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La tentative d'apaisement. Jeudi dernier, les dirigeants du Feyenoord Rotterdam ont appelé leurs fans au calme avant la demi-finale aller de Ligue Conférence contre l'OM. "L'amende de 70 125 € est la dixième sanction de cette saison européenne et signifie que l'UEFA a déjà infligé un total d'un demi-million d'euros d'amende au Feyenoord. À l'approche des rencontres face à l'Olympique de Marseille, le club adresse donc une demande urgente à ses supporters pour éviter que Feyenoord ne reçoive encore plus d'amendes", ont quémandé les responsables bataves dans un communiqué, punis pour des incidents au tour précédent contre le Slavia Prague (allumage de fumigènes, jets de projectiles et blocage d'escaliers). "Pour chaque match, nous demandons à nos supporters d'aider l'équipe. Nous espérons que ce sera le cas. Il y a eu des débordements en ville contre le Slavia, par exemple. Nous leur demandons de supporter l'équipe dans le sens que nous attendons, d'une manière normale.
À l'étranger, nous leur demandons aussi de bien se comporter", prolonge Arne Slot, l'entraîneur du Feyenoord.
L'OM est prévenu. Il faut dire que c'est devenu une spécialité pour l'institution marseillaise cette saison (sanctionnée de son côté à hauteur de 146 000 € d'amendes par l'UEFA), pas en reste en termes de débordements. Après le Lokomotiv Moscou, la Lazio de Rome et le Galatasaray Istanbul en phase de groupes de la Ligue Europa, l'OM continue de se frotter à d'autres clubs aux tribunes turbulentes sur la scène européenne. Ainsi, quelques semaines après avoir défié le FC Bâle, puis le PAOK Salonique en Ligue Conférence, les Olympiens se retrouvent dans le dernier carré face au public le plus chaud des Pays-Bas.
Ce soir, Dimitri Payet et ses coéquipiers découvriront le stade "De Kuip" ("la bassine" ou "la baignoire" dans la langue de Johan Cruyff), réputé comme le plus bouillonnant du pays avec ses 47 500 places. Les protégés de Jorge Sampaoli et les quelque 2 400 supporters marseillais attendus (lire par ailleurs) feront aussi la connaissance de "la Légion". Soit le nom donné aux 66 000 membres (en comptant les abonnés au stade et les sympathisants) du club fondé en 1908. Une institution portée par une ferveur inépuisable qui, par tradition, ne délivre aucun numéro 12 dans l'équipe. Un chiffre symboliquement réservé au 12e homme des tribunes.
La "Vak S" sème la terreur
Des travées agitées dans lesquelles le hooliganisme à la sauce anglaise a infusé au début des années 70, notamment avec la finale de la coupe UEFA, remportée contre Tottenham. L'acmé de cette vague de violence a été atteint dans les années 90, dans le sillage de groupuscules tels que la SCF, aussi appelée "Vak S" (la "porte S", l'endroit où ils étaient installés dans le stade), et ses embryons, le RJK et le FIIIR (la troisième génération). Des excités tendance ultra-droite, qui nourrissent une haine viscérale envers l'Ajax Amsterdam. Un antagonisme historique, qui va bien au-delà de la rivalité du derby rotterdamois avec le Sparta, l'autre club en Eredivisie de la cité portuaire (avec le SBV Excelsior, en deuxième division), entre le club de la capitale et celui de la classe ouvrière.
Une inimitié qui est allée jusqu'à la triste "bataille de Beverwijk", la plus sanglante rixe de l'histoire du football néerlandais. Le 23 mars 1997, Feyenoord devait jouer contre l'AZ Alkmaar. Mais près de 150 "hools" du F-Side (Ajax) et pas loin de 300 de la SCF se sont retrouvés au bord de l'autoroute A10, près de la ville de Beverwijk. Après cinq minutes d'une baston monumentale où couteaux, battes de baseball, barres de fer et marteaux étaient de sortie, les Ajacides ont dû faire marche arrière. Mais sans Carlo Picornie, l'un des leurs mort d'un traumatisme crânien. Depuis 2009, les autorités néerlandaises ont réglé le problème en interdisant les supporters adverses lors du "Klassieker".
Cela n'empêche pas les centaines de hooligans de Rotterdam, une infime minorité sur la masse de fans du Feyenoord, d'entretenir leur funeste légende. En octobre dernier, lors de la phase de groupes de Ligue Conférence, des dirigeants de l'Union Berlin ont été attaqués la veille du match alors qu'ils dînaient dans un restaurant. En 2019, ils ont commis des dégradations à Bâle. Quatre ans plus tôt, ils semaient la pagaille dans le centre historique de Rome, détruisant la fontaine de la Barcaccia au bas des escaliers de la Place d'Espagne. Des affrontements avec la police transalpine avaient eu lieu (pour une trentaine d'interpellations).
"Du hooliganisme jamais vu"
En France, ils ont fait parler d'eux en 2006, en marge d'une rencontre de la coupe de l'UEFA face à Nancy (3-0). Le match avait été interrompu près de 45 minutes et les supporters nancéiens... évacués de leurs propres tribunes ! Suffisant pour pousser l'instance européenne à exclure le Feyenoord de la compétition. Gennaro Bracigliano, l'ancien portier de l'OM et de l'ASNL, s'en souvient comme si c'était hier. "On est tombé deux fois contre eux, mais en 2006, j'étais blessé et j'étais justement dans les tribunes. On n'avait jamais connu ça. En ville, avant le match, cela avait été très chaud. Cela s'est poursuivi au stade avec un niveau de hooliganisme que Nancy ne connaissait pas. Les mecs ont explosé le plexiglas qui les séparait des tribunes familiales ! Ce n'était pas comme s'il y avait eu des provocations, ou une rivalité entre les deux clubs. C'étaient des professionnels, organisés. C'est la seule fois où je me suis senti en insécurité dans un stade. Tu sentais que ça pouvait aller très loin. Des CRS que je connaissais m'avaient avoué avoir été surpris par leurs gabarits. Ils leur mettaient des coups de matraque, mais les mecs ne tombaient pas...", rembobine "Genna". Qui ajoute : "En 2008, Feyenoord a tout simplement interdit à ses supporters de venir à Nancy".
Bienvenue dans le "Hools tour".