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L’OM entre deux eaux
Comme Deschamps, Baup ou Villas-Boas avant lui, Igor Tudor a perdu pour ses débuts à l’OM en Ligue des champions. À Tottenham, son équipe a démontré une discipline réjouissante en première période, mais aussi un manque d’efficacité dans les zones qui comptent. MÉLISANDE GOMEZ et MATHIEU GRÉGOIRE
L’entrée en lice en Ligue des champions de l’OM s’est soldée par une défaite sur la pelouse de Tottenham (0-2) mercredi soir. Pour autant, avant l’expulsion de Chancel Mbemba en début de seconde période, la prestation des Marseillais a été plutôt encourageante. Voici des raisons d’y croire pour la suite, mais aussi une poignée de nuages à dissiper.
LES MOTIFS D’ESPOIR
Les principes de Tudor
L’entraîneur croate vivait sa première en Ligue des champions, mercredi, et il y avait baptême plus facile que ce déplacement chez le cador du groupe. Mais il a passé l’épreuve avec caractère, sans renier ses idées bien arrêtées sur le jeu que doit développer son équipe. Il avait prévenu que ce n’était qu’un match de foot parmi d’autres et qu’il l’avait préparé comme d’habitude. Des entraînements intenses et rythmés, et des principes audacieux déjà affichés en Ligue 1 : le marquage individuel tout terrain, le pressing haut, l’agressivité dans le duel, les transitions rapides. Les exigences du Croate réclament des efforts physiques considérables et supposent une vraie prise de risques dans ces interventions très hautes des défenseurs axiaux : il a suffi que le ballon passe une fois vers Son pour provoquer le carton rouge et sceller le sort du match. Mais cette intensité, cette énergie et cette rigueur collective ont fait mal à Tottenham pendant quarante-cinq minutes et feront mal encore, contre Francfort ou le Sporting Portugal, si les Marseillais gardent cet état d’esprit.
L’expérience ajoutée
Les précédentes campagnes de C1 de l’OM, entre la jeunesse du « projet Dortmund » encadré par Élie Baup en 2013 et l’inexpérience européenne de la troupe de Villas-Boas à l’automne 2020, ont rappelé combien il est important d’avoir des joueurs habitués à ces altitudes pour vite s’acclimater à ces soirées particulières. L’OM a recruté aussi dans ce sens, cet été, avec Chancel Mbemba, Éric Bailly, Alexis Sanchez ou même Jordan Veretout, qui a gagné la C4 avec l’AS Rome la saison dernière. À Londres, ces joueurs au cuir endurci n’ont pas vacillé en découvrant la pelouse et leur sérénité a rendu beaucoup de choses possibles pour l’OM en première période. Certes, Mbemba a pris un carton rouge, mais il avait été impérial jusque-là. Et ce sont les joueurs plus tendres à ce niveau, comme Nuno Tavares, Jonathan Clauss ou Luis Suarez, qui ont le plus souffert de l’enjeu.
Le retour de Sanchez
L’OM a réussi sa première période mais son efficacité dans le pressing et à la récupération a tranché avec le peu de danger qu’il a été capable de faire planer sur le but d’Hugo Lloris. La bonne nouvelle, c’est que le retour de suspension d’Alexis Sanchez, mardi face à l’Eintracht Francfort, va donner une autre allure à l’attaque marseillaise, où Luis Suarez n’a pas pesé très lourd, mercredi. Le Chilien présente un CV qui parle pour lui en Ligue des champions, où il a disputé 66 matches depuis 2011, marqué 14 buts et donné 14 passes décisives.
Sa forme actuelle (déjà 3 buts en L1) et la facilité avec laquelle il s’est intégré à la pointe du 3-4-3 marseillais, un poste qui n’est pourtant pas le sien, sont autant de raisons d’espérer. Par la qualité de ses déplacements, sa maîtrise technique et son intelligence de jeu, il rend meilleurs les autres joueurs autour de lui et il sera à sa place sur la scène étoilée de la Ligue des champions.
LES MOTIFS D’INQUIÉTUDE
La fiabilité de Lopez
Le gardien espagnol a été un des premiers choix forts de Pablo Longoria et Jorge Sampaoli, qui voulaient autant déboulonner la statue du commandeur Steve Mandanda que choisir un portier adapté au style de l’entraîneur argentin. Dans cette ode au jeu de possession, le positionnement haut et l’anticipation de Lopez, ainsi que son adaptation au rôle de premier relanceur, étaient des qualités rares et recherchées. Sampaoli est parti, Tudor a débarqué et Lopez semble moins attendu dans la participation à l’effort collectif que sur les tâches classiques du gardien. S’il avait sorti une grosse parade face à Nantes et Moses Simon, le 20 août, pour maintenir son équipe à flot, à 0-0 en début de seconde période, il n’a pas offert une garantie tous risques sur sa ligne. Il a été impuissant sur le doublé de Richarlison : son intervention sur le premier but du Brésilien (76e) laisse quelques regrets. En septembre 2021, à Moscou face au Lokomotiv, il avait déjà proposé des débuts bien ternes. Avant de se reprendre à l’automne, en L1. Il devra élever son niveau, une nouvelle fois, pour prouver qu’il a sa place en Ligue des champions.
Des ailes à cajoler
Au moment d’identifier les principes du jeu olympien, Antonio Conte n’a pas hésité. Brillants contre le tout-venant de la L1 en août, les pistons de l’OM ont été ciblés et plutôt maîtrisés par un Tottenham habitué à bien défendre. Tavares s’est empêtré dans les choix douteux, Clauss a eu du déchet pour sa première à ce niveau. Les soirs où ses pistons déchantent, Tudor va devoir trouver des alternatives pour dynamiser les offensives de son équipe, avec un jeu de transitions encore plus cinglant et fluide dans l’axe, via Dimitri Payet, par exemple, ou en responsabilisant Jordan Veretout.
Surtout, les si précieux joueurs de côté devront être choyés, lors d’un automne dantesque. Tavares n’a pas vraiment d’équivalent à gauche, le plan B s’appelle Sead Kolasinac qui, sans être génial, maîtrise bien les rudiments du « Tudor ball » (déclencher l’appel en profondeur dès que le milieu axial est touché, puis centrer en retrait), et le plan C… Clauss. L’ex-Lensois, qui postule pour une place au Mondial, a Issa Kaboré comme suppléant, un joueur encore en développement. Mercredi, Tudor a préféré placer Tavares à droite à sa sortie, et l’OM a failli défensivement sur ce côté.
Le risque d’une pointe émoussée
L’absence de Sanchez, avant-centre désigné, s’est faite sentir. Comme à Auxerre, Tudor a titularisé Luis Suarez, et le Colombien n’a guère pesé, notamment sur les temps forts de l’OM en première période. Énergique dans les tâches ingrates comme le pressing, Suarez aime être face au jeu avec le ballon, mais les grands rendez-vous n’offrent pas aux buteurs le luxe de choisir leur configuration préférée. Devant, l’OM sera ainsi suspendu au physique de sa star chilienne.
Contraint par les sanctions du fair-play financier décrétées par l’UEFA, il n’a pas inscrit Cédric Bakambu et Bamba Dieng pour la compétition. Deux munitions en moins sur ce secteur, deux profils différents qui ont pu débloquer quelques situations la saison dernière, Bakambu par sa précision, Dieng par sa vigueur. Et on ne s’attardera pas sur le départ d’Arkadiusz Milik, vrai 9 de métier soldé en fin de mercato. Autant Tudor a le choix sur ses deux milieux offensifs, derrière la pointe, avec Gerson, Guendouzi, Payet, Ünder, Harit voire Veretout, autant le poste d’avant-centre sera une source de réflexion, sinon de stress.
L'Equipe