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Pourquoi Igor Tudor quitte son poste d'entraîneur de l'OM
Au centre des conversations depuis plusieurs semaines, le technicien croate Igor Tudor, 45 ans, a annoncé jeudi son départ, de son propre chef, aux joueurs de l'OM puis aux médias réunis à la Commanderie.
C'était sa dernière séance, et un rideau de pluie est tombé. Il n'est pas encore 13 heures et Igor Tudor quitte les terrains de la Commanderie sous une averse. Le buste droit dans son survêtement ciel et blanc, il a longtemps regardé ses joueurs s'échauffer avant de superviser les différents ateliers, jusqu'à celui des trois gardiens du groupe pro.
Il lui faut désormais se plier à l'exercice médiatique, qu'il n'affectionne guère, et détailler vaguement la décision annoncée avant l'entraînement à son vestiaire, en lieu et place de la traditionnelle session vidéo. Jeudi matin, il est venu leur dire qu'il s'en allait. Un discours bref, pour les remercier de cette « saison fabuleuse », pour leur confesser son amour pour eux et combien ils avaient été « super ». Il s'est aussi excusé, d'avoir été trop ferme, parfois, et a fini en espérant qu'ils avaient tous progressé à son contact.
Sur l'estrade de la salle de presse, Tudor pose son épaisse carcasse sur sa chaise, encadré par Javier Ribalta, le directeur du football du club, à sa gauche, et Pablo Longoria, le président, à sa droite. Les dirigeants ont des beaux costumes et des mocassins cirés, le jeune boss espagnol (37 ans) lui tresse des lauriers.
Face à l'assistance, où son agent Anthony Seric s'est glissé, Tudor déclare : « Je ne parle pas français mais je veux remercier le président et tout le monde. C'était un honneur de travailler au sein du club, de cette famille avec des supporters comme on en trouve rarement. Au niveau personnel, j'ai grandi. Je quitte le club dans une meilleure situation que quand je l'avais trouvé. Je pars pour des raisons privées et professionnelles. Je n'ai pas signé dans un autre club. Je ne suis fâché avec personne. Travailler ici à l'OM, c'est comme travailler deux ou trois ans dans un autre club. Ça fait un moment que j'y pensais. Alors les détails n'ont pas vraiment d'importance... »
Il est détendu et souriant, dans son esprit, il est le colonel qui a mené sa mission à bien et peut revenir chez lui en sifflotant tranquillement et sans réclamer d'indemnités de départ : « J'ai tout donné ici, 100 % de moi-même. Il y a eu beaucoup de nuits blanches, le partage avec la direction a été parfait, du dix sur dix. » Il a vécu pendant près d'un an à la Commanderie, sa femme et ses trois enfants restés à Split lui manquent, il reconnaît un soupçon d'orgueil et de dureté dans son rapport aux autres et basta. Il n'est pas là pour approfondir.
Relancé sur son départ, il sortira son fameux : « J'ai déjà répondu », alors que tout le monde sait, lui le premier, qu'il ne l'a pas fait. « Vai, vai, vai », sourit-il pour finir. « Allez, allez, allez », Tudor s'éclipse comme il est arrivé tout début juillet 2022, et de la façon dont son équipe joue : en se pressant. Il retournera peut-être bientôt en Italie, sa seconde patrie, où les techniciens coriaces ont une cote d'enfer. La Juventus Turin le bade, mais virer Massimiliano Allegri a un coût pharaonique, alors Tudor verra, il a tout le temps pour ça et Split a un charme fou en juin.
La lumière revient déjà, et le film est terminé. Devant le bâtiment presse, Longoria se grille une cigarette, une Vogue aussi fine que ses mains. Les suiveurs de l'OM l'entourent, le président leur répète qu'il est « triste », qu'il aimait « les valeurs d'Igor », « son honnêteté, sa transparence, sa rigueur sa culture du travail » : « Ce matin encore, nous avons eu une longue discussion. »
Depuis la fin du match contre Brest samedi soir (1-2), épilogue d'un mois de mai décevant, ils ont beaucoup parlé, ils ont encore dîné ensemble pendant de longues heures, mardi soir. Longoria a demandé à Tudor de réfléchir, mais la flamme du Croate ne vacillait plus, elle mourait lentement. L'élimination en Coupe de France face à Annecy, le 1er mars (2-2, 6-7 aux t.a.b.), il l'a vécue durement, tout comme le décalage entre la production de son équipe et les critiques du monde extérieur.
Longoria avait obscurci ses propos ces derniers jours, comme s'il anticipait le divorce
Longoria, lui, a eu du mal à digérer la perte de la deuxième place, l'objectif publiquement fixé en début de saison. Longtemps élogieux auprès de ses interlocuteurs de confiance, il avait obscurci ses propos ces derniers jours, parlait du tempérament compliqué de Tudor, d'un caractère entier rendant parfois le quotidien heurté. Comme s'il lui fallait déjà anticiper le divorce, trouver les bons arguments pour les enfants.
Supporters ou joueurs, ils ne sont pas dupes, les enfants de l'OM, la vie mouvementée de ce club fait trop vite vieillir. Une poignée de fans mouillés patiente devant la Commanderie, tous les autres se souviennent des fins de saison abruptes et des coaches qui bouclent leurs valises à la hâte comme de vulgaires déserteurs : Rudi Garcia en mai 2019, André Villas-Boas en mai 2020 (pour mieux revenir se noyer dans un océan d'amertume), Jorge Sampaoli en juin 2022 et le colosse Tudor.
Alors les larmes sèchent comme la pluie sur le bitume de juin et Valentin Rongier se décide à nous raconter cette inéluctable routine : « Dans le foot moderne, il y a très peu de coaches qui s'installent dans le temps, de par l'exigence, la pression mise par les supporters, ça joue énormément. Puis, ici, on est à Marseille. » Parce qu'il a le chic pour s'entendre avec tous ses entraîneurs, de Nantes à l'OM, et parce qu'il était le capitaine de Tudor,
Rongier ajoute devant les micros tendus : « On était surpris. Je n'ai jamais connu un coach avec autant d'implication. Je l'ai défendu et je le défends encore. Ce sérieux, cette rigueur, cela ne doit pas être vu comme un changement radical, on est l'OM, cela doit être des valeurs normales pour le haut niveau. Le coach, peut-être a-t-il la tête dure mais, pour moi, c'est justement sa qualité. » La lumière s'éteint déjà, la salle de presse est vide à en pleurer. C'était la dernière séance.
Quatre moments à retenir
Stage de pré-saison très vite, des sifflets
L'arrivée d'Igor Tudor marque une rupture avec Jorge Sampaoli. Dès le stage de pré-saison en Angleterre en juillet, le ton monte avec Gerson, Mattéo Guendouzi et Dimitri Payet. Tudor est sifflé, le 31 juillet au Vélodrome, lors du match amical contre l'AC Milan (0-2).
OM-Tottenham (1-2) : Kolasinac était si proche
Une victoire contre Tottenham, en phase de groupes de C1, le 1er novembre, aurait rimé avec qualification. Un nul, avec C3. Mais Sead Kolasinac a manqué sa tête de près (87e) et Pierre-Emile Höjbjerg a éteint le Vélodrome (1-2, 90e+5). L'OM termine dernier de son groupe et son parcours s'arrête en Europe.
OM-PSG (2-1) : Marseille au firmament
L'OM n'avait plus battu le PSG au Vélodrome depuis 2011. Alexis Sanchez puis Ruslan Malinovski offrent les buts de la victoire, au terme d'un match plaisant et d'une intensité rare. Marseille est alors qualifié pour les quarts de la Coupe de France.
OM-Annecy (2-2, 6-7 t.a.b.) : le flop intégral
Les joueurs d'Igor Tudor, sans jus ni créativité, sont éliminés aux tirs au but au Vélodrome par Annecy, pensionnaire de Ligue 2, en quarts de finale de la Coupe de France. Le tableau final permettait pourtant à Alexis Sanchez et ses partenaires de croire à un premier succès depuis 1989.