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L'arbitre François Letexier sur Nice-Nantes : « J'ai une part de responsabilité »
François Letexier, l'arbitre au centre d'une polémique après Nice-Nantes (1-1), maintient que ses décisions étaient correctes sur le fond. Il admet toutefois des imprécisions sur la forme.
Le Nice-Nantes du week-end dernier (1-1), conclu dans la confusion et par deux expulsions autour du coup de sifflet final (les Nantais Alban Lafont et Kader Bamba), a une nouvelle fois illustré les tensions entre les arbitres et les acteurs du jeu au coeur d'une saison heurtée (50 expulsions en 12 journées). Au coeur de la polémique, François Letexier, accusé de « malhonnêteté » par Antoine Kombouaré. Fait rare au sein de l'arbitrage français, l'arbitre de 33 ans à l'ascension rapide mais marquée par d'autres critiques a accepté de s'exprimer.
« Comment avez-vous vécu ces derniers jours tumultueux ?
J'ai déjà vécu des moments plus paisibles ! Un arbitre est habitué à être jugé sur ses décisions techniques. Mais on est moins habitué à l'être sur sa probité et son honnêteté. Dès lors qu'elles s'adressent à l'homme, les critiques ont des conséquences collectives à ne pas minimiser, car elles rejaillissent sur tous les arbitres, en particulier les amateurs. Mais il y a aussi des conséquences individuelles, les nombreuses menaces subies dans le cadre de ma profession (huissier de justice) et sur les réseaux sociaux. Pour la première fois, j'ai déposé plainte.
Pourquoi n'avez-vous pas accordé de penalty à Nantes malgré la double main du Niçois Mattia Viti (21e) ?
Sans interprétation possible, sa première main n'est pas sanctionnable, car pleinement collée au corps. La seconde main est susceptible d'être interprétée. Mais je ne la sanctionne pas, pour deux critères techniques : 1. Elle résulte d'un premier contact donc non sanctionnable, suite à une déviation nette du ballon, Viti ne pouvant pas anticiper le fait qu'il va venir sur sa seconde main, vu sa vitesse élevée et d'une distance courte. 2. Comme il effectue un mouvement du bras vers l'intérieur, j'en déduis une volonté de réduire sa surface corporelle plutôt que de l'étendre. J'étais loin de l'action, mais j'ai eu la confirmation de ce que je pensais à la vue des images.
Comment expliquez-vous le malentendu avec Antoine Kombouaré ?
Robin Chapapria (le quatrième arbitre, accusé d'avoir menti par le coach nantais) ne dispose que du son et pas de l'image. Quand il évoque auprès de lui "une déviation du corps" après ce que je lui ai dit, il y inclut, de bonne foi, la première main, non sanctionnable. J'ai pu l'expliquer à Ludovic Blas, mais pas à M. Kombouaré, même si je l'ai attendu, juste avant la seconde période. J'aurais sans doute dû l'attendre davantage pour lui préciser ces éléments, ce que j'ai enfin pu faire mardi (après les déclarations publiques du coach, lundi). Il aurait aussi fallu aller voir les images sur le penalty accordé à Nice (transformé par Pépé, 90e + 7). Quand ça se termine avec autant d'incompréhension, j'ai forcément une part de responsabilité.
Pouvez-vous détailler votre réflexion sur cette action ?
On ne peut contester que Jean-Charles Castelletto (Nantes) augmente bien sa surface corporelle pour commettre une main. Le problème consiste donc à évaluer l'influence du contact de Dante (Nice) sur celle-ci. Or selon moi, même après avoir revu l'action, il n'y a pas d'"ascenseur". Si je sanctionnais une main placée sur un adversaire sur les duels aériens, je les sifflerais tous !
Ressentez-vous une tension supérieure cette saison ?
Oui, les quatre descentes en L2 jouent un rôle. Mais il faut toujours avoir la volonté réciproque de maintenir la communication. Plus il y a de polémiques, plus le fossé risque de se creuser, donc plus on doit échanger avec les équipes, comme je l'ai fait en recevant M. Bamba (Nantes, non entré en jeu et expulsé, 90e + 7) après le match. D'ailleurs, je n'ai jamais refusé de recevoir un acteur après une rencontre.
À 33 ans, vous avez déjà une grosse expérience. Quels sont vos buts ?
J'aimerais qu'on perçoive l'arbitre comme un sportif, avec des objectifs. Être arrivé très tôt en L1 (à 26 ans en 2016) m'a permis d'apprendre plus vite de mes erreurs. Ma conception de l'arbitrage est de rester le plus juste possible techniquement, même si ça tombe plusieurs fois sur la même équipe... »
Source L’Equipe