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INTENSES À MI-TEMPS
Comme contre Lens (0-1) ou à Strasbourg (2-2) en L1, les Marseillais ont flanché après la pause contre Tottenham (1-2), mardi. La baisse de régime après le retour des vestiaires a plusieurs explications. MATHIEU GRéGOIRE et MéLISANDE GOMEZ
Ne lui parlez pas d’usure physique ou de seconde période plus compliquée ! Interrogé hier sur une éventuelle lassitude des corps et des âmes sur les fins de rencontre, Igor Tudor a oublié son exercice de contrition du jour pour apostropher les suiveurs : « Je ne pense pas qu’il y ait eu une équipe physiquement supérieure à nous, cette saison. Si tu penses que tu peux dominer l’adversaire pendant l’intégralité des 90 minutes, tu te trompes. L’autre jour, contre Tottenham (1-2), on a vraiment dominé la première période, et sur la seconde, on a été meilleurs qu’eux. Au niveau des résultats physiques, l’équipe est vraiment à son meilleur niveau. Sur les trois derniers matches, 118, 108 et 127 kilomètres ont été parcourus, ce sont vraiment des données de très haut niveau pour le foot international. »
Vendredi dernier, à la veille du déplacement à Strasbourg (2-2), le colosse croate avait déjà sorti ses fiches : « Lors de la dernière rencontre, à Francfort (1-2), on a couru 120 kilomètres. On en a fait 117 lors du match précédent (face à Lens, le 22 octobre, 0-1). Ce sont des statistiques importantes, on a bien travaillé au niveau des courses, avec ou sans ballon, il y a beaucoup de dynamisme dans cette équipe, plein de signes intéressants. »
Pourtant pas l’équipe qui court le plus
Il est clair que les joueurs ont intégré le style Tudor, énergivore et tonique, différent du jeu de possession de Jorge Sampaoli – qui n’est pas non plus avare en efforts, son Séville a couru 118 kilomètres face à Dortmund (1-1) et City (1-3) en Ligue des champions. Ils terminent avec le sentiment du devoir accompli, au niveau de l’intensité déployée, ce qui rend d’autant plus cruel le manque de résultats actuel. En C1, pourtant, sur les deux dernières journées, Francfort et Tottenham ont prouvé à la bande de Tudor qu’il fallait coupler efficacité et endurance pour se qualifier : les Allemands ont un peu plus cavalé que les Olympiens (122,4 kilomètres contre 120,4), idem pour les Londoniens (130,7 contre 126,5). Ils ont exploité les failles marseillaises et leurs temps faibles, assez rares mardi. Avec une activité proche (11,5 kilomètres de moyenne pour les joueurs parisiens contre 11 pour les Marseillais), le Paris-SG avait été aussi plus lucide lors du Classique du 16 octobre (1-0).
Sanchez, exemple criant
Mardi, les coéquipiers de Chancel Mbemba n’ont pas plongé en seconde période, ils ont encore parcouru 61,4 kilomètres, contre 64,5 lors du premier acte, avec des entrants (Kolasinac, Ünder et Kaboré) à la hauteur dans l’investissement physique. Au niveau individuel, l’état de forme se révèle plus disparate. Mattéo Guendouzi et Amine Harit (plus de 25,5 kilomètres à eux deux) ont continué sur le même tempo et terminé rincés. Certains collègues ont connu une baisse de régime, comme Valentin Rongier, Jordan Veretout, Jonathan Clauss ou encore Alexis Sanchez.
Les données confirment l’impression visuelle : le Chilien n’a parcouru que 17 mètres à plus de 25 km/h sur la seconde période, contre 165 en première. À bientôt 34 ans, Sanchez incarne l’un des enjeux cruciaux pour Tudor : composer avec certains briscards qui doivent digérer accumulation des rencontres et pressing tout-terrain. L’ancien de l’Inter a déjà disputé, en moins de trois mois, 82 % des minutes qu’il avait jouées sur toute la saison dernière !
La préparation a été très lourde. Tudor a construit un staff rapidement, connu quelques mauvaises pioches (Mauro Camoranesi comme n°2, Antonello Brambilla l’entraîneur des gardiens, tous deux partis prématurément), mais embauché un préparateur physique au CV éloquent. Carlo Spignoli a ainsi travaillé pendant des années avec Claudio Ranieri et Leonardo Jardim à Monaco, terminant champion en 2017. Assez intrusif dans pas mal de domaines, Tudor a sa méthode et ses idées, il est arrivé en voulant que les joueurs courent sans cesse, pour pouvoir mettre en œuvre son foot hyper exigeant physiquement et son fameux marquage individuel. Ces préparations « à l’italienne » se traduisent par de nombreuses séances (souvent deux par jour cet été), au programme copieux, et aussi beaucoup de musculation en salle, pour gagner de la puissance et de la vélocité.
Ce menu a-t-il été indigeste ? Les joueurs ont bien commencé la saison, mais certains calent. Le rythme est particulier sur cet exercice. Deux longs tunnels de matches avant et après la courte trêve internationale (*), une valse endiablée qui a ainsi vu l’OM jouer neuf rencontres entre le 30 septembre et le 1er novembre. Le cocktail mixant jeu à la Tudor, match tous les trois jours, rotation plutôt figée en octobre et repos relevant du fantasme pour les convoqués en sélection a créé de la fatigue et des fins de match compliquées.
La lucidité des entames laisse la place à des secondes périodes plus délicates, aucun but n’a été inscrit après la pause sur les sept dernières rencontres. Le Croate en est sans doute conscient. Il a ralenti le rythme des séances, donnant régulièrement des jours de repos à ses joueurs, jusqu’à deux d’affilée. Il fait aussi attention à ne pas trop perturber leur sommeil. Les Marseillais ont dormi à Lisbonne après le succès du 12 octobre (2-0), par exemple, et ils sont restés à Francfort avant Strasbourg, la semaine dernière.
L'Equipe