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Vincent Labrune sur l'indice UEFA : « Le pire était possible »
Vincent Labrune, le président de la LFP, a prié pour qu'Alkmaar ne prive pas la France des quatre places en C1 qui lui étaient promises. Et il fait tout pour motiver les clubs français sur la scène européenne.
Même s'il est passionné de foot, Vincent Labrune n'aurait jamais pensé suivre avec assiduité une rencontre de Ligue Europa Conference entre West Ham et Alkmaar (2-1, jeudi). Mais il était vital que les Néerlandais ne gagnent pas pour que le football français conserve son cinquième rang européen synonyme de quatre tickets (3 directs + 1 qualifié pour le 3e tour préliminaire) en Ligue des champions à partir de la saison 2024-2025.
« Avez-vous remercié West Ham qui vous a bien aidé en battant Alkmaar jeudi soir ?
Pas encore... Mais c'est vrai que c'est un soulagement au vu de notre mauvaise saison européenne. On était même proche d'un scénario catastrophe (Alkmaar menait 1-0 à la mi-temps). Il faut reconnaître que l'on n'a pas eu beaucoup de réussite, parce que les deux-tiers de nos équipes ont été sorties soit aux tirs au but (Monaco et Rennes) soit au bout du temps additionnel (Marseille et Nice). Pas une d'entre elles n'a balancé ses matches. Le pire était possible et finalement ça se termine bien. On fera passer un petit message sympathique aux dirigeants de West Ham... Mais je considère aussi qu'ils peuvent remercier la Ligue 1 qui forme des talents. Ils ont plus de la moitié de leurs titulaires venus du Championnat de France (Alphonse Aréola, Thilo Kehrer, Kurt Zouma, Nayef Aguerd, Lucas Paqueta et Saïd Benrahma ont démarré jeudi). C'est un clin d'oeil sympa.
On vous sent soulagé...
Forcément. Mais une fois que l'on a dit ça, c'est surtout une grosse satisfaction pour le football français. Et ce n'est pas que de la chance ou le fruit du hasard. Avec les Néerlandais, cela été très serré, mais cette issue positive vient des performances des clubs français la saison dernière. Car il y a malgré tout une prise de conscience générale, impulsée par la Ligue, de la priorité à donner aux performances européennes. On a fini deuxième au classement européen en 2021-2022. C'est grâce à cela que l'on a pu garder cette cinquième place. Et aussi au parcours du FC Nantes en Ligue Europa (barrages).
Quelle conséquence aurait eu la perte de cette cinquième place ?
Avec notre partenaire CVC (le fonds américain qui va injecter un total de 1,5 milliard d'euros), on a un plan stratégique de développement et de croissance qui passe par l'augmentation de nos revenus globaux, notamment internationaux. Avoir une place supplémentaire en Ligue des champions, c'est clé. Cela va permettre d'avoir plus de ressources UEFA pour nos clubs, plus de visibilité pour nos marques, et donc une meilleure notoriété à l'international sous réserve que nos clubs performent. On crée mécaniquement un cercle vertueux au niveau économique. Cette plus forte présence en Europe va aussi, de notre point de vue, permettre d'attirer des investisseurs étrangers importants pour renforcer la structure de nos clubs.
Mais cette cinquième place peut être vite menacée...
Cette position est acquise pour 2024-2025, mais elle est effet fragile. Les dés roulent. Tous les ans, c'est remis en jeu. La saison prochaine, il faudra que nos clubs soient bons pour conserver cette cinquième place en 2025-2026. Mais avec six ou sept clubs, c'est plus facile de rester dans le top 5. Avec seulement cinq équipes, elles auraient forcément dû aller très loin. Cela laissait peu de place à l'aléa.
Comment une partie de l'avenir du football français peut-il être à la merci de quelques victoires d'Alkmaar, un club que l'on connaissait très mal il y a encore 48 heures ?
Notre football est très autocentré. Il a une vision franco-française depuis une quinzaine d'années, sans culture européenne. La plupart des clubs sont historiquement focalisés sur le classement national et les revenus issus des droits domestiques. Ils ont souvent balayé les enjeux et les perspectives internationales, sans jamais faire des performances européennes une priorité. On paye cela avec des résultats en dents de scie. Pendant un temps, on a été portés par deux clubs très réguliers, le PSG et Lyon.
Les droits internationaux sont de seulement 73 millions d'euros cette saison. Quel est l'objectif ?
On pense que l'on pourra arriver autour de 200 millions d'euros annuels pour le prochain cycle. C'est l'objectif de court terme. Dans ce domaine, on a des recettes très faibles par rapport à nos concurrents européens. Mais nos clubs prennent désormais conscience de ces enjeux européens. Et on a un argument majeur : on a changé la distribution des droits internationaux, qui vont à 100 % vers les clubs européens en fonction de leurs performances. Aujourd'hui, il y a des potentiels gains financiers très importants pour les clubs. À titre d'exemple, le PSG, alors qu'il a fait une saison très moyenne, va toucher 33 millions d'euros de droits internationaux. Et ce sont des montants qui vont être exponentiels dans les années à venir. Les clubs français et leurs investisseurs vont vite comprendre qu'être performants en Coupe d'Europe, ça peut donner des ressources supérieures à celles des droits domestiques.
Vous avez indiqué, en septembre, que la Ligue 1 visait le podium européen. Pour l'instant, on en est encore loin.
Avec CVC, on a un plan très clair et très ambitieux pour le football français sur le cycle 2028-2032. En 2027, quand on lancera l'appel d'offres pour cette période, on souhaite en effet être sur le podium européen et améliorer très sensiblement nos ressources. En attendant, il faut rattraper notre retard. On ne va pas exiger de nous que l'on fasse, en 2024, ce que nous prévoyons pour 2027. On a pris le bon wagon, on a nos quatre places en Ligue des champions, un championnat très spectaculaire. Il faut maintenant regarder vers le haut.
La LFP fait passer ce message aux clubs ?
Dès mon élection (le 10 septembre 2020), on a fait des performances européennes un enjeu majeur. Même si on a eu quelques urgences à gérer en raison d'une situation de quasi-faillite avec Mediapro et le Covid. Depuis deux ans et demi, on martèle cette nécessité de briller sur la scène européenne. Le football est un sport global, on ne peut pas juste raisonner localement. »