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L'entraîneur de l'OM Igor Tudor au centre des crispations à cause de son management
Le management du nouvel entraîneur de l'OM Igor Tudor interpelle de plus en plus en interne, au point de créer une ambiance électrique. Les crispations sont déjà nombreuses alors que la saison n'a même pas commencé...
Igor Tudor est plutôt du genre direct et lapidaire. Comme lorsqu'il a froidement conseillé à l'interprète, chargée à distance de répercuter ses paroles de l'italien au français, de choisir ses bons mots après le match nettement perdu face à l'AC Milan (0-2), dimanche soir. Le nouvel entraîneur de l'OM ne s'embarrasse pas de trop de manières et son vestiaire l'a aussi compris, enfin surtout pour la forme.
L'une des recrues estivales, Jonathan Clauss, a été envoyée en première ligne après la défaite et il a témoigné avec son franc-parler de l'ambiance qui règne en interne ces derniers jours : « Il faut lui faire confiance (à l'entraîneur), sinon ça va être compliqué. On ne peut pas, nous, tirer vers la droite et lui vers la gauche, sinon on n'avancera pas. Il faut qu'on lui fasse confiance et qu'on croie en son discours. Qu'on tire dans le même sens. » Tous les signaux qui transpirent du groupe, depuis son arrivée, racontent une tension palpable entre l'entraîneur et ses joueurs, comme si une forme d'incompréhension s'était installée au fil d'une préparation musclée qui a profondément bousculé les habitudes.
Le départ de Camoranesi, premier signal d'alerte
Le premier couac remonte à la semaine d'après sa nomination, et il ne s'agit pas d'un épisode avec un membre de l'effectif mais plutôt de son... staff. Son ancien coéquipier de la Juventus Turin, Mauro Camoranesi, recruté pour être son adjoint, a subitement décidé de quitter l'OM au bout de quelques jours seulement. Les dirigeants marseillais ont tenté de déminer l'affaire avec des explications un peu surprenantes : tout était donc prévu, le champion du monde italien devait simplement venir pour donner un coup de main à Tudor le temps que celui-ci puisse obtenir l'arrivée d'un autre adjoint, en l'occurrence son compatriote, Hari Vukas.
Des justifications qui avaient du mal à résister à la première prise de parole officielle de Tudor, où le technicien avait lui-même présenté Camoranesi comme son « bras droit » et pas un vulgaire intérimaire. Des justifications qui avaient aussi du mal à contredire les scènes aperçues à la Commanderie, où Camoranesi ne supportait plus la façon de lui parler de l'ancien coach du Hellas Vérone.
Il n'y avait rien de personnel : Tudor (44 ans) ne parle pas de manière plus diplomatique à son groupe. Plusieurs jeunes joueurs ont découvert le ton très direct, voire cassant, du technicien croate et même certains cadres, qui se sont risqués à demander un peu plus de souplesse avant d'être renvoyés illico à leur condition de simples joueurs. Gerson, quant à lui, a expérimenté le courroux de l'ancien défenseur central. Les deux hommes ont eu une vive altercation lors du stage en Angleterre, l'entraîneur goûtant très peu à la nonchalance du Brésilien sur un exercice, et le milieu de terrain appréciant très peu la façon de lui parler de son coach.
D'autres ont découvert, interloqués, ce management frontal sans ambages, comme Cengiz Ünder ou Jordan Amavi. Le latéral gauche a eu, lui aussi, une prise de bec avec l'entraîneur le même jour que Gerson. Mais si le Brésilien n'a pas été sanctionné, compte tenu de son statut - Tudor a loué « son humilité », après le match dimanche -, le défenseur n'a pas bénéficié de la même indulgence. Il a été écarté du groupe et s'entraîne depuis à l'écart aux côtés de Kevin Strootman.
Payet demande à voir Longoria au nom du groupe
Dans les deux cas, souvent pour des broutilles, le ton est monté très vite, probablement parce que les joueurs sont à cran et que les organismes sont éprouvés aussi. Certains évoquent une préparation très dure, peut-être même la plus dure de leur carrière. « Ils ne reprochent pas la préparation militaire à Tudor, c'était pareil avec Sampaoli, glisse un intime du vestiaire. Mais Tudor est parfois glacial, il détricote tout ce que Sampaoli a fait, le jeu, l'ambiance, et les cadres trouvent dommage de s'éloigner vers l'extrême inverse. »
Mattéo Guendouzi et ses coéquipiers ne comprennent pas cette volonté de tout changer après une saison réussie, terminée à la deuxième place et en Ligue des champions. Un proche du groupe illustre le ressenti général : « Tudor est arrivé en leur disant, en résumé : "Vous ne courez pas assez, vous ne travaillez pas assez et vous ne jouez pas comme il le faut." Forcément, ça crée des tensions. »
Pour tenter de les apaiser, Dimitri Payet a demandé un rendez-vous, au nom du groupe, à Pablo Longoria. Le président de l'OM ne lui a pas encore répondu, et il aura du mal à accéder à cette demande sans fragiliser un coach qu'il a choisi. Il l'a voulu, justement, pour cette culture à l'italienne, cette rigueur sportive que l'entraîneur semble vouloir faire entrer dans les têtes et dans les corps sans aucune forme de diplomatie.
Après un jour de repos, lundi, une réunion est en revanche prévue aujourd'hui entre les joueurs et Tudor pour tenter de percer les frustrations de part et d'autre. Selon la direction de l'OM, 80 à 90 % du vestiaire adhèrent au management de l'ancien international croate ; au regard des éléments cités plus haut, on aurait pourtant juré d'un rapport inverse. Mais les dirigeants se montrent fermes pour l'instant, promettant de transférer « un ou deux éléments (récalcitrants) » s'il le faut. Officiellement, aucun joueur n'a été placé sur la liste des transferts pour cette raison, jusqu'à présent, ni Duje Caleta-Car, dont le club veut se séparer, ni Bamba Dieng, auquel le club n'a toujours rien dit.
L'international sénégalais ne joue plus depuis son triplé lors de la première rencontre amicale, contre Marignane-Gignac, et il ne participe même plus à aucune mise en place les veilles de match.
Tudor n'apprécierait pas son profil, qui colle pourtant parfaitement à son jeu, et lui reprocherait des kilos en trop, sans pour autant le lui avoir dit directement, alors que l'intéressé a travaillé tout l'été avec un préparateur physique. L'incompréhension entre l'entraîneur et son groupe semble exister sur de nombreux terrains. Le rapport de force n'est pas encore engagé mais les tensions ne risquent pas de se dissiper si facilement. Les résultats du début de saison apaiseront peut-être la situation, c'est le pari risqué des dirigeants jusqu'ici...