L’OL et l’OM étaient déjà de grands rivaux et les incidents du 21 novembre n’ont rien arrangé : la plaie est encore béante, surtout à Lyon, qui ne digère pas la tournure des événements. HUGO GUILLEMET et MATHIEU GRéGOIRE
Peter Bosz n’est pas vraiment le genre de gars conflictuel, bien au contraire, et son caractère placide semble aux antipodes de celui du volcanique Jorge Sampaoli. C’est pourtant lui qui a chauffé l’ambiance, hier, en conférence de presse, en affirmant qu’il n’avait pas digéré l’arrêt d’OL-OM après quatre minutes le 21 novembre. « Je ne veux que parler de moi : oui, je suis toujours en colère, a dit le technicien néerlandais. Ce n’était pas nécessaire d’arrêter ce match. Il y avait 60 000 personnes, un fou qui a fait ça, et tout le monde a payé. L’arbitre ne voulait pas arrêter. Si le match n’a pas repris, c’est parce que Marseille a absolument refusé de jouer. »
L’entraîneur lyonnais n’était pas obligé de préciser qu’il parlait pour lui, puisque tout le monde partage cette ligne à l’OL. Et l’état de l’effectif, décimé à l’heure de rejouer cet Olympico, n’a fait qu’accentuer le sentiment d’injustice et la frustration. Jean-Michel Aulas avait eu des paroles malheureuses et maladroites à l’époque au micro de Prime Video, quelques minutes après les incidents, et on est à peu près sûr qu’il les assumerait davantage aujourd’hui. Comme ce tweet polémique, lâché début décembre : « Pour éviter d’arrêter à tort un match, on pourrait permettre aux clubs de remplacer un joueur potentiellement blessé : donner la possibilité de rester à onze comme dans le cas d’une commotion (sixième remplaçant). Peut-être même que ça pourrait inciter le blessé à reprendre ? »
L’OL agacé de voir Payet en conférence de presse
En pleine vague d’émotion et d’indignation, les Lyonnais ont souvent essayé de passer à autre chose, cet hiver. Les graves incidents impliquant leurs supporters à Charléty (contre le Paris FC en Coupe de France, le 17 décembre) l’ont permis, en les mettant dans de plus gros problèmes encore, mais la vérité est que la pilule du 21 novembre n’est toujours pas passée. Face à la commission de discipline, l’OL avait encaissé les sanctions, les huis clos et le point en moins, mais il avait aussi tenté de fournir des preuves vidéo que l’OM avait menti, en masquant une caméra devant son vestiaire, ou en se présentant devant celui de l’arbitre Ruddy Buquet, qui avait dans un premier temps pris la décision de faire reprendre la partie. Tout cela, ajouté à la manière des Marseillais de faire traîner l’affaire, volontairement ou non, a laissé les Lyonnais sur les dents. Et hier, ils étaient encore agacés de voir que Dimitri Payet avait été choisi pour se présenter face aux médias la veille du match.
Mais le capitaine marseillais n’a pas ajouté d’huile sur le feu, en rappelant plutôt son statut de victime, comme dans la tribune publiée dans le Monde, le 15 décembre 2021. À l’époque, il avait déjà regretté en privé le manque de soutien des joueurs et du staff de l’OL le soir du match, et les jours suivants. « Cela a été mentalement compliqué, c’était la seconde fois, a-t-il expliqué. J’ai été bien entouré, par le club, par mes coéquipiers, par ma famille, qui m’ont beaucoup rassuré. J’avais l’impression d’être le fautif dans ces deux histoires, que ce soit à Nice ou Lyon. C’était ça le plus difficile à digérer, plutôt que la bouteille en elle-même. »
L’OM ne veut pas en rajouter
Du côté de la direction, Pablo Longoria avait joué la carte de la modération lors d’une interview dans L’Équipe, publiée le 7 décembre, la veille du verdict devant être annoncé par la commission de discipline. Contrairement à Pape Diouf, Vincent Labrune et Jacques-Henri Eyraud, il n’a pas souhaité entrer dans un rapport de force public avec Aulas, se contentant de lui adresser des louanges dans l’entretien, et il n’y a pas eu de piques entre les deux hommes. Sur le fond, il a aussi une posture douce, entérinant le possible report du match. Mais au club, Jacques Cardoze, le directeur de la communication, jouait une carte paradoxalement bien plus dure, marquée par sa sortie lunaire devant l’instance, le lendemain (*).
Depuis cette prise de parole qui a étonné tout le milieu de foot, mais aussi bien des cadres du club, Cardoze ne s’est plus exprimé. Suivi de près par le duo de dirigeants marseillais, le dossier s’est recentré sur le volet purement juridique, les avocats de l’OM faisant appel de la décision devant la FFF, mais pas auprès du CNOSF après que l’appel en question a été jugé irrecevable par la Fédération. Selon l’état-major olympien, il n’y a d’ailleurs jamais eu la volonté de calculer un éventuel report dans un créneau supposément défavorable à l’OL. En revanche, certains regrettent à l’OM que le club n’ait jamais été entendu sur l’incident par une commission, de la LFP ou de la FFF. Ce soir, la page pourra se tourner, enfin.
(*) Devant le siège de la LFP, il avait crié à l’ injustice, déclarant notamment : « Cette commission est illégitime. C'est une parodie de justice. (...) Est-ce que vous connaissez une cour de justice au monde qui convoque le responsable mais pas la victime ? »
L'Equipe