Information
OM; Tudor, l'amour du risque; Le marquage individuel prôné par le Croate continue de bluffer la L1 même s'il s'avère périlleux. Décryptage
Son OM reste une exception en Ligue 1. Cet été, Igor Tudor a débarqué d'Italie les valises remplies de ses convictions sur le jeu avec, notamment, un pressing étouffant et une défense individuelle, avec des joueurs régulièrement en un contre un. "Et vous vous en fichez !", s'est pincé Thierry Henry dimanche sur Prime Video, quelques instants après le succès en terre lyonnaise. "Quand vous avez l'habitude de jouer ainsi, vous êtes toujours dans la bonne position. Ce n'est pas facile, c'est vrai, mais ça fait pas mal de temps qu'on joue comme ça. On gagne en confiance. Le reste de l'équipe presse haut et on fait bonne figure", a répondu le technicien croate à son ancien partenaire à la Juventus.
De l'autre côté des Alpes, d'autres escouades déroulent le même plan, que ce soit l'Atalanta de Gian Piero Gasperini ou le Torino de son compatriote Ivan Juric. En France, pas grand monde ne prend de tels risques qui, quand les duels sont remportés, emportent tout sur leur passage et font des étincelles pour le plus grand plaisir des aficionados de l'OM. En son temps, l'AJA de Guy Roux pratiquait le marquage individuel. "Mais notre Auxerre jouait différemment, nuance Basile Boli, passé par les deux maisons. L'OM de Tudor met une pression collective. Même les attaquants vont chercher l'adversaire. À Auxerre, on avait toujours un libero qui jouait 3 ou 4 mètres derrière les autres et bouchait les trous."
Devant sa télé, William Prunier se régale en voyant l'OM de Tudor pratiquer un tel football. Lui aussi a éprouvé le marquage individuel dans l'Yonne. "Pendant sept ans", précise celui qui entraîne Bourges, en National 2, et est resté "un grand fan de l'OM" depuis son passage en Provence (1993-94). "Le système de Tudor me plaît beaucoup, il amène énormément d'intensité, reprend-il. Je l'ai essayé dans le monde amateur. C'est risqué, ça demande beaucoup d'énergie, de concentration, de talent. Mais quand ça fonctionne, c'est une arme terrible. Les adversaires doivent mettre beaucoup de mouvement et de vitesse pour s'en sortir."
Boli : "C'est usant"
Certains ont trouvé la parade, à l'image du PSG, venu corriger les Olympiens au Vélodrome, ou Strasbourg qui les a privés d'une victoire qui leur tendait les bras. Des exemples qui donnent des idées aux uns et aux autres, à commencer par Auxerre, attendu demain soir au Vélodrome. "Si on est au point collectivement et qu'on gagne les duels, ça nous ouvrira des espaces, prévient l'attaquant aubagnais de l'AJA, Nuno Da Costa. Il faudra avoir un maximum de qualité pour bien sortir les ballons face à une équipe qui presse beaucoup."
Et qui ne se reniera pas et continuera à pratiquer "un football particulier défensivement, selon Tudor. Les joueurs se sont rapidement adaptés. Ça peut paraître dur de l'extérieur, mais il paraît plus simple quand les joueurs l'acceptent". L'entraîneur de l'OM a pourtant réfléchi à activer une autre option. Avant de se raviser. "Ce qui est le plus important, c'est de ne pas être passif, de ne pas attendre derrière, mais d'essayer de toujours récupérer le ballon, insiste le natif de Split. Ça passe par du pressing, en zone ou en individuelle. À un moment de la saison, j'ai pensé changer notre type de marquage et passer plus en zone comme le fait Lens, par exemple. J'ai renoncé parce que changer aurait envoyé un mauvais message à l'équipe."
Celui-ci demeure très clair. "Il faut suivre ton homme", résume Issa Kaboré que l'on a vu coller aux basques du Lyonnais Tagliafico à l'autre bout du Parc OL, dimanche. "C'est usant mais chacun sait ce qu'il doit faire", pose Boli. "Si un ou deux joueurs lâchent le marquage, ça devient vite compliqué et met l'équilibre de l'équipe en difficulté, avec des décalages ou des brèches, développe Prunier. Il faut avoir l'intelligence de se replacer. Il faut, aussi, être au top physiquement et mentalement, avoir les joueurs pour jouer ainsi, que le recrutement ait été fait en conséquence." Quand le club olympien a pris le virage Tudor après la sortie de route de Jorge Sampaoli, Pablo Longoria, épaulé par Javier Ribalta, s'est attelé à lui offrir les joueurs idoines.
Pour que l'OM de Tudor ait l'amour du risque, tout en continuant à gagner.
La Provence