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Comment l'OM a résisté après être passé par toutes les émotions
Malgré les nombreux incidents qui ont touché le club et la gestion parfois délicate des cas individuels, les Marseillais, deuxièmes derrière le PSG, ne plient pas. Retour sur un début de saison complètement fou.
En cette fin d'été, l'OM, qui a beaucoup investi sur le mercato pour donner une nouvelle équipe à Jorge Sampaoli, s'active sur les ventes. L'entraîneur argentin répète à son président que l'effectif est bien trop court pour jouer sur les deux tableaux, français et européen. Mais Pablo Longoria, le président olympien, a promis des rentrées d'argent à son propriétaire Frank McCourt et à la DNCG, qui a encadré la masse salariale du club. Le prêt d'Amine Harit, de Schalke 04, est en stand-by.
Deux joueurs sont poussés vers la sortie, Boubacar Kamara et Duje Caleta-Car. Les dirigeants marseillais, qui ont une offre de Wolverhampton, ont demandé à l'international Croate de vider son casier. Le 31 août, après l'entraînement, le défenseur central s'exécute. À la Commanderie, les joueurs croisent leur coéquipier chargeant ses cartons dans son 4×4. Mais il sait très bien, au fond, qu'il va revenir. Il vient d'être papa. Lui et sa femme n'ont pas envie de quitter Marseille pour un club moyen de Premier League, alors que quelques mois plus tôt, en janvier 2021, Longoria, alors directeur sportif, a bloqué son départ vers Liverpool.
Kamara aussi se braque. Aucun des deux ne partira à la clôture du marché. Pour boucler Harit devant la DNCG, l'OM va convaincre Pol Lirola, Alvaro Gonzalez et Leonardo Balerdi de baisser temporairement leur salaire avant de récupérer la somme totale en fin de saison. Le Marocain, lui, s'assoit sur un tiers de ses émoluments. Un beau geste sans lendemain : Harit, tempérament néanmoins joyeux, semble depuis moins concerné par la vie du club. À Istanbul, par exemple, apprenant qu'il ne serait pas titulaire contre Galatasaray (2-4, 25 novembre), il décide de prendre l'air stambouliote avec son compatriote Mehdi Benatia, présent sur place.
Longoria à deux doigts d'en venir aux mains avec Jean-Pierre Rivère
Fin août donc, les dirigeants sont déjà à cran et pas uniquement à cause du mercato. Les graves incidents de Nice, quelques jours plus tôt, vont bientôt être jugés par la Ligue. Dimitri Payet, qui a démarré la saison en trombe, et reste, sur la durée, le meilleur Olympien jusqu'à aujourd'hui, a reçu une bouteille, l'a renvoyée en tribune et la situation a dégénéré en bataille rangée avec les supporters adverses. Certains commentaires chez les Niçois ou dans les médias laissent le Réunionnais interloqué. Et les sanctions de la commission de discipline le 8 septembre, où il récolte un match de suspension avec sursis, finissent de l'achever. « Donc, c'est moi le responsable ? », peste-t-il. Le milieu offensif jure de ne plus jamais remonter à Paris défendre sa cause devant la LFP, qu'il juge trop molle et partisane. Mais il commence à ce moment-là un combat qu'il continue encore aujourd'hui, via ses différentes sorties médiatiques : préserver les acteurs du jeu de la folie de certains supporters, y compris les siens.
Visé à nouveau à Lyon par un jet de bouteille dans la tête le 21 novembre dernier, Payet revient à chaque fois plus fort et déterminé. Et pourtant, après les incidents du Groupama Stadium, portable coupé, il restera de nombreux jours sous le choc de ce qu'il a subi : le geste dingue, les insultes du kop quand il était à terre, le manque d'empathie des joueurs lyonnais (aucun n'a demandé de ses nouvelles), les petites phrases du président Jean-Michel Aulas, avec lequel il voulait régler ses comptes dans la lettre qu'il a publiée la semaine dernière, avant de décider finalement de prendre de la hauteur.
Nice, Lyon, Angers, Galatasaray à l'aller en C3 ou, dans une moindre mesure lors du Classique, le club phocéen, comme un fil rouge cette saison, n'a pas été épargné par la violence dans les stades. Longoria découvre, cette fois en première ligne, le problème des supporters et le visage de certains dirigeants de L1. Sur la Côte d'Azur, l'Espagnol avait été à deux doigts d'en découdre physiquement avec son homologue Jean-Pierre Rivère. Rancunier, ce dernier évitera de serrer la main du président marseillais à Troyes, lors du match à rejouer (1-1, 27 octobre). Les deux hommes se reparleront enfin lors d'une réunion au ministère fin novembre à Paris.
Les difficiles relations avec le clan Kamara
Sur tous les sujets sensibles, y compris l'affaire de racisme à l'encontre du Sud-Coréen de Troyes, Suk Hyun-jun, pour laquelle le médecin du club, Jean-Baptiste Grisoli, a été sanctionné en interne, Longoria n'aime pas vraiment être exposé. Et le monde du foot a appris à connaître cette saison le nouveau directeur de la communication du club, Jacques Cardoze, dont les sorties médiatiques ont irrité pas mal de monde en L1. Mais l'ancien journaliste ne la joue pas solo. Il est là pour ça, prendre des coups et défendre l'institution. Fin août, après leurs faux départs, c'est lui qui diffuse le message comme quoi Kamara et Caleta-Car seront sanctionnés. Le premier va s'asseoir sur le banc quelques matches, promet-il. Quant au Croate, c'est juré, il devrait passer de longues semaines avec la réserve.
Dans les faits, Kamara sera titulaire deux semaines plus tard à Monaco (2-0, 11 septembre), le jour de l'émergence du jeune attaquant Bamba Dieng, qui vit encore à cette époque à la Commanderie, dans une chambre du centre de formation, avec un salaire dérisoire, qui sera revalorisé début décembre.
Entre les dirigeants et l'entourage de Kamara, les relations sont restées très fraîches jusqu'à aujourd'hui, malgré une dernière proposition de prolongation début novembre, déclinable en trois options : contrat court, moyen ou long terme. Dans chaque cas, le joueur formé au club a la possibilité de devenir le plus gros salaire de l'effectif. Pour arriver à ses fins, l'OM tente, comme avec Valentin Rongier, de le faire changer de représentants. En vain. Si on a longtemps évoqué le rôle de sa mère dans sa carrière, ses agents sont très proches de la compagne du joueur, Coralie Porrovecchio. Libre de s'engager où il le souhaite en janvier, Kamara n'a toujours pas donné de réponse et la tendance est à un départ.
Dans ce dossier, personne ne veut perdre la face. Après la défaite face à Galatasaray en Ligue Europa fin novembre, synonyme d'élimination, les dirigeants tentent de forcer le joueur à se positionner médiatiquement. Le service de com du club promet une prise de parole le lendemain du déplacement à Istanbul. Tout le monde sait pourtant que le milieu défensif n'est pas chaud. Ce 26 novembre, Kamara n'apparaît pas sur l'estrade en conférence de presse. Le soir même, Longoria dit sa façon de penser aux agents du joueur, qui ne se démontent pas. L'échange de messages est musclé. Kamara vient finalement à un nouveau rendez-vous hebdomadaire avec les médias quatre jours plus tard, sans en dire plus sur ses intentions quant à son avenir.
Milik n'a pas compris pourquoi il a fini l'année sur le banc
Caleta-Car, lui, après quelques matches sur le banc, qu'il a encaissés avec son flegme habituel, sera réintégré dans le onze à Angers (0-0, 22 septembre), lors d'une rencontre marquée par des bagarres entre supporters marseillais et angevins ainsi que par le décès accidentel d'un membre des Fanatics, Clément, sur la route du retour. Sampaoli a beau être très proche de Longoria et assez corporate, il est aussi pragmatique et prend ses décisions sur des critères sportifs. La preuve ? Il est capable de mettre Arkadiusz Milik sur le banc sans sourciller. Le Polonais n'a pas bien compris de finir l'année remplaçant en L1 et il s'en est entretenu avec son entraîneur récemment. L'Argentin lui a expliqué que ce choix était d'abord une question de système de jeu, que l'équipe avait une meilleure couverture sans lui. Sa décision, se justifie-t-il, tient aussi au fait que l'attaquant n'a pas fait la préparation estivale et qu'il a encore besoin d'adaptation tactique. Auteur de huit buts, toutes compétitions confondues, depuis son retour de blessure fin septembre, Milik ne se voit pas quitter l'OM dès cet hiver. Et sa chance reviendra sûrement.
Car, pour l'instant, Sampaoli n'a jamais condamné personne définitivement. Même Jordan Amavi, qu'il a encouragé début décembre à aller voir ailleurs. Le latéral gauche est certes le moins bien loti en termes de temps de jeu et sa condition physique s'en ressent. Mais il était titulaire le week-end dernier en Coupe de France contre Cannet-Rocheville (N3, 4-1). Sampaoli essaye de le maintenir un peu concerné, ce qui n'est pas une mince affaire. La semaine précédant le Classique contre le Paris-SG (0-0, 24 octobre), l'entraîneur vient le voir pour une des rares discussions entre les deux hommes. Il lui dit de rester focus, qu'il aura besoin de ses services dans les jours qui viennent. Amavi s'interroge : va-t-il le relancer face aux Parisiens, ce qui serait tout sauf un cadeau ? Finalement, le latéral gauche sera titulaire quelques jours plus tard lors du match à rejouer contre Nice à Troyes (1-1, 27 octobre). Avant de repartir à la cave pour de longues semaines.
L'amertume de Mandanda
En septembre, Sampaoli profite encore de la douceur de vivre du Sud de la France. Certains joueurs le croisent dévalant les pentes près de chez lui sur son VTT, torse nu, tatouages saillants. À l'époque, le jeu de son équipe est loué par tout le monde, l'OM assure encore le spectacle, avant que le technicien argentin ne décide de se recentrer sur l'aspect défensif, après une claque à domicile contre Lens (2-3, 26 septembre). Plus frileux, plus solides aussi, ses hommes ne perdent pas beaucoup et continuent d'engranger des points. Tout va bien, mais l'entraîneur a quelques cas épineux à gérer.
Celui de Steve Mandanda en est un. Après avoir été proche d'André Villas-Boas, le gardien international n'est pas un grand fan de Sampaoli et surtout de l'entraîneur des gardiens Jon Pascua. À Monaco, il a perdu sa place au profit de Pau Lopez. L'Espagnol, recruté en prêt à l'AS Rome pendant l'été, a dit récemment dans le JDD tout le bien qu'il pensait d'Hugo Lloris. Pour la paix des braves, il y avait mieux comme déclaration, alors que Mandanda a longtemps été affecté par son statut de numéro 2 en équipe de France derrière le gardien de Tottenham. Une situation qu'il vit désormais dans son club de toujours.
Quand Gerson crie sur Sampaoli
Dans le fond, il y a une certaine logique. Épuisé par les incidents en début d'année (départ d'AVB, intrusion des supporters à la Commanderie) et le contexte sanitaire lié au Covid-19, Mandanda, qui a pensé un temps prendre sa retraite, avait lui-même sollicité un rendez-vous avec Longoria pour lui conseiller de recruter un gardien capable d'assurer sa succession. Sur la forme en revanche, « Il Fenomeno » n'apprécie pas d'être envoyé sur le banc sans explications. Depuis, Sampaoli est toujours fuyant avec lui. Le gardien en nourrit une vraie amertume, même si elle s'est atténuée au fil des semaines. Sous contrat jusqu'en 2024 et avec une possible reconversion au club, il reste malgré tout professionnel et impliqué, que ce soit avec ses propres supporters ou à Lyon, lors du match arrêté le 21 novembre dernier, quand sa voix a compté auprès de l'arbitre pour éviter que le match ne reprenne.
En cette fin d'année, un autre cas longtemps compliqué, celui de Gerson, semble enfin sur les bons rails, après des prestations de plus en plus convaincantes. Le sujet est sensible : Sampaoli a évoqué son nom dès ses premières discussions avec Longoria, en février. Et c'est aussi la recrue la plus chère de l'été (22 M€ bonus compris). À court de rythme, en difficulté pour s'adapter au jeu physique de la L1, psychologiquement atteint, il a beaucoup cogité en début de saison, malgré ses voyages avec la Seleçao. Et ses signes d'agacement, à l'entraînement et en matches, conduisent à une fracture au fil des semaines avec les Français de l'effectif, sidérés, pour certains, de voir le totem d'immunité dont il bénéficie auprès de Sampaoli.
La veille d'un match, frustré de constater qu'il n'a pas la bonne couleur de chasuble à l'entraînement (celle des probables titulaires), Gerson repousse ostensiblement son coach, qui cherchait le dialogue au sortir de la douche. Avant de le pointer du doigt et de lui crier dessus, sous les yeux médusés de ses coéquipiers. Fin septembre contre Lens, Guendouzi l'attrape en plein match, lui demandant, insulte en prime, quand il va se mettre à courir. Mais l'affaire ne prend pas une ampleur démesurée dans le vestiaire.
Si certains cas particuliers sont délicats, l'ambiance générale ne s'en ressent pas, contrairement à la saison dernière. Depuis son retour de la trêve internationale de novembre, l'état d'esprit du Brésilien est nettement plus positif. Et ses buts (Nantes, Brest) l'ont aidé à refaire surface. À l'image de Gerson, et malgré tous les coups durs, les Marseillais, parfois à la limite de la rupture, arrivent cette saison à garder le cap. Cela en fait un dauphin d'autant plus méritant du PSG.