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Après les incidents en tribunes, Jean-Michel Aulas défend l'OL : « On ne veut pas payer pour les autres »
Le président de l'OL défend son club après l'interruption de Lyon-Marseille, le 21 novembre, et estime que la solution, pour pacifier les tribunes, est de s'organiser pour prendre des sanctions individuelles.
Vincent Duluc, envoyé spécial à Décines
30 novembre 2021 à 00h10
Le rendez-vous initial avait été pris avec Jean-Michel Aulas. Mais le moment venu, lundi en fin de matinée, dans un bureau du Groupama Stadium, le président de l'Olympique Lyonnais n'était pas tout seul. Huit jours après qu'un jet de bouteille a atteint Dimitri Payet et provoqué l'interruption d'OL-OM après quatre minutes de jeu, le club lyonnais a décidé de faire front commun, alors qu'il est menacé de sanctions : aux côtés de Jean-Michel Aulas se tenaient également le directeur du football, Vincent Ponsot, et le Stadium manager, Xavier Pierrot, en présence de Pierre Bideau, le chef de presse. D'où une interview différente de l'habitude.
« Il y a huit jours, le match OL-OM a été interrompu après quatre minutes de jeu. Comment jugez-vous, aujourd'hui, ce qu'il s'est passé ?
Jean-Michel Aulas : On a eu un incident grave et on réitère nos voeux de meilleur rétablissement à Dimitri Payet, ainsi que nos excuses, comme je l'ai fait déjà à plusieurs reprises. Pour nous, il ne s'agit pas d'oublier ce qui s'est passé, mais d'expliquer qu'on est dans un cas fondamentalement différent des autres événements de début de saison, qui sont tout aussi intolérables. On voudrait vraiment expliquer pourquoi on ne peut pas être jugés de la même manière. On vient de prendre contre nous une mesure conservatoire, qui est aux antipodes de celles qui ont été prises depuis le début de saison. Sur le plan économique, ne pas rejouer le match dans les mêmes conditions aurait une incidence financière de plus de 3,5 M€, ce qui représenterait un préjudice énorme. On est dans le cas d'un individu qui n'est pas un supporter de l'Olympique Lyonnais, qui n'est pas dans nos bases de données. En revanche, comme nous avons investi dans un stade de 400 M€ et que nous avons 400 caméras, nous avons pul'identifier tout de suite. Et les stadiers sont venus l'intercepter pour le remettre aux forces de police. Il a été jugé en comparution immédiate, ce qu'on réclame depuis des années, il a été condamné, et cette fois sévèrement. Qu'est-ce que qu'on pouvait faire d'autre et de mieux ?
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Vincent Ponsot : Nous sommes également victimes dans cette affaire. Sportivement, parce que ce match était important pour recoller au classement. Économiquement, parce que notre situation financière est difficile depuis le Covid. Et en termes d'image, c'est une catastrophe. On est victimes d'un acte isolé. Ce n'est pas un envahissement de terrain avec des débordements collectifs. On ressent, à travers la mesure conservatoire de huis clos total pour OL-Reims, ce mercredi soir, une disproportion dans le jugement dont on risque de faire l'objet. Une mesure conservatoire, c'est pour éviter le risque que cela reproduise et là, il n'y a pas de risque, face à Reims, donc on est dans la sanction médiatique. C'est ce que l'on veut éviter et que l'on condamne. Il y a des clubs qui ne jouent pas le jeu. Nous, on sanctionne, on est tolérants zéro, on porte plainte contre nos supporters. On ne doit pas être victimes d'un contexte général et c'est fondamental. On est tous dans la même compétition. On ne réclame pas aucune sanction, on peut assumer certaines choses. Mais comment on pourrait nous sanctionner plus durement que les autres sans toucher à l'équité de la compétition ? Il faut juger avec froideur.
J.-M. A. : Pourquoi on a intercepté le fautif ? Parce qu'on a investi, parce qu'on avait 400 caméras, 800 stadiers. On fait donc ce qu'il faut. Regardez en Angleterre, il n'y a plus ce type d'incidents, et quand il y en a, comme avec le gars qui a frappé Jack Grealish (alors joueur d'Aston Villa, il avait été agressé en plein match par un spectateur du stade de Birmingham, en mars 2019), les matches continuent, parce que les sanctions sont individuelles et que les sanctions judiciaires sont à la hauteur et dissuadent.
Xavier Pierrot : En Angleterre, il y a très, très peu de sanctions collectives, le huis clos n'arrive pratiquement jamais. Le problème du huis clos en France, c'est que cela déresponsabilise celui qui commet l'acte.
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X. P. : Est-ce que ce n'est pas dès le premier match après Montpellier-OM (le 8 août) ? Le premier joueur touché, c'était Valentin Rongier.
J.-M. A. : Je ne veux pas attaquer la Ligue, mais je ne veux pas payer pour les autres.
« Dans l'esprit des gens et pour l'image de la L1, ces incidents s'ajoutent, mais le nôtre n'a rien à voir avec les bagarres et envahissements de terrain »
Jean-Michel Aulas, président de l'OL
Mais vous étiez favorable au retrait de points ?
J.-M. A. : Quand il y a des émeutes collectives et des envahissements de terrain, il faut des sanctions sportives, qui sont plus crédibles que la fermeture d'un virage. Moi, si on me permet de rejouer ici le match contre l'OM, ce qui serait logique, je suis prêt à assumer un sursis en nombre de points et à démontrer qu'il n'y aura aucun incident de ce genre.
« La sanction collective au départ, existe pour pousser les clubs à traiter le sujet. Mais nous, on l'a traité !
Le problème, c'est que les présidents de la L1 présentent la même défense pour les actes isolés que pour les actes collectifs...
X. P. : Oui, mais qui peut prouver que quarante-huit heures après un incident le supporter est condamné à cinq ans d'interdiction de stade et six mois de prison avec sursis ?
J.-M. A. : J'ai cité l'autre jour, lors de la réunion des ministres (le 23 novembre), un exemple. Quand un fou furieux va gifler Emmanuel Macron lors d'une manifestation devant toute la sécurité (le 8 juin, à Tain-l'Hermitage, dans la Drôme), est-ce que l'on peut considérer que c'est de la responsabilité de l'organisateur de la manifestation ? C'est pour cela que le vrai sujet, c'est la sanction individuelle contre la sanction collective.
Mais face au dixième incident, il est compliqué d'entendre que, cette fois, ce n'est pas pareil ?
J.-M. A. : Dans l'esprit des gens et pour l'image de la L1, ces incidents s'ajoutent, mais le nôtre n'a rien à voir avec les bagarres et envahissements de terrain. Quarante-huit heures après, le gars était jugé, terminé. C'est pour cela qu'on s'indigne de cette mesure conservatoire d'un huis clos pour la venue de Reims, alors qu'aucune n'a été prononcée après OM-PSG où des dizaines de projectiles ont été lancés (0-0, le 24 octobre).
X. P. : Est-ce qu'un gars qui vise mal, c'est moins grave qu'un gars qui vise bien ?
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Pourquoi les sanctions individuelles seraient-elles une solution ? Parce que cela vous arrange, dans ce cas précis ?
V. P. : Si on médiatise des sanctions individuelles exemplaires, cela pourra faire réfléchir les prochains. Des supporters ont été pris mais ont seulement eu un rappel à la loi : ça ne peut pas les dissuader. Si c'est un acte individuel, il faut que le club fasse son boulot et que la justice suive. Il faut considérer le passif des clubs : sur ce plan-là, nous n'avons jamais rien, alors que dans certains clubs c'est toutes les semaines. Judiciairement, je pense qu'on a fait du bien, à notre insu : six mois de prison avec sursis, cinq ans d'interdiction de stade avec obligation de pointer tous les week-ends, les gens vont savoir ce qui les attend.
Mais si on peut être plus sévère individuellement, désormais, pourquoi ne pas l'être à travers les sanctions collectives aussi ?
V. P. : Parce que la sanction individuelle ne porte pas atteinte à l'équité sportive. Alors que changer une jurisprudence dans une compétition où nous sommes tous concurrents porte atteinte à cette équité. La solution, c'est l'importance de la sanction individuelle pour des actes individuels. La sanction collective, au départ, existe pour pousser les clubs à traiter le sujet. Mais nous, on l'a traité !
J.-M. A. : La solution, c'est de faire la différence entre les incidents individuels et les incidents collectifs. C'est pour cela que nous allons devant le CNOSF ce mardi (aujourd'hui) à 14 heures. La mesure conservatoire du huis clos contre Reims n'a aucun sens.
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X. P. : Avant le Covid, quand il y avait du public, des interdictions de stade tombaient régulièrement. Pendant dix-huit mois, il n'y en a plus eu. Ce qui signifie que tout le monde est revenu.
V. P. : On veut être jugés par rapport aux faits, pas par rapport à un emballement médiatique. On veut nous faire payer un contexte général, en France, où il y a effectivement des déficits récurrents d'organisation. Nous, c'est une fois, et on va payer pour tout le monde, et plus cher que ceux chez qui cela arrive régulièrement ?
J.-M. A. : À la réunion chez les ministres, on n'était plus dans l'émotion, ce qui est positif. Je ne vois pas comment on pourrait nous donner match perdu. Je voudrais qu'on rejoue dans les mêmes conditions. On voit l'impasse des sanctions collectives, qui n'ont absolument rien changé. Ce qui peut changer la donne, ce sont les sanctions individuelles, c'est que chacun se donne les moyens que l'on s'est donnés. Il n'y a que la sanction collective qui peut pousser les présidents à s'organiser pour punir leurs propres supporters, mais nous, on le fait déjà. L'affaire, chez nous, a été exemplaire : il s'est écoulé sept minutes entre le jet de bouteille et le moment où l'homme a été remis aux forces de l'ordre. La solution pour que le football s'en sorte, à terme, c'est que tout le monde soit équipé pour prendre des sanctions individuelles, et aussi vite, et que tous les clubs aient ce courage politique. »
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