Information
MéLISANDE GOMEZ
Même battu, Régis Le Bris n’avait pas l’impression d’avoir perdu sa soirée, samedi, en quittant le Vélodrome. « Je suis un amoureux du football, donc voir jouer l’OM, cette maîtrise technique, cette qualité individuelle, cette puissance… appréciait l’entraîneur de Lorient. C’est bien fait. L’OM prend beaucoup de risques, c’est l’identité du club, de la ville, du stade. » Le fameux « Droit au but » souvent revendiqué, parfois galvaudé mais parfaitement incarné cette saison, puisque Marseille affiche, à mi-parcours, la troisième meilleure attaque de L1, et une meilleure moyenne de buts qu’avec Marcelo Bielsa (2,05 contre 1,95), pourtant adepte d’un foot spectaculaire.
Si l’OM marque beaucoup (39 buts, dont seulement deux penalties), c’est d’abord parce qu’il applique les préceptes de son entraîneur, qui tranchent assez nettement avec ceux de son prédécesseur, Jorge Sampaoli. L’Argentin voulait la possession du ballon, qui dépassait souvent les 70 %, mais il aimait la sécurité aussi : ses joueurs assuraient chaque prise de balle, multipliant les touches et les passes latérales. Avec Igor Tudor, le changement de logiciel est radical : le Croate ne jure que par le physique et l’intensité, son équipe défend en avançant, presse avec agressivité dès la perte du ballon et, à la récupération, joue vite vers l’avant. Elle a moins de possession (58 % en moyenne) mais, avec le ballon, elle est plus rapidement dangereuse, se projetant en vitesse et en nombre. Enfin, elle est redoutable sur coups de pied arrêtés, une arme que le staff prépare beaucoup et qui lui a permis de marquer 13 fois, plus que tous les autres en L1.
Tout le monde à la fête
À Vérone, déjà, le Croate avait construit une machine à marquer et, avec un effectif moins talentueux que la concurrence, il avait fini la saison dernière avec la 5e meilleure attaque de Serie A, à égalité avec l’Atalanta (65 buts). À Marseille, l’effectif a dû digérer les consignes de l’ancien défenseur central et s’habituer à d’autres réflexes mais, avec le temps, il se montre de plus en plus à l’aise dans ses circuits. Il tente beaucoup de passes dans le dernier tiers (153 par match) et en réussit la grande majorité. Dans ce domaine, la trêve de la Coupe du monde a fait du bien, le staff profitant du stage en Espagne et du temps avec son groupe pour travailler la phase offensive. « L’amélioration dans le jeu offensif, tu ne peux l’avoir qu’en t’entraînant ensemble, expliquait Tudor samedi soir. On a eu le temps de travailler et je suis content de cela. »
Dans ce style très exigeant physiquement, l’entraîneur a réussi à emmener ses joueurs derrière lui et à leur inculquer un principe : avec lui, tout le monde défend dès la perte du ballon, et tout le monde peut attaquer, une fois qu’il est récupéré. Seule obligation, elle aussi répétée pendant les séances d’entraînement : respecter les couvertures pour ne pas être trop exposé à la perte. Quand les milieux compensent, les défenseurs peuvent donc monter et Chancel Mbemba, par exemple, se trouve très souvent dans les trente derniers mètres. Contre Lorient, il a adressé un centre décisif sur le troisième but, que Samuel Gigot a légèrement dévié dans la surface, Sead Kolasinac a marqué et donné une passe décisive…
Les milieux aussi ont pour consigne d’attaquer le dernier tiers quand l’occasion se présente, et Jordan Veretout l’a très bien fait sur le 3-1 face aux Bretons, présent dans la surface pour profiter du centre. Cette philosophie collective permet à l’OM de ne dépendre de personne ce qui, là encore, change radicalement de la saison passée, où les inspirations de Dimitri Payet étaient souvent la clé pour déverrouiller les défenses. Cette fois, personne n’incarne la force offensive, mais plutôt tout le monde : seize joueurs différents ont déjà marqué en Championnat et, bientôt, Pau Lopez sera le seul à ne pas voir son nom figurer dans la liste des buteurs.
L'Equipe