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L’HÉRITAGE DE SAMPAOLI “l’impression que le jeu au pied pouvait être risqué” “Jorge Sampaoli (NDLR : ancien entraîneur de l’OM, février 2021-juillet 2022) nous a mis en tête que le gardien pouvait faire office de onzième joueur de champ. Au départ, vu de l’extérieur, cela peut paraître un peu bizarre. Car les gens considèrent le goal comme un type à part. Moi le premier, je ne me suis pas instantanément senti à l’aise. Au début, c’était difficile. Comme tout le monde, j’avais l’impression que jouer autant au pied pouvait être risqué. Puis, je me suis fait à l’idée et j’ai vu, comme toute l’équipe, que ça pouvait surtout être d’une grande utilité. Je pense que le groupe adhère désormais pleinement à ce concept.”
LE SENS DE L’ADAPTATION DE TUDOR “À la base, Igor n’utilise pas autant le gardien” “À la base, Igor (Tudor, l’actuel coach de l’OM) n’est pas forcément un entraîneur qui utilise autant le gardien. Je ne pense pas qu’il croyait fondamentalement beaucoup à tout ça. Mais, comme il a vu que l’équipe était à l’aise avec cette idée, il s’est adapté. Il a intégré cet aspect à son jeu et à ses entraînements. Très vite, on s’est mis à (re)bosser ces sorties de ballon. Et je crois que l’équipe le lui a bien rendu ! Depuis l’an dernier et jusqu’à présent, cela nous aide. On aurait eu tort de changer. Avoir un joueur de plus à la relance pose des difficultés à l’adversaire. C’est plus difficile pour les attaquants de nous presser car ils sont souvent un ou deux de moins que nous, les premiers relanceurs.”
LA DIFFÉRENCE ENTRE LES deux entraîneurs “une ligne directrice beaucoup plus verticale” “Avec Igor, on bosse pas mal les relances mais il n’a aucun problème avec le fait que j’allonge. C’est un équilibre entre les deux (relances courtes et plus longues) en fait. Sampaoli souhaitait à tout prix conserver le ballon, installer un jeu de position. La ligne directrice d’Igor est beaucoup plus verticale. Son idée, c’est utiliser les espaces et c’est en cela que mon jeu au pied l’intéresse. C’est mathématique : si chaque adversaire sort pour cadrer son vis-à-vis et que l’un d’eux vient me presser, il y a forcément un gars libre quelque part sur le terrain. Notre but va être de toucher ce joueur-là pour arriver le plus rapidement possible dans la moitié adverse. C’est ce que nous travaillons tous les jours.”
L’ACCEPTATION DU RISQUE “On a plus de temps que ce que l’on pense” “Quique Setién, que j’ai eu au Betis, a d’abord fait évoluer ma réflexion sur ces questions. C’est lui qui m’a initié au jeu au pied. Il m’a dit – et il le disait à tous ses joueurs –, qu’on dispose toujours de plus de temps que ce que l’on croit. Qu’il faut rester tranquille. Au départ, je paniquais un peu lorsque l’attaquant me pressait. Puis, j’ai regardé des extraits de certaines situations et j’ai réalisé qu’il avait raison. C’est plus facile devant son écran, mais j’ai aussi et surtout réalisé que tout dépendait d’une seule chose : la prise d’informations. Maintenant, quand l’adversaire sort sur moi, je sais très souvent depuis un moment où je vais jouer. Résultat, mon jeu n’est plus vraiment à risque. De l’extérieur, on peut penser qu’il l’est. Mais, puisque je sais ce que je vais faire lorsque l’attaquant se rapproche, ce n’est pas si périlleux. C’est l’impression visuelle qui provoque des sueurs froides aux gens, rien de plus. Sur le terrain, on a beaucoup moins peur. Et je crois que le Vélodrome s’est habitué. On ressent ces choses-là depuis la pelouse.”
LE FAIT D’ÊTRE AUSSI CONNECTÉ À L’ÉQUIPE “Cela me permet de m’amuser !” “Est-ce que le fait de devoir être aussi concentré quand l’équipe a le ballon peut me rendre plus vulnérable sur ma ligne ? Je ne le crois pas. Je crois même que c’est l’inverse, que ça m’aide de jouer comme ça. Parce que participer au jeu me permet d’être encore plus concentré et… de m’amuser. Mais il y a un revers : lorsque tu fais un mauvais match avec tes pieds, ta confiance a tendance à diminuer un peu. Sous Sampaoli, lorsque je n’avais pas été terrible dans mes relances, j’avais parfois l’impression d’avoir livré un mauvais match. Même lorsque j’avais tout bien fait sur ma ligne !”
ENDOSSER DES RESPONSABILITÉS “Il y a plein de gardiens meilleurs que moi au pied…” “Mon jeu au pied me permet d’aider à la relance mais je ne pense pas que ma plus grande qualité soit la technique. Selon moi, ce n’est en tout cas pas le plus important. Il y a plein de gardiens meilleurs que moi dans ce registre. L’essentiel, et cela vaut pour tout mon jeu, c’est plutôt ma capacité à accepter les risques. Je n’ai jamais craint de commettre des erreurs. On me demande de jouer avec les pieds ? OK, allons-y, cherchons à progresser ! Au final, ça a plutôt bien marché, non ? C’est comme ça que je fonctionne. (Il sourit.)”
LA CAPACITÉ À PASSER À AUTRE CHOSE “Tu rentres chez toi avec une sensation de merde” “Lors d’un match comme celui de Montpelier (voir cas pratique numéro 2), par exemple, tu passes d’une bonne sensation à une sensation de merde en quelques secondes. Jusqu’à la 89e, tu as été plutôt bon et puis tu commets une erreur. Et tu rentres chez toi avec tout ça en tête. Mais l’essentiel, c’est de passer à autre chose, de ne pas laisser une action dicter ce que tu vas faire par la suite. Il faut même réussir à basculer pendant le match. À Montpellier, je me souviens avoir effectué une nouvelle sortie juste après mon carton jaune. On doit vivre avec ça, c’est le poste qui le veut. Pour en revenir à ce que tu ramènes à la maison : c’est désormais beaucoup plus facile pour moi, maintenant que j’ai une compagne et des enfants. Quand tu es jeune, les choses qui se passent sur le terrain t’impactent davantage car tu n’as quasiment que le foot dans ta vie. L’expérience, le fait de grandir (il a 28 ans), ça te donne l’équilibre nécessaire. Il faut traverser certaines étapes. Celle de la Roma en a été une (il y a évolué entre 2019 et 2021 sans vraiment s’imposer), par exemple. En général, tu te sens sur le terrain comme tu te sens dans la vie.”
LES DUELS AVEC L’ATTAQUANT ADVERSE “Il faut avoir le cran de rester planté, d’attendre” “Déjà, il faut identifier si tu dois vraiment disputer un duel ou rester sur ta ligne. Parfois, tu cherches à tout prix à te rapprocher de l’attaquant, à réduire l’angle et, avec du recul, tu réalises que tes défenseurs étaient encore plus ou moins à la lutte et que tu aurais dû rester sur ta ligne de but. Pourquoi ? Parce que tous les attaquants du monde ne sont pas Cristiano Ronaldo, Lionel Messi ou Kylian Mbappé ! Ils ne sont pas tous capables de frapper sous pression au ras de ton poteau. Dans pas mal de situations, les frappes aboutiront dans une zone où tu pourras effectuer un arrêt plus ou moins facilement. Mais, lorsque le duel se présente réellement, tu dois avoir le cran de rester un peu planté, d’attendre. Dans ce registre, Marc-André ter Stegen (le gardien du FC Barcelone) est très fort. Il attend, il attend, et ensuite il réagit très vite. C’est exactement ce qu’il faut réussir à faire et ce à quoi on s’entraîne.” h T. P.
France Football