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OM; La tête et les jambes; Au point tactiquement et techniquement, l'équipe d'Igor Tudor profite aussi d'une excellente condition physique
La scène dure à peine plus de trente secondes mais elle est symbolique de ce qu'endurent les joueurs de l'autre bord face au rouleau-compresseur olympien depuis quelques semaines. Mercredi dernier contre le PSG, aux alentours de la 22e minute, Vitinha, Ruiz, Neymar, Messi, Danilo puis Ramos sont tour à tour pris à la gorge dans leur camp par une bande organisée de Marseillais enragés à la recherche du ballon perdu. Un arrêt sur image révélateur de l'intensité mise par les hommes d'Igor Tudor dans le contre-pressing, à savoir dans les premières secondes suivant la récupération adverse. Le fruit d'une condition athlétique qui semble optimale. "Je suis impressionné par ce que je vois, ça saute aux yeux que l'équipe est en forme, admet Serge Conesa, ancien préparateur physique de l'OM et champion de France en 2010. C'est monté crescendo. Je pense qu'il y a un gros travail de Carlo Spignoli derrière, et l'adhésion des garçons."
L'Italien, préparateur physique arrivé dans les bagages d'Igor Tudor début juillet est, de fait, un artisan important de la forme olympique des Provençaux. Les méthodes du Croate, qui ont choqué une grande partie du vestiaire les jours suivants son recrutement, ont payé sur le long terme. Le Mondial automnal a aussi changé la donne. Avec seulement deux joueurs de champ encore à l'OM présents au Qatar (Jordan Vérétout et Matteo Guendouzi, les Sénégalais Pape Gueye et Bamba Dieng ayant depuis quitté le club), l'effectif a pu refaire une préparation qui donne des ailes aux Ciel et blanc depuis le 29 décembre et le retour à la compétition. Certains survolent les matches sur le plan athlétique (Rongier, Sanchez, Ünder, Gigot, Mbemba, sans parler des Mondialistes tricolores) et portent le collectif.
"La longue trêve à la mi-saison a été extrêmement bénéfique. Le tournant a été géré à merveille. Avant c'était déjà pas mal, on avait pu apercevoir quelques bribes, mais depuis la reprise c'est assez impressionnant, relève Arnaud Chabert, préparateur physique qui gère la salle Espace Training 360º avec les frères Lopez (Maxime et Julien). C'est la répétition des efforts au sein d'un même match qui est saisissante." Tout comme la lucidité de l'ensemble des joueurs, qui, malgré leur intensité, pratiquent une politique zéro déchet technique, ou presque.
"Je vous mets au défi de trouver une autre équipe en Europe qui presse quarante minutes par mi-temps"
Sur le plan des chiffres, fin décembre, l'OM avait couru en moyenne 116,5 km par rencontre, derrière Rennes, Strasbourg, Lorient et à égalité avec Angers. Les Marseillais étaient en parallèle septièmes au classement des sprints par partie (145,3) et cinquièmes de la distance parcourue à haute intensité par match (10,6 km). Des données intéressantes sur une première partie de saison au calendrier démentiel, alors que l'OM a disputé six matches de Ligue des champions énergivores et est dans toutes les catégories très largement au-dessus du PSG, l'autre représentant français en C1. "J'imagine que le travail a été axé sur la répétition des efforts à haute intensité, poursuit Conesa, aujourd'hui au SC Toulon. La vraie débauche est à la perte de balle, un effort intelligent et automatisé chez eux qui limite la dépense d'énergie. Il y a la qualité physique mais elle est liée au mental : il y a surtout cette envie de faire l'effort, c'est dans leurs gènes."
"Il y a très peu de temps faibles, développe Chabert. Je vous mets au défi de trouver une autre équipe en Europe qui presse 40 minutes par mi-temps." Jalile Zeroual, qui s'occupe de plusieurs professionnels (dont les Provençaux Laurent Abergel et Riad Nouri), n'a pas la même opinion que ses confrères : "Je trouve que c'est une illusion d'optique savamment orchestrée par Tudor. L'attitude de ses joueurs est excellente : il est lucide sur le fait que si on fonce ensemble à la perte de balle et qu'on la récupère le plus vite et le plus haut possible, on court moins. Ils dominent tactiquement plutôt que physiquement selon moi, et je trouve qu'ils ont souvent du mal à la fin des matches."
De son côté et pour conclure, Serge Conesa relativise légèrement le pouvoir du muscle dans le football : "En 2008-09 avec Éric Gerets, on était derniers de Ligue 1 dans les distances totales parcourues, en 2009-10 on est champion mais on est loin des premiers... On peut avoir des résultats sans être les meilleurs athlétiquement parlant. Il y a les qualités techniques, tactiques ou de finition qui jouent encore plus sur la victoire." Une autre façon de dire que les hommes de Tudor ont la tête, les jambes, mais aussi les pieds.
La Provence