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Pourquoi la mise en oeuvre d'un salary-cap en Europe serait complexe
Le président de l'UEFA, Aleksander Ceferin, a récemment affiché sa volonté d'instaurer « le plus rapidement possible » un plafond salarial. Mais la mise en oeuvre serait difficile.
C'est un serpent de mer dont on va peut-être finir par voir la queue. La semaine dernière, dans le podcast américain Men in Blazers, le président de l'UEFA Aleksander Ceferin a évoqué la possibilité de mettre en place un « salary-cap » : « Je pense qu'à l'avenir, nous devrons réfléchir sérieusement au plafond salarial. Si les budgets atteignent des sommets, l'équilibre de la concurrence devient problématique.[...] Le plafond salarial est notre avenir. J'espère qu'il sera mis en place le plus rapidement possible. »
Une phrase qui a pu surprendre, alors que de l'autre côté de l'Atlantique, la MLS assouplit son salary-cap par des exceptions de plus en plus nombreuses. Cette idée est-elle seulement techniquement possible ?
« Il est très compliqué à mettre en place en Europe, de par la disparité de la fiscalité d'un pays à l'autre, explique Vincent Chaudel, fondateur de l'Observatoire du sport business. Le principe du salary-cap est un principe vertueux, mais s'il est dans un univers non harmonisé, il devient handicapant. » Pour au moins deux raisons : « Comme le marché est libre, si un seul pays met en place un salary-cap, les meilleurs joueurs vont peut-être aller à côté, avance Loïc Ravenel, chercheur au Centre international d'études du sport. Il faudrait le faire dans tous les Championnats en même temps, sinon on aurait des distorsions de concurrence. » Une sorte de syndrome du plombier polonais à l'envers, en somme.
Deuxième écueil, l'existence de plusieurs niveaux de compétition. Vincent Chaudel : « Si vous mettez un salary-cap en France, ce sera "fair" pour tout le monde, sauf Monaco (en raison de sa fiscalité différente), car tout le monde aura les mêmes règles. Mais en arrivant au stade de la Coupe d'Europe, vous êtes handicapé. Si vous le mettez au niveau européen, on n'a pas la même fiscalité d'un État à l'autre. » Ceferin en est conscient, puisqu'il avait ajouté dans le même podcast : « Cela doit être un accord collectif entre chaque ligue et l'UEFA, car si nous le faisons et que les autres ligues ne le font pas, cela n'a pas de sens. »
Mais il n'est pas sûr que les ligues aient follement envie de son instauration, même si Ceferin explique que « tout le monde est d'accord ». « Sa mise en place est un peu consubstantielle à la mise en place d'une ligue fermée, où on est tous d'accord entre nous pour faire du business, explique Loïc Ravenel. Dans ces cas-là, on peut s'entendre sur un salary-cap, puisque les joueurs ne sont quasiment plus des joueurs du club mais de la Ligue. La structure même d'une ligue non fermée fait que les clubs sont concurrents pour leur survie. Vous avez des clubs qui veulent éviter la relégation, d'autres qui veulent gagner le Championnat, aller vers les compétitions européennes qui vont leur rapporter plus de revenus. Vous êtes dans des compétitions qui vont agréger des clubs aux objectifs totalement opposés. Alors que dans une ligue fermée, on va plutôt être dans une logique de partage. »
Un peu comme dans une Superligue, à laquelle l'UEFA s'est opposée ? « La FIFA et l'UEFA sont contre la Superligue sauf si ce sont elles qui l'organisent, observe Vincent Chaudel. L'UEFA pourrait très bien organiser une Superligue pas fermée mais semi-fermée, ou semi-ouverte, avec des clubs permanents et des clubs invités ou qualifiés. Mais honnêtement, c'est plus ou moins déjà le cas : Barça, Real, City, PSG, ils sont là tous les ans. C'est déjà une ligue semi-fermée, même si on n'a pas mis des critères pour l'officialiser. »
En attendant, l'UEFA a franchi une première étape en instaurant à partir de 2024 une règle selon laquelle seuls 70 % des revenus peuvent être utilisés pour les salaires et les transferts. « Cela pose la question des moyens de contrôle, pose Loïc Ravenel. Jusqu'à présent, c'est par la participation à la Coupe d'Europe. Mais dans les Championnats, on n'a jamais réussi à imposer directement. C'est seulement quand ils se qualifient pour une compétition européenne que cela peut rentrer en ligne de compte. Donc ça ne va concerner qu'un certain nombre de clubs. »
L'Equipe