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CHRISTOPHE GALTIER; "Galette", ici Paris; Enfant des Caillols, formé à l'OM , dont il a porté le maillot en pro durant quatre saisons avant d'intégrer le staff, le Marseillais de 56 ans entraîne désormais le PSG. Ses proches estiment qu'il ne pouvait pas refuser une telle opportunité. Les supporters olympiens, eux, oscillent entre indifférence et sarcasme
C'est l'histoire d'une famille de la cité phocéenne, passée furtivement par La Rose avant de s'installer en HLM aux Caillols. Un père policier, une mère caissière, trois fils : Bruno, Thierry et Christophe, le petit dernier. Surnommé "Galette" depuis que Marc Bourrier l'a comparé à un biscuit plat et fin à son arrivée en équipe de France minimes à la fin des années 70, le benjamin de la fratrie a fait la renommée de son clan.
Du TC Gallia, où il tapait la balle jaune, aux Sports Olympiques Caillolais, où il frappait le cuir noir et blanc, en passant par les parties de pêche aux Goudes, à Samena ou à l'île Maïre, où il ferrait de beaux poissons, le bonhomme né le 23 août 1966 a grandi dans la plus pure tradition locale. Doué pour le ballon rond, son chemin est ensuite passé par l'OM, au centre de formation, en pro (1985-87 puis 1995-97), puis sur le banc en tant qu'adjoint au début des années 2000. Il s'est par la suite exilé - comme durant sa carrière de joueur - mais son nom est régulièrement revenu dans une short-list de possibles futurs entraîneurs olympiens. Sans, toutefois, que ça n'aille plus loin.
Viscéralement attaché à l'Olympique de Marseille, Christophe Galtier est pourtant en poste au PSG depuis début juillet. Un crime de lèse-majesté ? "Franchement, on s'en fiche un peu", rétorque Thomas, habitué du Virage Sud, avant de développer : "Vous auriez fait quoi, vous, à sa place ? Vu le salaire qu'on lui proposait et l'opportunité qu'il avait de diriger un Ballon d'or comme Messi, il pouvait difficilement décliner. Et puis, il a déjà coaché Saint-Étienne et Nice, deux de nos plus grands rivaux. Donc, un peu plus un peu moins..."
Le sentiment d'indifférence est semblable chez la majorité des amoureux de l'OM.Même si certains se montrent plus ironiques, à l'image de Philippe, abonné en Ganay depuis plusieurs décennies. "Sur l'aspect professionnel, il a raison de vouloir accéder au plus haut niveau et chercher le club où ses qualités reconnues pourront le mieux s'exprimer, estime-t-il. Pour le reste, je ne partage rien dans sa nouvelle destination. L'Étatpropriétaire du QSG (surnom donné ces dernières années au PSG, ndlr), a acheté, entre autres, l'image de la Tour Eiffel, les hôtels de luxe parisiens, des pans de culture et la coupe du monde. Les Qataris sont sur un axe sport-culture pour effacer leurs travers et se donner une image propre. Nous, on est porté par la Bonne mère, Marcel Pagnol, IAM, la passion de notre ville, du Vélodrome et par une étoile sur le maillot... Nous ne sommes pas dans le même univers. Je lui laisse la tristesse du Parc, un vestiaire ingérable, les polémiques, les mauvaises controverses et l'environnement politique... Mais après sa déception parisienne, je le croiserai volontiers pour boire un coup amical à Cassis."
"Il est de passage"
"Je suis né à Marseille, c'est un fait, glissait l'intéressé au moment de sa présentation à la presse début juillet. On exerce un métier de passion, lorsqu'on veut gagner des titres, il n'y a pas de meilleur endroit que le Paris Saint-Germain pour le faire. Quand les premiers contacts ont été établis, j'ai mis de côté mes origines."
Son choix n'a en tout cas pas surpris ses proches, qui le soutiennent. "Tout ce qu'il fait est à son image, il a une intelligence remarquable, insiste Philippe Cazarian, président historique de l'EUGA Ardziv. C'est sensé. Tout est dans la progression, il franchit des caps. Ce n'est pas l'ami aveugle qui parle, c'est l'ami objectif qui connaît un peu le football. C'est un garçon qui est parti en bas de l'échelle et qui a évolué de manière extraordinaire. À moins d'être jaloux ou frustré, je ne vois pas comment on peut ne pas admirer son parcours. Au PSG, il entre dans une autre dimension. Au-delà de Marseille et de Paris, il est en train d'entraîner Messi, Mbappé et Neymar, rien que ça... C'est le gotha mondial."
Joël Cantona, avec lequel il a joué plus jeune, au SOC puis à l'OM, est un autre de ses intimes (tout comme ses frères Éric et Jean-Marie). Il est sur la même longueur d'ondes. "C'est comme un frère pour la famille, on est né ensemble, aux Caillols. Entraîner le PSG, c'est un tremplin exceptionnel pour aller où il veut après, dans les plus grands championnats, comme l'ont fait ses prédécesseurs, souligne-t-il. Je veux le voir en Angleterre un jour, et d'ici peu. Rendez-vous dans deux ans. Et puis, si plus tard il a une possibilité de venir à l'OM, je pense que les supporters seront contents. Il n'est pas du tout considéré comme parisien."
"Professionnellement, on aspire toujours à relever des challenges, jouer les meilleurs rôles et gagner des titres,poursuit Alain Perrin, dont le Marseillais a été l'adjoint à Al-Aïn (Abou Dhabi, 2004), Portsmouth (Angleterre, 2005), Sochaux (2006-07), Lyon (2007-08) puis Saint-Étienne (2008-09). Comme les joueurs, on veut être performant et avoir les moyens de le faire. Quand vous avez l'opportunité de disputer la Ligue des champions, par exemple, c'est un plus dans une carrière. Il avait la possibilité d'aller dans le meilleur club de France, ce n'est pas lui qui a fait l'appel du pied, mais il est très proche de Luis Campos, qu'il avait connu à Lille et qui souhaitait travailler avec lui. Il l'a suivi très logiquement. Ça ne l'empêche pas de garder sa fibre marseillaise."
Et l'ancien coach olympien (2002-04) d'enchaîner : "Il faut séparer l'affectif de l'aspect professionnel et laisser de côté les sentiments. Quand on est sur le terrain, on cherche à gagner, quelle que soit l'équipe que l'on entraîne. Le challenge ne se refusait pas. Parfois, on est obligé de signer dans des endroits où l'on n'a pas envie d'aller, mais on n'a pas le choix. Une carrière, c'est le présent, mais aussi le futur. Il ne fera pas sa vie à Paris. Il est de passage et restera un, deux ou trois ans. Ce sera magnifique et ça lui permettra de rebondir dans un autre club européen."
Difficile, en tout cas, de trouver des acteurs du milieu du foot qui critiquent sa décision. "Je la comprends, renchérit Marcel Dib, avec lequel il a fait remonter l'OM en Division 1 en 1996. Le PSG reste un club rival, nous sommes marseillais. Il a eu l'opportunité de passer de Lille à Nice, puis d'entraîner trois des meilleurs attaquants du monde, Neymar, Mbappé et Messi. C'était difficile de refuser. Vous vous rendez compte des joueurs qu'il a sous ses ordres ? C'était une opportunité financière et sportive. Sur le plan médiatique, il va être connu mondialement. Là, il restait un entraîneur de Ligue 1. Maintenant, il va avoir des ouvertures pour entraîner en Angleterre par exemple. Il sait que lorsque le PSG viendra au Vélodrome, il se fera siffler, il y aura des banderoles contre lui et c'est normal. Le public ne fait pas de cadeau."
Nazaretian : "Comment voulez-vous qu'il dise non ?"
Dans les rangs olympiens actuels, très peu de personnes ont connu "Galette" sous les couleurs marseillaises. Conseiller du président à la formation, vice-président de l'OM Association et mémoire de La Commanderie, Robert Nazaretian est l'un des derniers témoins de cette époque. Lui aussi juge que la proposition parisienne ne se refusait pas, d'autant qu'il apprécie l'ancien défenseur, dont il salue le parcours. "Une carrière se construit avec des opportunités, relève-t-il. Il a pu aller dans le club le plus riche de France, comment voulez-vous qu'il dise non ? Il est en train de réaliser une carrière exceptionnelle en rapport avec ses qualités. Il a été très bon à Saint-Étienne, exceptionnel à Lille. Ça a été un peu plus dur à Nice. Maintenant, il est à Paris. Ce que je lui souhaite après, c'est soit de venir dans un OM qui jouerait pour être champion d'Europe, soit d'aller au Real Madrid ou Manchester City."
Il faudra pour ça qu'il sorte indemne de son séjour déjà placé sous le signe de la turbulence au PSG, où les scandales se multiplient.
Allô la Terre, ici Paris...
La Provence