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Gautier : « La volonté d’ouverture est claire »
Un mois après sa nomination, le nouveau patron de l’arbitrage français détaille ses projets pour sa corporation, et notamment son souhait de sonoriser les arbitres et de les laisser s’exprimer après les rencontres. ARNAUD HERMANT
La dernière image d’Antony Gautier arbitre remonte au 29 mai dernier et au barrage retour L1-L2 entre Saint-Étienne et Auxerre (1-1, 4-5 aux t.a.b.) qui s’est achevé par des incidents très graves (ayant conduit à un retrait de points pour l’ASSE cette saison en L2. Blessé en début de saison, celui qui est aussi maire (sans étiquette) de Bailleul dans le Nord et maître de conférences en mathématiques mis en disponibilité a basculé, sans transition, le 6 janvier, dans la peau de nouveau directeur de l’arbitrage français, un poste où il a succédé à Pascal Garibian, remercié en novembre. Pour L’Équipe, Antony Gautier (45 ans) présente ses projets, notamment pour le foot féminin, et sa vision de ce poste sensible.
« Comment allez-vous fonctionner à la tête de la direction de l’arbitrage ? J’ai souhaité mettre en place une organisation qui repose sur trois directions techniques, dont l’une est spécifiquement dédiée au secteur professionnel, et j’ai souhaité que ce soit Stéphane Lannoy qui la dirige. Il sera en charge directement du management des arbitres de L1.
Et les deux autres directions sont celle du foot amateur dirigée par Alain Sars et celle du foot féminin par Stéphanie Frappart.
J’ai proposé une autre gouvernance, qui va se mettre en place progressivement, avec un directeur de l’arbitrage et trois directeurs techniques délégués. J’ai voulu ne pas avoir le qualificatif “technique” car ma mission consiste à porter une vision stratégique et transversale sur tous les aspects de l’arbitrage français. Ces trois directions sont sous ma responsabilité mais indépendantes entre elles. Elles auront des objectifs fixés en lien avec la commission fédérale de l’arbitrage et il m’appartiendra de contrôler la bonne mise en œuvre des actions pour atteindre les objectifs de la FFF.
“Il n’y a pas de rupture (avec Pascal Garibian) (...) Mais il y a d’autres axes sur lesquels il faut investir pour progresser
Vous succédez à Pascal Garibian, critiqué pour son management. Allez-vous marquer une rupture par rapport à lui ? Il n’y a pas de rupture. L’arbitrage a significativement évolué ces dix dernières années. Il y a eu des avancées notoires, il n’y a qu’à voir la désignation de nos arbitres pour les grandes compétitions internationales, aussi bien masculines que féminines, et cela est à porter au crédit de Pascal Garibian et de ses collaborateurs. Mais il y a d’autres axes sur lesquels il faut investir pour progresser.
Quel directeur de l’arbitrage voulez-vous être ? Je veux être un directeur de l’arbitrage de proximité, c’est-à-dire que j’ai la volonté d’échanger régulièrement avec ceux qui contribuent au football français aussi bien au niveau départemental, régional que professionnel. J’étais à Clairefontaine il y a dix jours pour la réunion des présidents des commissions régionales d’arbitrage, j’y suis retourné ce week-end pour le stage des jeunes arbitres fédéraux élite. Mercredi dernier, j’étais à Reims pour le match de L1 contre Lorient (4-2) et, samedi, j’ai assisté à PSG-Toulouse (2-1). L’arbitrage ne se limite pas aux professionnels.
Comment va fonctionner votre duo avec Stéphane Lannoy ? La gouvernance de l’arbitrage qui se met en place est celle que j’ai proposée au comité exécutif, qui l’a acceptée, de même que les personnes choisies pour assurer ces responsabilités. Je me réjouis de travailler avec Stéphane et Alain, deux anciens arbitres internationaux, dans cette nouvelle organisation. Et la présence de Stéphanie est une plus-value pour développer l’arbitrage féminin.
Les clubs pros ont émis des doutes sur votre fonctionnement tout de même. Les interrogations étaient légitimes par rapport aux évolutions proposées. J’ai présenté des arguments pour justifier cette organisation. Et parmi les cinq membres du comex qui ont auditionné les quatre candidats pour le poste de directeur de l’arbitrage, il y avait Jean-Michel Aulas (président de Lyon) et Marc Keller (celui de Strasbourg).
Quelle modernisation souhaitez-vous apporter ? Pour les pros : être dans une démarche d’optimisation de la performance, même si, aujourd’hui, nos arbitres n’ont pas à rougir, au contraire, de leurs performances. Mais aussi définir une ligne technique claire et concertée. Je souhaite créer très rapidement un comité de liaison LFP avec la Ligue et des représentants de clubs afin d’échanger régulièrement sur le déroulement et l’arbitrage des compétitions pros. C’est comme cela qu’on avancera en transparence.
Quelle est votre position sur l’assistance vidéo ? J’ai la volonté de rendre encore plus transparent le fonctionnement du VAR, même s’il y a toujours une part d’interprétation de l’arbitre. L’IFAB (l’instance internationale qui régit les lois du jeu) vient de décider mi-janvier d’autoriser, à titre expérimental, pour les douze prochains mois, l’arbitre à communiquer aux spectateurs et téléspectateurs sa décision à l’issue d’un visionnage en bord de terrain. C’est une première étape très appréciable pour expliquer la façon dont les décisions sont prises par l’assistance vidéo. La FFF, au lendemain de la réunion de l’IFAB, a candidaté pour que la France expérimente ce nouveau dispositif et plus globalement la sonorisation en continu et en direct sur les rencontres.
“La priorité reste la prise de décision sur le terrain et de ne pas se réfugier derrière l’existence de l’outil technologique pour se déresponsabiliser
Quand cette innovation peut-elle démarrer ? La décision dépend de l’IFAB mais le foot français est prêt à s’engager dans cette évolution. Je souhaite que les arbitres français des compétitions professionnelles, quand nous aurons les autorisations, soient prêts à porter la sonorisation en direct et en continu sur les rencontres de L1. La France est la première nation à s’être positionnée officiellement.
Souhaitez-vous aussi que la parole soit plus libre après les matches alors que, sous Pascal Garibian, les arbitres avaient interdiction de s’exprimer ? La volonté d’ouverture est claire, tout le monde s’exprime sur tous les sujets du football, le seul acteur qui ne le fait pas est l’arbitre. Je suis favorable à une prise de parole mais dans un cadre à définir, dans des contextes nécessitant une communication mais avec, en amont, une formation. Si on veut être sérieux, on doit proposer ce programme de formation.
Les arbitres perdent des points dans leur notation quand ils utilisent le VAR. Comptez-vous réformer ce fonctionnement ? Oui, je veux que le recours à l’assistance vidéo ne soit plus pénalisant pour la notation des arbitres. J’avais déjà fait ce constat quand j’étais en activité. L’assistance est là pour aider les arbitres à prendre la bonne décision. Nous le mettrons en place pour le début de la saison 2023-2024. Après, je suis aussi très clair, et je l’ai été il y a une quinzaine de jours devant les arbitres et assistants de L1, la priorité reste la prise de décision sur le terrain et de ne pas se réfugier derrière l’existence de l’outil technologique pour se déresponsabiliser. Arbitrer, ce n’est pas attendre qu’on me donne la solution. »