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Les dessous de la vraie-fausse arrivée de Zidane sur le banc parisien
Le 10 juin, plusieurs médias ont annoncé la signature au PSG de la légende du sport français en lieu et place de Mauricio Pochettino. Depuis, Galtier a été nommé. Tout était faux ce jour-là. Récit.
Dominique Sévérac
Le 10 juin 2022, le monde sportif s’est embrasé en quelques secondes. La rumeur avait gonflé la veille au soir, partie d’Espagne, mais rien n’a remplacé la déflagration de ce vendredi matin-là. Ça tourne en boucle sur des médias puissants — pas les plus reliés à l’actualité du PSG cependant — en rouge, en gros caractères, de toutes les couleurs pour que ça pète encore plus : « EXCLUSIF - PSG : accord de principe avec le club pour que Zinédine Zidane soit le prochain entraîneur. »
L’information est énorme, colossale, comporte une part de rêve et de fascination incroyable : le plus grand sportif français de tous les temps, l’icône absolue, le héros de la Coupe du monde 1998, la première étoile, l’entraîneur au palmarès inouï avec notamment trois Ligues des champions d’affilée va diriger, à bientôt 50 ans, Leo Messi et Kylian Mbappé, deux génies du jeu, à Paris, l’un des clubs les plus puissants du monde. Il y a de quoi se pincer, faire des bonds, préparer un cahier spécial pour cet événement considérable.
Le Marseillais, au visage accroché jusqu’en 2006 sur la Corniche Kennedy, coach du Paris Saint-Germain, de son « Ici c’est Paris », avec sa rivalité historique avec l’OM, quelle histoire !
Il n’a jamais été le choix de Campos
Le 10 juin, c’est aussi le jour ou plutôt le soir d’Autriche - France. Une bonne partie des suiveurs de l’actualité parisienne se trouvent à Vienne pour cette rencontre de Ligue des nations. Branle-bas de combat, alerte générale, ils quittent les musées locaux, stoppent leur footing ou leur balade en ville et regagnent leur quartier général afin de se préparer à couvrir à distance cette nouvelle sensationnelle. Et un peu baroque.
Le PSG vient de nommer (et d’officialiser ce 10 juin) Luis Campos conseiller sportif du club et l’attelage Zidane-Campos, avec Antero Henrique pas loin, détaché pour des missions ponctuelles cet été auprès du PSG (vente de joueurs, développement de partenariats avec d’autres équipes européennes), ne colle pas au nouveau « projet ». Sa chance de réussite augmente si Campos a les pleins pouvoirs et nomme lui-même le futur entraîneur. Son choix, révélé par « le Parisien », se porte sur Christophe Galtier. Ça ne colle pas mais le PSG reste un club où l’actionnaire, le Qatar, peut imposer des décisions d’en haut, pourquoi pas après tout.
Et puis Zidane quand même ! Qui pourrait être contre, franchement ? À part éventuellement quelques supporteurs de l’OM, mais ce n’est pas vraiment le problème de Paris, ça.
D’autant plus que les négociations ne datent pas de ce 10 juin. Elles ont commencé bien avant, à la fin de l’année 2021 comme « le Parisien » le révélera aussi. Et des rencontres entre l’émir du Qatar et Zidane ont déjà eu lieu, comme le 27 mai à Paris, à la veille de la finale de la Ligue des champions. Franchement, Zidane au PSG, c’est crédible même si ça ne va pas avec une partie du reste.
Campos justement, ce 10 juin, planche sur le nouveau PSG. Il met tout en place, converse régulièrement avec Galtier, négocie en parallèle la venue de Vitinha ou de Milan Skriniar. Comme il en a été décidé par l’émir du Qatar et Nasser Al-Khelaïfi, le président du PSG — il les a vus à Doha fin mai — il a les pleins pouvoirs, carte blanche pour refonder l’effectif professionnel, choisir Galtier, recruter les éléments qu’il a ciblés.
L’entourage de Zidane à l’origine de la « fuite »
Son téléphone, évidemment, chauffe, alimenté par la nouvelle de l’arrivée de Zidane. Le dirigeant portugais reste d’un calme olympien, ne cède pas à l’agitation, prête un œil distrait à ce coup de tonnerre et continue son job, avec ses équipes. Il ne comprend pas exactement ce qui se passe puisqu’il sait que l’arrivée de Zizou n’a jamais été évoquée en interne, qu’ Al-Khelaïfi ne la négocie pas en ce printemps 2022, et qu’une partie des cadres de l’effectif du PSG a été informée en amont, fin mai, de l’arrivée de Christophe Galtier comme futur entraîneur pour deux saisons.
À Vienne, le staff de l’équipe de France et la Fédération française surveillent aussi les infos. Tiens, Zidane au PSG, ce n’est donc plus un candidat pour une éventuelle succession de Didier Deschamps après la Coupe du monde au Qatar. La FFF n’a pas encore renouvelé le contrat de DD qui expire à la fin de l’année civile et elle attendra, très vraisemblablement, le verdict du Mondial pour le prolonger ou changer d’ère. En Autriche toujours, les journalistes appellent la terre entière pour confirmer le scoop tombé le matin même. La journée avance et rien ne vient recouper la signature de Zinédine Zidane.
Et pour cause. C’est le camp de la légende française qui a fait fuiter son arrivée même si il sait qu’elle ne viendra pas à Paris cet été-là. Il sait que le PSG part sur un autre projet — celui de Campos donc — mais invente cette fake news pour qu’il en ressorte une petite morale provisoire : Zidane a refusé en juin 2022 le PSG.
ZZ et DD, deux champions du monde pour un poste en bleu
C’est l’équipe de France qui est visée dans ce coup de billard à plusieurs bandes. Il s’agit de faire comprendre à la Fédération qu’elle ne peut plus maintenir Deschamps après la Coupe du monde, qu’il la gagne ou qu’il la perde, et que Zidane a fait un « sacrifice » énorme en repoussant le PSG et ses Galactiques.
C’est le même camp Zidane qui se chargera de démentir la venue du Ballon d’or France Football 1998, notamment sur le site de « l’Équipe » par l’intermédiaire de son agent historique, Alain Migliaccio, fâché comme pas possible avec Jean-Pierre Bernès, le représentant de… Didier Deschamps.
D’ailleurs entre ZZ et DD, ce n’est un secret pour personne, ce n’est pas le grand amour non plus et ce depuis longtemps. Une information plus un démenti égalent deux informations, disait-on dans l’ancien temps.
Le camp Zidane, au-delà des querelles de personnes, s’agace de ne pas être maître des horloges dans le dossier équipe de France et redoute de voir le poste lui passer sous le nez, une nouvelle fois.
En privé, Deschamps a d’ailleurs confié à des proches qu’il n’était pas usé et se voyait, dans l’hypothèse d’un Mondial réussi, au moins continuer la sélection jusqu’en 2024 pour disputer l’Euro, une compétition qui lui résiste encore pour l’instant. En attendant, l’ombre de Zidane plane toujours au-dessus de son épaule. La légende n’entraînera pas le PSG cet été. Le 10 juin, tout était faux.
À bientôt 50 ans, le triple vainqueur de la Ligue des champions aurait pu apporter son expérience au club de la capitale.
Le Parisien