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«J’étais son ombre, sa nounou, sa sœur» : licenciée, l’ex-assistante de Nasser Al-Khelaïfi contre-attaque en justice
EXCLUSIF. L’ancienne assistante personnelle du président du PSG a été remerciée en début d’année, après sept ans passés à ses côtés. Un licenciement qu’elle attribue à un burn-out, lié au fait qu’elle devait être en permanence disponible.
C’est un « black-out » qui ne lui a laissé aucun souvenir. Comme si le cerveau de Myriam (le prénom a été changé) s’était mis en veille en une poignée de secondes. Ce jour d’octobre 2020, elle circulait alors sur le périphérique, sa fille de deux ans à l’arrière. Le véhicule a traversé les voies, jusqu’à s’immobiliser en raclant les barrières de sécurité. Ni Myriam ni sa fille n’ont été physiquement blessées, mais pour la jeune maman, l’épisode a marqué la fin de sa vie d’avant.
Les deux dernières années, elle avait été obligée de faire à elle seule le travail de trois personnes, selon ce qu’elle indique. Une dépression pour surmenage lui a alors été diagnostiquée, qui s’est soldée par deux mois et demi d’arrêt maladie. Et lorsque Myriam retourne à son poste, il a été… supprimé. « Je n’étais plus en copie de rien, évoque-t-elle. Les gens chuchotaient lorsque j’approchais. Je n’existais plus. » « Mon histoire pourrait être banale, admet-elle. Mais c’est la mienne. » Et elle l’est d’autant moins que Myriam était l’assistante personnelle d’une personnalité : Nasser Al-Khelaïfi, le président du PSG.
Avant de craquer, Myriam était, selon ses mots, sa « tour de contrôle », aux imposantes responsabilités. Elle avait fait son entrée en février 2012 à BeIN Sports, au moment même de la création de la chaîne qatarienne. Passée par une école des Beaux-Arts et titulaire d’un master en information/communication, la jeune femme, alors âgée de 31 ans, se destine à un poste dans l’événementiel. Elle est d’abord assistante de Yousef Al-Obaidly, PDG de BeIN, puis devient en 2014 celle de Nasser Al-Khelaïfi. L’homme est à la fois président du conseil d’administration de BeIN, de Qatar sports investment (QSI) et bien sûr du Paris-Saint-Germain.
« Je laissais ma fille pleurer pour répondre à un mail urgent »
Myriam dit avoir été sept années durant « son ombre, sa nounou, sa sœur ». Une relation de confiance se noue entre les deux. « Je l’adorais, reconnaît-elle. C’est quelqu’un d’extrêmement exigeant, mais très affable. » Un « grand patron » qu’elle défend bec et ongles. « Par exemple, si quelqu’un parlait de lui en ma présence en disant Nasser, je reprenais la personne en lui demandant de dire M.le président. »
Investie à 200 % dans son poste, Myriam s’en oublie elle-même, et sa famille avec. « C’était 24 heures/24, 7 jours/7 », décrit-elle. Depuis Paris, maison mère de l’empire qatarien du sport, elle fait notamment le lien avec les autres assistantes, basées à Doha ou à Londres. Le décalage horaire est toujours d’une ou deux heures. Le dimanche, chômé en France, ne l’a jamais été pour elle, car c’est aussi le premier jour de la semaine qatarienne. Myriam donne sans compter. « J’étais un soldat, souffle-t-elle, toujours en première ligne. Ces dix années m’ont semblé n’avoir même pas duré un an tellement c’était intense. »
Elle se souvient de ces conversations passées chez elle en cachette, pour ne pas que ses proches se rendent compte qu’elle continuait à travailler. « Ça m’arrivait de laisser ma fille pleurer pour répondre à un appel ou un mail urgent », soupire-t-elle aujourd’hui. Elle s’interdit d’aller au cinéma ou à la piscine, « au cas où un chauffeur manque à l’appel pour un déplacement. » « Il était impensable que mon téléphone soit coupé. La pression était énorme. Je n’avais pas le droit à l’erreur. »
Elle s’estime victime de discrimination liée à son origine maghrébine
Myriam, son mari et sa fille habitent en grande couronne. Pendant le confinement, la charge de travail s’accroît encore. Jusqu’à ce que son corps n’en puisse plus. À son retour de maladie, elle n’a plus de bureau. On lui demande de former une nouvelle assistante, censée l’aider, ce qu’elle fait deux mois durant. Dans les faits, il s’agit de sa remplaçante, qui devient rapidement « manager du bureau du président. » Un poste que Myriam exerçait effectivement, sans jamais en avoir eu ni la fonction officielle ni le salaire afférent.
Pour solde de tout compte, on lui propose de devenir chargée administrative à la Fondation du PSG. Elle y voit un placard, et refuse. Dix ans jour pour jour après son entrée dans le groupe BeIN, le 12 février 2022, elle est licenciée.
Elle est convaincue que son origine maghrébine a joué en sa défaveur. En deux ans, selon ce qu’elle avance, près de 120 à 150 personnes auraient quitté la direction du PSG. « Il y a eu un audit de McKinsey, et ce sont les Maghrébins qui en ont majoritairement fait les frais, pointe-t-elle. Quand je demandais une augmentation, on me répondait que je n’avais pas à me plaindre, et qu’au Maroc j’aurais gagné 500 euros avec un MBA. » Pour faire entendre ses droits, Myriam a saisi le conseil de prud’hommes, notamment pour « licenciement sans cause réelle ou sérieuse ».
BeIN Sports dénonce un « chantage »
Pour sa part, Me Charles Mathieu, avocat de BeIN Sports, voit dans la démarche une forme de « chantage » « Cette salariée réclamait initialement à la société la somme de 700 000 euros à titre de dommages et intérêts, soit plus de neuf années de salaire, montant manifestement astronomique au regard de ses fonctions et de son ancienneté, souligne-t-il. Constatant que cela n’aboutirait pas, elle a finalement revu à la baisse ses prétentions. »
« Nous avons fait tout notre possible pour satisfaire les nombreuses demandes de la salariée, rappelle en outre l’avocat, en lui proposant notamment des changements de fonctions qu’elle a systématiquement refusés. » Sur le fond, Me Mathieu se dit toutefois incapable de se prononcer. « À ce stade, nous ne disposons d’aucun élément probant, plaide-t-il. Elle n’a fourni aucune preuve de ce qu’elle avance, notamment pour ce qui est de la réalité de ce qu’elle considère être un burn-out. »
Pour le nouvel avocat de Myriam, Me Grégory Lévy, à l’inverse, « les faits sont établis et les preuves irréfutables. L’attitude de l’employeur mérite sanction et notre demande de réparation est conforme au droit. » Une audience se tiendra en décembre.
Le Parisien