi. Une belle affiche dans une compétition que vous connaissez bien...
Quand on connaît l'histoire du club, c'est un match super important. L'OM a une relation particulière à la coupe de France. D'abord parce que le club l'a gagnée un certain nombre de fois, mais aussi parce que c'est Rennes, qui vient de taper le PSG. Nous, on a une équipe très bien huilée, avec de très bons résultats. C'est l'affiche rêvée, un match qui mérite que nous ayons 65 000 personnes derrière nous. Il y a cinq équipes qui proposent des choses dans le championnat, on peut rajouter Monaco avec Paris, Lens, Marseille et Rennes. Mais ce qu'on voit à l'OM, ça faisait longtemps qu'on ne l'avait pas vu. Il y a beaucoup de choses très positives.
Que représente la coupe de France pour vous ?
Pour moi, c'est une bise au président de la République (François Mitterrand), trois buts en finale (en 1989, contre l'AS Monaco) et je suis le dernier capitaine de l'OM à avoir soulevé la coupe. Pour moi, c'est donc encore plus important car, dans la manière dont ça s'est passé, c'est le plus beau de mes trophées. On a tout gagné, à l'époque il y avait encore des matches aller-retour. On avait commencé par Pau, Quimper, puis on avait justement tapé Rennes en quart de finale, puis Auxerre, si mes souvenirs sont exacts. La finale contre Monaco était une finale rêvée. L'équipe était fatiguée, mais championne de France depuis quelques jours. On avait galéré en demi-finale contre l'AJA, et le dernier match, on y allait pour se faire plaisir. Notre but était d'être champion de France pour participer l'année suivante à la coupe des clubs champions. Le président nous avait dit que ce serait bien de gagner la coupe de France. On est parti pour la jouer, pas pour la gagner. Mais quand on est entré au Parc des Princes et qu'on a vu le stade en bleu et blanc, on s'est dit qu'on n'avait pas le droit de ne pas la gagner.
Quelle image gardez-vous ? Y a-t-il un souvenir précis ?
Je ne peux pas dégager une seule image. La soirée était tellement belle et magnifique. Mais pour nous, elle a vraiment commencé à la reconnaissance du terrain. Ce stade bleu et blanc... On avait les poils dressés quand on est rentré au vestiaire. On savait ce qu'il nous restait à faire.
Racontez-nous cette fameuse anecdote de la bise à François Mitterrand...
C'est parti d'un pari lors du dernier repas au Vélodrome. On mangeait au Maracana et on avait dit que je ferais la bise au président en cas de victoire. Sauf que je devais l'embrasser sur le front, mais je n'ai finalement pas osé. C'était un monument, il en imposait tellement... Je lui ai demandé gentiment de lui faire la bise, et il a accepté. Mais je lui ai même fait la bise deux fois. L'année suivante, on joue la même finale contre Monaco, mais on perd 1-0. Quand j'ai voulu lui serrer la main, il a refusé. Il m'a dit : "Quand tu gagnes, tu me fais la bise, donc quand tu perds, tu me fais la bise aussi".
Ce soir-là, c'était la dixième victoire de l'OM dans l'épreuve. Mais c'est aussi la dernière fois que le club l'a remportée... Ça vous fait quoi, ces 34 ans d'absence ?
34 ans de disette... Quand on s'appelle l'OM, qu'on a ce palmarès, on se doit de jouer cette compétition à 200 %. En discutant avec plusieurs joueurs, je sens qu'ils ont envie de se faire plaisir.
Justement, certains en parlent avec vous ?
On en a parlé quand il y a eu le tirage au sort. Obligatoirement, je leur raconte et je leur dis que c'est un trophée, même si je pense qu'ils le savent. L'OM a besoin d'un trophée, mais eux aussi, car c'est une récompense de leur travail. C'est important dans la carrière d'un joueur. Dimitri (Payet), par exemple, n'a pas gagné de trophée avec le club. Je pense qu'il en a besoin, et je sais qu'il en a envie. Et puis, la coupe de France, ça donne un effet effervescent. On les sent motivés.
Dans un championnat presque monopolisé par le PSG, on se dit que c'est le seul trophée qui peut être remporté...
Non, plus aujourd'hui. Il ne faut pas être fataliste, surtout quand tu es l'OM.
Quel est votre rôle aujourd'hui ?
Je suis un ancien, j'ai joué quelques années dans ce club, j'ai tout gagné. Je pense que c'est important que l'OM retrouve ses anciens. Basile (Boli) est arrivé, maintenant c'est mon tour, en tant que conseiller du président. Je suis en relation avec d'autres anciens qui aimeraient bien revenir...
Lesquels ?
Je crois que vous aurez de bonnes surprises dans les mois à venir... (rires) Il y a un projet destiné aux anciens, l'idée est d'en réunir un certain nombre pour diverses opérations, qui peuvent aller des matches d'exhibition aux missions de représentations en tant qu'ambassadeur.
On a souvent dit que ce qui manquait au club était de s'appuyer sur des anciens joueurs...
En fait, le repère pour beaucoup de personnes, c'est notre époque, nos années. Et je pense que c'est bien de revenir dans un club qui nous a tant apporté. Pour revenir sur mon rôle, c'est aussi d'être proche du groupe professionnel. Je suis allé à Marbella (en stage de préparation début décembre), j'ai découvert tout ce qui se faisait, comment ça se passait. Il y a aussi beaucoup de discussions avec Pablo sur le football en général. J'ai un oeil sur le centre de formation et je veux avoir un rôle important car il y a beaucoup de travail avec les jeunes. L'OM est un club très important, mais il n'y a pas assez de jeunes qui en sortent. Le vivier est immense, mais dans ce vivier, ils partent tous à droite ou à gauche, et ils ne viennent jamais à l'OM. C'est un truc de fou. Ça fait partie des choses à revoir pour le futur.
Comment avez-vous vu le club évoluer de l'extérieur ? Auriez-vous pu collaborer plus tôt ?
Moi, j'ai besoin que ça se passe bien avec les gens. Si ça se passe mal, je ne peux pas cautionner des choses. Avec Pablo, ce qui est bien, c'est qu'il a un regard tourné vers l'avenir. Moi, je représente plutôt l'expérience. Mais au final, on a la même vision des choses. Il a un regard différent des autres. C'est bluffant d'ailleurs de voir son expérience et ses compétences, de constater l'étendue de ses connaissances sur le foot, sur les joueurs. Et puis, il a réuni des gens autour de lui, et on sent qu'ils sont là pour lui. Moi, c'est pareil. Je suis là pour lui.
Comment s'est nouée la connexion entre vous deux ?
Ça s'est fait très vite, dans l'année en cours. On s'est vu plusieurs fois au stade et c'est venu en parlant. On a dit que si on s'associait pour quelques années, cela pourrait apporter à l'un et à l'autre.
Vous allez aussi avoir un rôle au niveau institutionnel pour représenter l'OM auprès des instances, qu'elles soient nationales ou continentales...
Oui. J'ai travaillé à la FFF pendant cinq ans quand j'étais président de la coupe de France, j'ai bossé avec l'UEFA pour la Ligue Europa, et avec la Fifa aussi. Si je peux mettre ça au service du club, c'est important. L'OM prend de l'ampleur en Europe et dans le monde. Si ça peut aider, c'est dans mes cordes.
On a souvent entendu les supporters réclamer l'intégration des anciens, et votre nom revenait souvent pour faire travailler les attaquants.
Il y a un projet en cours au centre de formation pour donner un élan sur les spécificités des attaquants. Ça va bientôt sortir... Mais après, ce n'est qu'une question d'assiduité de la part des joueurs. Il va falloir leur expliquer comment ça marche, expliquer aux coaches comment faire travailler les jeunes car ça va être à l'échelle du club, pas seulement pour une équipe. Aujourd'hui, il faut former les attaquants.
À votre époque, vous restiez longtemps après l'entraînement pour travailler devant le but...
L'idée, c'est ça. J'ai dû frapper au but 1 250 000 fois à l'entraînement pour en marquer 386 ! Le ratio n'est pas très élevé, même si 386 buts dans une carrière, ça reste énorme. Mais c'est à l'entraînement qu'il faut travailler si on veut en marquer en matches.
C'est quelque chose qui s'est perdu d'après vous ?
Oui. On travaille différemment. Mais c'est aussi un travail sur la durée. Le temps est très important. Si on fait ça avec des gamins ou des joueurs plus aguerris, il ne faut pas le voir comme une charge de travail supplémentaire, mais comme un amusement. Il faut faire passer l'idée que c'est ludique et, au bout de quelques mois, on s'aperçoit qu'on n'est plus le même sur le terrain. On loupe moins, on cadre plus, et au fur et à mesure, on marque davantage.
Quel regard portez-vous sur le travail effectué par Igor Tudor ?
Je l'ai rencontré. J'ai pu comparer avec ce que j'ai vu dans ma carrière car j'ai eu la chance de jouer sous les ordres d'entraîneurs étrangers. On a un problème en France sur l'exigence. Quand on connaît Tudor, qu'on regarde son parcours, on voit que l'exigence est la base de son travail. À partir du moment où les joueurs l'ont accepté, tout s'est accéléré. Quand tu regardes l'OM jouer aujourd'hui, même si au départ c'était compliqué en dépit des bons résultats, tout est bien huilé. Quand tu regardes le match, tu sais presque ce qui va se passer. Le rôle du coach est hyper important sur cet aspect. Et sincèrement, le travail de Tudor est magnifique. Ses joueurs sont tous derrière lui aujourd'hui, ça se sent et ça se voit. Les résultats aidant, tout le monde est convaincu. À partir du moment où ils respectent ce que demande le coach, et il a beaucoup d'exigence, ils ont les résultats.
Vous avez été coach, est-ce que vous échangez avec lui sur la tactique ?
Non, je ne suis pas là pour être coach. Je suis là pour être à ses côtés, regarder ce qui se passe, donner mon avis de temps en temps, quand il me sollicite, mais à aucun moment je ne parle de tactique. Et puis, il est meilleur que moi !
Entraîner l'OM, ça vous aurait plu ?
Oui, j'aurais aimé. Mais je n'étais pas prêt, le club est trop grand. Il faut de l'expérience, avoir vécu des choses. J'ai vécu de belles choses à Strasbourg (2006-07), à Lens (2007-08), ça ne s'est pas bien passé, j'ai compris beaucoup de choses à Châteauroux (2009-10), mais l'OM, c'est l'OM. Et ici, il faut un grand coach.
Qu'aimez-vous dans cet OM estampillé Tudor ?
L'abnégation sur le terrain, l'organisation, le style de jeu. C'est très surprenant, au départ, de comprendre la façon de jouer, mais quand tu fais quinze jours d'entraînement avec eux, tu sais exactement ce qu'il demande. Et jusqu'à preuve du contraire, les joueurs respectent tous ses consignes. J'étais bluffé par le match à Troyes, par exemple. J'ai suivi les séances avant et j'ai retrouvé tout ce qu'il avait demandé sur la pelouse.
Un mot sur votre successeur à la pointe de l'attaque, Alexis Sanchez, qui n'est pas un vrai numéro 9...
Ça doit être dur et frustrant pour lui. Quand on n'est pas numéro 9 de métier, qu'on dépanne, ce n'est jamais simple. Mais il a cette expérience qui lui permet de jouer à plusieurs postes. Pour comprendre vraiment son rôle, il faut le voir à l'entraînement. On s'aperçoit que rien n'est laissé au hasard. Il montre l'exemple, il marque des buts, il se sacrifie, il court partout et tout le temps. Et puis, le groupe est de qualité, et il y a cinq changements, ce qui n'est plus pareil par rapport à mon époque. Mais quand tu remplaces un joueur par un autre, on a presque l'impression que rien ne change et ça, c'est fabuleux.
Quid de Bamba Dieng ?
Je ne l'ai pas suffisamment vu jouer pour avoir une opinion. Mais je vois ce dont il est capable à l'entraînement, il va très vite, il garde bien le ballon. Il lui manque de marquer des buts pour passer un cap. Je pense qu'il est frustré de ne pas pouvoir marquer, même s'il se procure des occasions. On a tous connu ça quand on était joueur...
Vous aviez connu des débuts difficile à Marseille, on se souvient des...(Il coupe) Des "JPP", "J'en Peux Plus", je m'en souviens aussi ! C'était très difficile ! (rires) Il faut connaître l'histoire du club pour comprendre. L'OM a des supporters passionnés, mais aussi connaisseurs. Et ici, à partir du moment où tu mouilles le maillot, on te pardonne beaucoup. Quand tu as compris ça, tu as compris beaucoup de choses. Il faut travailler sur ses faiblesses pour les corriger. Mais pour revenir à Bamba, il n'a pas 50 000 points faibles, il a juste besoin d'un déclic, de marquer un ou deux buts. Il sait faire, je pense qu'il se précipite trop car il voudrait marquer ce but mais il n'y arrive pas.
Revenons au Vélodrome et à cette ferveur inégalée en France. C'est toujours aussi particulier ?
J'ai toujours connu une ambiance folle. Le public est un argument, une force sur laquelle on a toujours pu compter. Aujourd'hui, c'est encore plus fort, car il y a 25000 places de plus dans le stade. Mais la ferveur fait partie de l'ADN du club. Sans nos supporters, on n'est pas les mêmes. C'est pour cela que le stade doit être plein contre Rennes. Si le club a cette ambition de gagner la coupe de France, nos supporters doivent aussi le vouloir en venant au stade. Alors, venez nombreux ! (rires) On a besoin de vous !
La Provence