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Voyage au centre du VAR : au coeur des décisions arbitrales lors de la 14e journée de Ligue 1
Nous avons vécu la journée de dimanche et ses six matches de Ligue 1 au « Replay Center », à Paris, où officie l'assistance vidéo à l'arbitrage. Avec des situations chaudes à la clé.
C'est un voyage en plein coeur de Paris. Une plongée dans un lieu secret et sécurisé qu'on atteint après avoir franchi une petite cour et une multitude de portes avec un badge, en ayant arpenté un dédale de couloirs. Tout au bout, on découvre une pièce futuriste évoquant la tour de contrôle d'un aéroport, baignant dans une lumière bleue tamisée et où sont alignés sept « boxes » contenant chacun huit écrans, surplombés par un poste de supervision à trois double écrans. Il s'agit du fameux « Replay Center ».
L'assistance vidéo à l'arbitrage pour la L1 (et bientôt la L2, à partir de l'été prochain) y officie depuis septembre 2019, sachant qu'elle y a été instaurée en août 2018. Nous y avons passé toute la journée et la soirée de dimanche avec un casque collé aux oreilles, à l'occasion de la 14e journée de L1. Nous avons ainsi pu assister dans le détail à trois des quatre modifications possibles prévues dans le protocole du VAR : un penalty, un carton jaune transformé en rouge et un hors-jeu inversé (la dernière, rarissime, étant l'erreur d'identité).
12 h 20 : préparation et affinage
Dans la salle de réunion attenante à ce « saint des saints », Bruno Coué, VAR de Le Havre - Paris-SG (0-2) et son assistant Cédric Dos Santos, se préparent depuis une heure. Le premier (57 ans), fait partie des treize anciens arbitres à officier comme VAR, sachant que les vingt Fédéraux 1 (dont onze internationaux) actuels alternent entre le terrain et cette fonction sédentaire devenue cruciale.
Il précise : « À 1 h 30 et à trente minutes du coup d'envoi, on vérifie et revérifie que tout fonctionne bien avec les arbitres présents au stade. Par ailleurs, même si on a l'habitude de souvent travailler avec les mêmes opérateurs (il y en a en général un par rencontre, sauf s'il y a plus de quatorze caméras), c'est important de tout repasser en revue à chaque fois, le calage des lignes pour les hors-jeu, les images arrêtées, les points d'impact sur les fautes dans la surface etc., pour être le plus fluide possible. »
Le tout sous la supervision de Gabriel Rizzo, directeur des opérations pour Hawk-Eye (la société fournissant cette technologie) qui veille à ce que tout fonctionne bien, en laissant « un maximum d'autonomie à (ses) opérateurs, tous rompus aux process et hyper-réactifs ».
13 h 10 : le double manque de lucidité de Donnarumma (PSG)
Dès la 10e minute, au stade Océane, Gianluigi Donnarumma est expulsé par Bastien Dechepy pour un pied haut sur Josué Casimir. Tout en vérifiant qu'il n'y a pas de hors-jeu, ce qui est le cas, Bruno Coué confirme à l'arbitre : « Il lui touche non seulement l'épaule, mais la tête aussi. » M. Dechepy affirme aux Parisiens, dont Kylian Mbappé qui s'est approché : « C'est clair, cela a été vérifié. Non seulement, c'est le dernier défenseur, mais en plus il le touche très haut. J'avais même le choix pour le motif du carton rouge. Vous le verrez sur les images, faites-moi confiance ! »
Le fait que le gardien italien ait voulu contester son expulsion, pourtant plus qu'évidente, consterne les arbitres assistants-vidéo affectés aux trois matches de 15 heures, alors en train de se préparer à leur tour. « C'est incroyable, là, quand même », s'est ainsi exclamé Hamid Guenaoui, en charge du VAR de Brest - Clermont (3-0).
15 h 18 : la main trop suspecte de Konaté (Clermont)
Au stade Francis-Le Blé, Hamid Guenaoui entre vite aussi en action : « Je t'invite à aller voir les images », lance-t-il ainsi dès la 18e minute de Brest-Clermont à Marc Bollengier en l'interpellant sur une main du défenseur auvergnat Cheick Konaté dans sa surface. « Le bras est clairement décollé. Je te montre le point de contact avec la loupe. » Devant l'écran de contrôle du stade finistérien, l'arbitre ne met que quelques secondes à trancher et donc à se déjuger, à juste titre, le ballon arrivant assez lentement sur le joueur clermontois, qui a augmenté sa surface d'intervention. « Si tu dois mettre un avertissement, c'est le numéro 15 », lui précise le VAR.
M. Bollengier brandit dans la foulée un jaune à Konaté, accorde donc le penalty à Brest et lance au joueur, pour couper court à sa contestation : « Je vous assure, j'ai revu les images, le bras est clairement décollé. » Après la transformation par Romain Del Castillo (20e), Guenaoui rassure à nouveau son collègue : « J'ai encore revu, le bras est bien décollé, tu peux passer à autre chose. » La dimension « managériale » du VAR vis-à-vis de son arbitre central ressort dans de nombreux échanges.
16 h 23 : le jaune de Kouyaté (Montpellier) se transforme en rouge
Jérôme Brisard, VAR de Monaco - Montpellier (2-0), nous a confirmé cette facette importante de la fonction. À la 78e minute, alors qu'il venait de vérifier que l'arbitre-assistant avait eu raison de lever son drapeau pour un hors-jeu de l'attaquant héraultais Musa Al-Tamari et donc que le penalty sifflé par Jérémy Stinat pour une faute de Guillermo Maripan sur le Jordanien n'avait plus lieu d'être, M. Brisard a quand même checké la véracité de ce penalty. Pourquoi, alors que cela n'avait, semble-t-il, plus aucune importance ni intérêt ? « Pour avoir la possibilité d'encourager Jérémy, en lui disant que cette fois, il avait pris la bonne décision. C'est psychologique et il est important de toujours se soutenir entre nous. »
Car quelques minutes plus tôt (68e), l'arbitre s'était trompé en ne brandissant qu'un carton jaune à l'encontre du défenseur du MHSC, Kiki Kouyaté pour une sévère semelle sur Takumi Minamino. « Il y a une très grosse torsion de la cheville, viens voir les images s'il te plaît », l'avait-il interpellé. M. Stinat n'a pas eu besoin de s'attarder devant l'écran de contrôle pour lâcher : « OK, je vais au rouge, Jéjé ! » Et lorsqu'il a couru l'annoncer à l'international malien, ce dernier a juste quitté le terrain, la tête basse.
17 h 35 : Rémy Cabella candide puis pas d'erreur manifeste...
Lors d'un Lille - Metz (2-0) mouvementé, Gaël Angoula a sifflé trois penalties, soit deux pour l'équipe lorraine (ratés par Simon Elisor, 29e et Lamine Camara, 55e) et un pour le LOSC (transformé par Jonathan David, 45e+6), tous logiquement validés par son VAR, Dominique Julien. Sur le premier, où Leny Yoro a accroché dans la surface Cheikh Tidiane Sabaly, Rémy Cabella a demandé, juste après la confirmation, à la fois candide et un peu de mauvaise foi : « Ils ont checké là-bas ? » M. Angoula lui a répondu : « Bah bien sûr ! »
Comme on a pu le constater au cours de ce long dimanche, tout est passé au crible. Même si les Lorrains estiment qu'ils auraient dû bénéficier d'un penalty de plus pour un double contact - tirage de maillot et bousculade - de Gabriel Gudmundsson sur Elisor (38e). Sur ce coup-là, l'arbitre a clamé « Pas de retenue ! » et son VAR a considéré qu'il n'avait pas commis d'erreur manifeste, en commentant : « Les deux joueurs se tiennent et il n'y a pas de faute de pied. » L'appréciation peut paraître contestable et confirme que la notion d'erreur manifeste conservera toujours une incompressible part de subjectivité.
19 h 10 : Antony Gautier, le directeur de l'arbitrage, se confie
Antony Gautier (46 ans) l'a d'ailleurs reconnu quand on lui a fait remarquer, au moment où il a souligné que « 83 % des erreurs manifestes ont été corrigées cette saison grâce au VAR, un taux d'efficacité encore jamais atteint ». Nommé directeur de l'arbitrage en janvier, il martèle comme son prédécesseur (Pascal Garibian) : « Les arbitres restent toujours les décideurs finaux, le VAR ne doit surtout pas les déresponsabiliser. »
Mais il met l'accent sur l'infléchissement impulsé cette saison quant à la notation des arbitres centraux : « Il n'y a plus d'impact systématique si leur décision est modifiée à la suite de l'utilisation du VAR. Si l'arbitre y a recours après avoir commis une réelle erreur sur son positionnement ou dans sa collaboration avec ses assistants, sa note reste impactée. Mais si c'est consécutif à une situation où il n'était pas en mesure d'appréhender l'action (par exemple sur les phases arrêtées où il y a une forte concentration de joueurs), ce n'est plus le cas. »
22 h 43 : Michael Murillo (OM), le hors-jeu rattrapé
Sur les modifications pratiquées dimanche, on se trouve plutôt dans des situations où leur note devrait s'en ressentir. Y compris pour la troisième, concernant l'arbitre-assistant Valentin Evrard, qui a oublié de lever son drapeau pour signaler le hors-jeu, au final assez net, de Michael Murillo, passeur sur un but d'Amine Harit (78e), donc finalement refusé à l'OM, vainqueur de Rennes (2-0).
Et ce, dans un match enlevé, où Willy Delajod a sifflé un penalty (transformé par Pierre-Emerick Aubameyang, 8e) pour un tacle sur Iliman Ndiaye mal maîtrisé par Christopher Wooh, puis a expulsé ce dernier pour un autre tacle inconsidéré sur Geoffrey Kondogbia (61e) et Ndiaye pour une vilaine semelle sur Jeanuël Belocian (68e). Des décisions vite validées par le VAR, Alexandre Castro, qui a bien coaché son arbitre, en lui lançant vers la fin, à propos des trois : « Il y a zéro débat, ne t'inquiète pas. » Ainsi, M. Delajod a pu conclure, auprès d'un joueur : « Vous savez, on a le VAR, donc à partir du moment où c'est faux, je le sais ! »
Bouton rouge, bouton vert
Juste devant lui, outre une multitude d'écrans, le VAR dispose de deux gros boutons. À quoi servent-ils ? Benoît Bastien, qui officiait dimanche sur Toulouse - Lorient (1-1), explique : « Le bouton rouge, c'est pour communiquer avec l'arbitre central. On le maintient appuyé pour qu'il nous entende seulement quand c'est nécessaire (donc pour le conforter sur une décision prise, cas très fréquent, ou l'alerter sur une à changer, occurrence bien plus rare), afin de ne pas polluer ses échanges avec ses assistants et le quatrième arbitre sur le terrain. Quant au bouton vert, c'est une sorte de marqueur. On appuie pour signifier à l'opérateur tous les moments d'une action où il va falloir remonter pour effectuer une vérification, qui doit être la plus anticipée et complète possible. »