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L'invraisemblable couac de communication; Le but d'Höjbjerg a éliminé l'OM de la C3, alors que les joueurs ne savaient pas que la 3e place était assurée
La scène serait extrêmement drôle si elle n'avait pas été une composante de la pire séquence pour l'OM depuis des lustres. Mais dans le sport comme au théâtre, au ciné ou devant une plateforme de streaming à la télé, le tragique et le comique s'entremêlent pour former un tout qui semble sorti du cerveau d'un fantasque scénariste de Broadway ou Los Angeles. Mardi soir au Vélodrome, on avait dépassé la 94e minute quand Igor Tudor a fait son apparition dans les limites du terrain réservées aux 22 acteurs et à l'arbitre. Malgré ses 44 printemps, le technicien croate, à cinq mètres d'Harry Kane et du ballon, aurait presque pu donner un coup de main à Chancel Mbemba pour défendre face aux Spurs, tant le Congolais était seul face à l'Anglais et bientôt deux autres équipiers : Bryan Gil et celui qui allait marquer sept secondes plus tard, Pierre-Émile Höjbjerg (capture N.4).
Au début de cette action grotesque, les Marseillais étaient encore qualifiés pour la Ligue Europa, à la faveur de la victoire de l'Eintracht Francfort à Lisbonne, un match terminé depuis quelques minutes déjà.
Une séquence tellement lunaire que personne n'a relevé que l'excellent Szymon Marciniak avait laissé le jeu se poursuivre après la fin du temps additionnel de quatre minutes. Un fait d'arbitrage mineur et classique, mais certains auraient pu se ranger derrière cette excuse pour expliquer le couac monumental qui a conduit à l'élimination de l'OM. Au début de l'action fatale, une touche de Matteo Guendouzi (capture N.1), et un placement des Olympiens abracadabrantesque. Si les pistons sont en position d'ailiers (logique) et que Luis Suarez occupe la pointe de l'attaque, le Colombien est soutenu par Leonardo Balerdi et Sead Kolasinac, montés pour profiter d'un éventuel dernier long centre, qui n'aura jamais lieu. Sur la remise de Guendouzi, Cengiz Ünder est visé, mais la transmission de l'ancien d'Arsenal est interceptée par Clément Lenglet qui trouve Kane (capture N.2). À cet instant, un un contre un à 50 mètres des cages de Pau Lopez entre l'Anglais et Mbemba, très dur à passer en duel, se profile, avec une mini-fenêtre de tir pour que ce dernier puisse faire faute et empêcher la catastrophe. Sauf que le duel se transformera en deux secondes en trois contre un, grâce aux sprints de Gil et Höjbjerg.
Les deux joueurs les plus bas de l'équipe hormis l'ancien défenseur de Porto sont frits bouillis et marchent au lieu d'essayer de rattraper les deux fuyards : Amine Harit et Alexis Sanchez (capture N.3). Que faisaient les deux milieux offensifs aussi bas et deux des trois défenseurs centraux aussi haut à la 95e minute ? Comment, en 2022, une équipe peut se découvrir à ce point sans avoir conscience que l'autre rencontre de la poule avait délivré le scénario idéal, à condition de ne pas encaisser de deuxième but ? Pourtant, le wifi et la 4G fonctionnaient au Vélodrome, et les applications de résultats de matches en direct aussi. À qui la faute ? La confusion règne, et le silence radio était de rigueur hier dans l'entourage de plusieurs Marseillais. Selon un témoin, le directeur sportif David Friio, qui quitte habituellement la tribune présidentielle au coup de sifflet final, est cette fois descendu aux alentours de la 85e minute pour prévenir celui qui a remplacé Jorge Sampaoli.
L'ancien entraîneur de l'Hellas Vérone et son staff ont-ils ensuite fait passer le message à leurs hommes ? Dans les coursives du Vélodrome, Guendouzi et Harit, pas irréprochables lors de ces 25 dernières secondes directement entrées dans la légende de l'OM sans préavis, mais qui assument toujours devant les médias, étaient anéantis et plaident tout deux une faute de communication. "Il y a eu une incompréhension. Si tout le monde avait su le score de Francfort, on ne serait pas autant partis à l'abordage. On aurait au moins gardé notre ligne défensive, c'est vraiment notre faute", confessait le numéro 6 de l'OM, en référence aux montées irrationnelles de Balerdi et Kolasinac, mais sans pointer du doigt qui que ce soit. Le meneur de jeu franco-marocain était un peu plus offensif et clair que son partenaire : "On n'a pas eu l'info qu'on était qualifiés pour la Ligue Europa, il y a un manque de communication flagrant mais on ne va pas se tirer les uns sur les autres. Mais vous dire que je ne suis pas dégoûté que cette information ne soit pas remontée sur le terrain serait vous mentir."
L'explication d'Igor Tudor est, elle, complètement fumeuse : "Le conseil que je leur ai donné était de rester là, de ne pas forcément aller vers l'avant, mais ils ont poussé. Il y avait aussi beaucoup de bruit, c'était difficile de nous entendre, c'est peut-être pourquoi les joueurs avaient vraiment envie de marquer." Le doute est permis. Chancel Mbemba, défenseur axial droit, et donc le plus proche de la zone technique marseillaise, était formel au micro de RMC, et démonte la théorie de son entraîneur : "On ne savait pas mais sur le banc ils savaient..." A priori, le seul Olympien sur le terrain qui était au courant de la qualification en Ligue Europa était donc Tudor (capture N.3), qui hurlait sur ses joueurs pour leur intimer l'ordre de se replier. Mais comme souvent avec ses changements très peu inspirés, il était déjà trop tard.
La Provence