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La flambée des prix
Les salaires de la Ligue 1 ont augmenté dans la grande majorité des clubs par rapport à la saison dernière. Les raisons sont multiples. Romain Lafont
Dans le foot aussi, c’est l’inflation, avec un grand I. Quoi de plus normal, nous direz-vous, lors d’une saison où le vainqueur de la Coupe du monde est aussi le pays où le prix du bife de lomo peut être différent au début et à la fin d’une même journée. Mais si les salaires de la Ligue 1 ont une nouvelle fois augmenté, l’Argentine et Lionel Messi n’y sont pour rien, le septuple Ballon d’Or touchant la même somme que la saison dernière.
La guerre en Ukraine non plus, d’ailleurs, même si elle a eu pour conséquence indirecte de ramener de Russie quelques joueurs, comme Rémy Cabella (Lille), Dejan Lovren (Lyon) ou Alexis Beka Beka (Nice). Sur les dix-sept clubs qui évoluaient déjà en Ligue 1 la saison dernière, treize ont vu la moyenne de leurs émoluments partir à la hausse, même si cette dernière n’est pas délirante dans tous les clubs, loin s’en faut.
Les exceptions ? Monaco, contraint d’être plus raisonnable à cause du fair-play financier et dont la moyenne salariale a mécaniquement chuté avec la fin de contrat d’un joueur, Cesc Fabregas, qui aura passé trois saisons et demie à l’ASM et dont le rendement en Ligue 1 a été inversement proportionnel à son salaire de superstar (600 000 €). Vient ensuite le LOSC, qui a tenté de garder une équipe compétitive tout en continuant son désendettement, avec notamment le départ de ses deux plus gros salaires (Renato Sanches et Burak Yilmaz), et Angers, qui a probablement anticipé, dans son mercato hivernal, sa descente future en Ligue 2. Rennes, lui, semble être resté stable dans sa masse salariale, mais il a continué à débourser des sommes plus que coquettes en indemnités de transfert (25 M€ versés à Paris pour Arnaud Kalimuendo, 28 M€ pour Amine Gouiri, dans le cadre d’un échange avec Gaëtan Laborde, parti à Nice).
Marseille a cassé sa tirelire
Chez tous les autres, donc, une hausse a été observée, mais cette situation globale cache d’immenses disparités et possède des explications multiples. Comme d’habitude ces dernières années, il y a évidemment le PSG et les autres. Pour convaincre Kylian Mbappé de rester alors que son contrat se terminait en juin dernier, le club de la capitale lui a tout simplement offert l’un des plus gros contrats de l’histoire du sport (voir page 4).
À Paris, « Kyky » a tout pris : pour les recrues estivales, le PSG s’est montré un tout petit peu plus raisonnable que d’habitude – à son échelle, évidemment. Un seul joueur arrivé durant l’été figure dans le top 10 de ses plus gros salaires, Nordi Mukiele, débarqué du RB Leipzig. Les autres naviguent dans des sphères financières qui se rapprochent un peu plus du commun des mortels, ou du moins des plus gros contrats du dauphin marseillais.
C’est l’un des grands enseignements de cette cuvée 2023 : l’OM a cassé sa tirelire pour tenter de réaliser une campagne de Ligue des champions plus digne que les deux précédentes, qui s’étaient achevées avec respectivement 0 et 3 points, en 2013-2014 et 2020-2021. Le club phocéen a certes encore terminé à la dernière place de son groupe, mais il a au moins existé cette saison (6 points), et il était encore en mesure de se qualifier pour les huitièmes de finale à dix minutes du terme de la phase de groupes. Rien de plus normal, après tout, lorsque l’on recrute des joueurs du pedigree d’Alexis Sanchez ou Eric Bailly, et des valeurs sûres comme Jordan Veretout.
Merci qui ? Merci CVC
Des renforts qui, à défaut de lui permettre de voir le printemps européen, font de Marseille un candidat très solide à la deuxième place de la Ligue 1. Des renforts qui trustent, aussi, les premières places dans la hiérarchie salariale du club et qui font une apparition remarquée dans le top 30 de notre Championnat. Huit Marseillais y figurent, contre trois lors des deux saisons précédentes, et cinq en 2019-2020.
L’Europe, c’est aussi ce qui a incité Nantes à faire venir de Watford un Moussa Sissoko qui devient par là même le plus gros salaire de l’histoire du club. Attirer des joueurs venant du Championnat anglais, boosté financièrement par ses droits télé mirifiques, forcément, cela coûte cher.
Ce ne sont pas l’OL, qui a fait revenir Alexandre Lacazette pour près d’un demi-million d’euros mensuel, Nice, où figurent trois « British » d’adoption (Pépé, Schmeichel) ou de passeport (Barkley) dans le top 7 des salaires, ou Strasbourg qui diront le contraire, même si les Alsaciens ne paient qu’une petite partie des émoluments de Morgan Sanson, prêté cet hiver par Aston Villa. Nantes peut au moins profiter du fait que Sissoko ait été résident fiscal anglais lors des cinq dernières années, ce qui permet au club et au joueur de bénéficier de l’impatriation au même titre que les joueurs étrangers (voir ci-dessous).
Chez les « petits » du Championnat, pas de folie, hormis peut-être Troyes et son pari Jeff Reine-Adélaïde, aussi audacieux que pour l’instant raté. Mais les candidats au maintien ont, pour certains, tenté de se renforcer, à l’image d’Auxerre et ses six prêts hivernaux. Tout ce petit monde a pu bénéficier de deux éléments qui permettent de compenser un peu la baisse des revenus liés aux droits télé par rapport à ce qui était prévu avec feu Mediapro.
D’abord, la fin des huis clos, totaux ou partiels, liés au Covid. Ensuite, et surtout, la manne financière apportée par CVC. Le fonds d’investissement va verser 1,5 milliard d’euros d’ici à juin 2024 contre 13,04 % des parts de la filiale commerciale de la Ligue et les millions ont déjà commencé à tomber sur les comptes des clubs, l’été dernier. Mais pas de façon égale, à terme : Paris aura touché d’ici un an et demi 200 M€, l’OM et l’OL 90, Nice, Lille, Rennes et Monaco 80, les autres au mieux 33. Pour certains versements futurs, il faudra d’ailleurs prouver que son club est sain et que l’argent est bien utilisé. Inflation, oui, déraison, non.
L'Equipe