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Foot - PSG ; Comment Aref a été évincé de l'entourage d' Al-Khelaïfi
Entendu par l'IGPN, Adel Aref, ex-directeur de cabinet de Nasser al-Khelaïfi, a donné sa version des manoeuvres illégales dont il aurait été victime dans le but de l'éloigner du président du PSG. À qui Adel Aref, l'homme qui régnait sur le Carré VIP du PSG faisait-il de l'ombre ?
C'est l'une des très nombreuses questions auxquelles les enquêteurs tentent de répondre, dans la tentaculaire affaire des barbouzeries suspectées du PSG. Ce Franco-tunisien de 42 ans, ancien arbitre international de tennis, a rencontré Nasser al-Khelaïfi dans son ancienne vie de tennisman assez modeste, avant qu'il ne devienne le visage du Qatar sur la scène internationale et sportive.Né à Tunis, Aref a passé une partie de son adolescence à Londres. Une blessure au dos, à 16 ans, l'empêche d'entrevoir une carrière professionnelle dans le tennis. Après un stage initié par la Fédération Internationale, Aref décroche à 18 ans son premier badge d'arbitre.
Il rencontre Al-Khelaïfi, alors joueur, à l'occasion d'un tournoi au Qatar. Les deux hommes tissent des liens d'amitié alors qu'Aref gravit les échelons de l'arbitrage jusqu'à devenir badge d'or en 2003. Il devient alors le plus jeune arbitre professionnel du monde à 24 ans.
En 2008, Al-Khelaïfi demande à Aref de venir travailler au Qatar sur le Masters féminin, qui doit y être organisé trois ans plus tard. Devenu membre du premier cercle de « NAK », Aref est choisi pour être son chef de cabinet au PSG, en 2013. Mais l'ancien arbitre est soudainement écarté, en 2019, de sa mission qui consistait notamment à gérer les invités de prestige du club. Une éviction qui ferait suite à une campagne menée par l'officine secrète qui oeuvrait en marge du PSG, à coups de documents présumés faux et de rumeurs.Une mise à l'écart soudaineRedevenu proche de « NAK » et désormais directeur marketing de beIN Sport au Moyen-Orient et directeur des tournois Premier Padel, Aref a porté plainte contre X, comme l'a révélé L'Équipe. Il s'est aussi porté partie civile dans l'affaire des barbouzeries supposées du PSG pour laquelle il a été entendu en tant que témoin-victime le 15 novembre pendant près de 8 heures. Le temps de passer en revue ce que la DGSI et l'IGPN décrivent dans leur rapport d'enquête comme « l'opération visant son éviction de l'entourage de Nasser al -Khelaïfi ». Une longue audition dont nous avons pu connaître la teneur.
Aref assure ne pas connaître Tayeb Benabderrahmane (*), lobbyiste bien introduit dans les réseaux qatariens et soupçonné d'avoir joué un rôle central dans cette officine, mais aussi emprisonné plusieurs mois au Qatar dans des conditions qu'il dénonce. En revanche, l'homme au crâne rasé a fait connaissance avec Malik Nait-Liman (*) à l'époque où l'ancien policier, lui aussi mis en examen pour plusieurs motifs, participait au retour des ultras au Parc des princes : « Il m'a été présenté vers 2018 dans le Carré par Hicham Karmoussi (intendant du président à l'époque) et par Jean-Martial Ribes (ex-directeur de la communication). Il venait souvent dans le Carré. Quand j'ai demandé qui était cette personne, on m'a répondu qu'il allait aider à s'occuper des ultras, à les faire revenir au stade. »(*) Une information judiciaire est en cours. Deux ex-policiers, dont Malik Nait-Liman, ont été mis en examen, notamment pour faux et usage de faux, corruption, recel et complicité de détournement de la finalité d'un fichier, complicité et recel de violation du secret professionnel et complicité et recel d'accès frauduleux à un système de traitement de données à caractère personnel. Tayeb Benabderrahmane a quant à lui été mis en examen pour aide à l'entrée et au séjour irrégulier, faux et usage, trafic d'influence et complicité et recel de violation du secret professionnel.Adel Aref, qui s'occupait alors des invitations de cette partie ultra VIP des tribunes où se croisent personnalités de la politique, du sport et du show-business, assure s'être interrogé sur la présence d'un ancien policier dans cette zone. « À l'époque, on me disait qu'il fallait attendre car ce n'était pas clair. Il y avait une pression de Ribes et Karmoussi pour le recruter. »L'ex-directeur du cabinet de « NAK », qui est devenu un intime de Jean-Martial Ribes et de sa famille, assure « avoir été utilisé pour avoir accès à des informations ». Selon lui, Ribes « posait toujours des questions sur le président ». Jusqu'à ce que « NAK » décide brusquement de s'éloigner de son ami. « Vers janvier 2019, il ne me parlait plus, reprend-il. Au début, je faisais l'intermédiaire entre Ribes et lui, puis ils se sont mis à parler en direct. Mon bureau a été divisé en deux. On me mettait à l'écart. Je suis tombé en dépression, j'ai pris mes affaires et je suis rentré chez moi en Tunisie. »Des rumeurs sordidesAdel Aref, l'un des premiers proches arrivés avec « NAK » lors du rachat du PSG, est écarté du jour au lendemain, sans que « personne ne dise rien » et tout en restant salarié, pendant un an. Contacté, l'entourage de Jean-Martial Ribes dément fermement que ce dernier « ait cherché à éloigner Adel Aref de Nasser al-Khelaïfi ». Il met en avant l'antériorité au club de l'ancien directeur de la communication pour souligner ses liens directs avec le président qatarien. L'entourage de Ribes assure aussi que ce dernier aurait « personnellement défendu Adel Aref pour démentir les rumeurs qui le visaient ».Des bruits sordides auxquels Al-Khelaïfi aurait fait allusion fin 2020, lorsqu'il a rappelé Aref pour le voir à Paris. L'ex-chef de cabinet décrit cette rencontre avec celui qu'il considère comme « son ami, son frère » : « Il me dit qu'il est désolé, qu'il est sûr qu'il y a un complot contre moi. Qu'il y a des choses qui lui avaient fait mal au coeur. Je pense que c'était par rapport à la pédophilie (des rumeurs propagées au sein du PSG au sujet d'Adel Aref). Il m'a dit qu'il savait que c'était faux. »
Aref explique qu'à ses yeux l'audition du 15 novembre éclaire cette période. En effet, lui auraient été soumis à cette occasion de faux documents qui auraient été élaborés pour le discréditer par Malik Nait Liman, à la demande de Tayeb Benabderrahmane et de son « big boss », Ali bin Samikh al-Marri, actuel ministre du Travail du Qatar, alors à la tête du Comité national des droits de l'homme. Ces notes auraient été demandées « là-bas », à Doha (adresse, date de demande de naturalisation, relationnel, vie privée, PV de deux cambriolages dont il a été victime, rumeurs associées...). Parmi ces pièces, on retrouve une fiche Interpol fabriquée et prétendument classifiée « NATO SECRET » (l'équivalent du secret-défense pour les documents liés à l'OTAN).Adel Aref« C'est incroyable à quel point certaines personnes peuvent être machiavéliques. Tous ces gens que j'ai pu aider, avec qui j'étais sincère et protecteur car c'est mon éducation... »Tayeb Benabderrahmane et Malik Nait Liman ont nié ces faits au cours de leurs auditions. « Il (Benabderrahmane) avait collecté un certain nombre d'éléments sur cette personne (Adel Aref), a déclaré Nait Liman en garde à vue. Il avait déjà une note et il voulait que je la retouche avec des éléments nouveaux. Et il m'a demandé de lui remettre en forme [...]. » Nait Liman, qui dit avoir agi « à titre amical », a expliqué aux policiers qu'« Adel [...] était fâché avec Nasser. Le jour où Tayeb a eu le rendez-vous avec Jean-Martial, ils ont aussi évoqué Adel, parce qu'il avait des infos sur Adel ». Sur ce qu'il est advenu de cette note par la suite, les souvenirs de Nait Liman sont flous : « Je n'en sais rien, peut-être que je l'ai créée cette note... C'est moi qui l'ai rédigée, y'a pas de problème [...] Je l'ai peut-être envoyée à Jean-Martial, c'est possible. » Lors de sa garde à vue, Benabderrahmane, lui, a balayé toute implication : « Je ne sais pas qui est le big boss [...] Cette note ne me dit rien. Il (Aref) était sujet à plein de problèmes. J'ai entendu beaucoup de choses sur beaucoup de monde. Je ne vois pas mon rôle dans tout ça. »
« Pour faire peur à Nasser, il faut aller très loin et corrompre beaucoup de personnes, dit Aref. La question, c'est : pourquoi moi ? » Selon le rapport d'enquête de la DGSI, dont L'Équipe a pu prendre connaissance, ces notes tendaient « essentiellement à dénoncer des vulnérabilités pouvant nuire à l'image du club. Elles visaient donc à le faire écarter de ses fonctions ». Adel Aref, dans sa déposition, a démenti consommer de la drogue, ou avoir été impliqué dans des plaintes pour pédophilie ou autres « rumeurs de sources indéterminées », que colportaient les faux documents présumés. Ce que la police confirme dans son rapport d'enquête. « Je ne comprends pas pourquoi ils ont fait ça, regrette le Franco-Tunisien. Et moi je suis viré peu après. C'était violent la froideur à mon égard. On m'évitait [...] C'est très grave, c'est une invention pure et dure. »Contacté par L'Équipe, Adel Aref prolonge : « C'est incroyable à quel point certaines personnes peuvent être machiavéliques. Tous ces gens que j'ai pu aider, avec qui j'étais sincère et protecteur car c'est mon éducation... et qui me poignardaient dans le dos. Ils m'ont trahi, ont sali ma réputation, manipulé le président et voulu me mettre à terre ». Il confirme avoir porté plainte contre X pour violation du secret professionnel, faux et usage de faux, harcèlement moral, dénonciation calomnieuse et atteinte à l'intimité de la vie privée. Dans son entourage on assure « qu'il est temps que ceux qui l'ont diffamé, dénigré et abattu paient pour leurs actes. Que ça soit au niveau des barbouzeries ou au niveau des diffamations sur internet ou dans la presse. On lui a volé sa sueur, son travail et ses rêves. Il s'en est pris plein la gueule pendant plus de quatre ans mais il n'a rien dit pour protéger son entourage, son patron et les institutions ». Contactés, les avocats de Malik Nait Liman n'ont souhaité faire aucun commentaire.« Tayeb Benabderrahmane n'a jamais fabriqué de faux documents »Contacté par L'Équipe, l'entourage de Tayeb Benabderrahame rappelle que ce dernier est « tenu par le secret de l'instruction et il entend réserver ses déclarations aux juges » et donne sa version de l'affaire des fausses notes sur Adel Aref : « M. Tayeb Benabderrahmane n'a jamais fabriqué, utilisé ou demandé à ce que soient fabriqués de faux documents dans le but de nuire à M. Adel Aref ou à quiconque. Il n'a par ailleurs jamais mené d'enquête à l'encontre de qui que ce soit : les informations et les documents qu'il a pu recueillir, où le nom de M. Adel Aref et d'autres noms ont pu apparaître, lui ont toujours été transmis par des membres de son réseau de connaissances, qui comprend entre autres des journalistes. En l'occurrence, le document auquel vous faites référence consiste en une note, reçue de la part d'un journaliste tunisien, faisant état de dysfonctionnements dans la gestion du ''Carré'' du PSG. M. Adel Aref prétend que des informations lui auraient gravement nui sur le plan professionnel. Il convient de relever que lorsque M. Benabderrahmane a reçu ces informations, soit en 2019, M. Aref était déjà largement en disgrâce aux yeux des dirigeants du PSG, et donc éloigné du club. Sa mise à l'écart date en réalité de 2016 et a pour origine les nombreuses altercations qui l'avaient opposé à M. Nasser al-Khelaïfi. »Selon le rapport conjoint de la DGSI et IGPN, dont L'Équipe a pu prendre connaissance et qui s'appuie sur l'analyse des téléphones perquisitionnés, Tayeb Benabderrahmane demandait à Malik Nait Liman le 28 décembre 2018, à 17 h 52, d'écrire une note de renseignement sur « Adeluxe » (surnom d'Adel Aref en référence à sa place dans le monde du luxe). Le 30 décembre 2018, à 19 h 48, Malik Nait Liman envoyait à Tayeb Benabderrahmane la note de renseignement demandée concernant Adel Aref. Cette note aurait été régulièrement mise à jour par Malik Nait Liman selon le rapport d'enquête DGSI-IGPN. J. Ba., L. T.
L'Equipe