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Saada : « Canal+ diffusera 100 % des trois Coupes d’Europe »
Le président de la chaîne cryptée assure qu’elle retransmettra sur ses antennes l’intégralité des matches de Ligue des champions, Ligue Europa et Ligue Europa Conférence dont elle a obtenu les droits en France pour la période 2024-2027. SACHA NOKOVITCH (avec E.M.)
Maxime Saada, le président de Canal +, a réussi son coup. Mercredi, sa chaîne a raflé les droits de la nouvelle Ligue des champions, de la Ligue Europa et de la Ligue Europa Conférence pour 2024-2027. Satisfait, sans pour autant céder à l’euphorie, il revient sur cet appel d’offres à enjeux et évoque aussi la Ligue 1, Amazon et son conflit avec la Ligue de football professionnel (LFP).
« Qu’est-ce qui vous a poussé à miser 476 M€ par saison pour les droits des trois Coupes d’Europe dont 450 M€ pour la seule C1 ? Je ne veux pas confirmer ces montants… C’est simple, nous voulons la crème de la crème sur Canal +. Par le passé, il y avait un abonnement par foyer. Il fallait être cet abonnement et donc proposer tout ce qui pouvait satisfaire les abonnés. Aujourd’hui, on a en moyenne trois offres de chaînes et plateformes payantes par foyer et avec beaucoup plus de concurrence. Il faut donc proposer une offre de contenus très puissante, avec le meilleur de chaque thématique, de chaque discipline, de chaque compétition. Et pour nous, le meilleur c’est la Ligue des champions.
Mais là, vous avez acquis tous les matches des trois compétitions… C’est vrai, mais la Ligue des champions, c’est l’essentiel de la somme. Sur Canal +, elle nous offre les plus grosses audiences cette saison, avec une moyenne de 1,6 million de téléspectateurs, et un pic à 2,94 millions lors de PSG - Real Madrid (1-0, le 15 février). Quand vous frôlez, à un moment du match, les 3 millions, en étant en co-diffusion avec RMC Sport, vous savez que cet événement touche un maximum de monde. Il n’y a pas d’équivalent ! La Ligue des champions arrive aussi en tête de la satisfaction de nos abonnés et comme motivation à l’abonnement avec engagement.
Aviez-vous incité l’UEFA à lancer son appel d’offres le plus tôt possible en leur promettant de miser gros ? Nous ne promettons jamais une mise mais oui, nous avons demandé à ce que cela intervienne assez tôt. D’ailleurs, Amazon avait a priori le même souhait.
Quel était l’intérêt ? De donner de la visibilité. Dire à nos abonnés “vous avez encore a minima cinq saisons de Ligue des champions sur Canal +” , c’est une force. Nous aurions même aimé un contrat de cinq ans, mais l’UEFA ne l’a pas souhaité.
Et pourquoi vouloir absolument tous les lots ? Nous sommes dans un environnement très compliqué, avec la fragmentation des offres et la multiplication des abonnements. Avoir une proposition très simple et très lisible, “100 % des trois Coupes d’Europe sur les antennes de Canal + de 2024 à 2027”, a beaucoup de valeur.
Canal+ diffusera donc les 546 matches de Coupes d’Europe à partir de 2024 ? Absolument, l’intégralité sera diffusée sur les antennes de Canal+. Mais cela n’exclut pas des sous-licences pour une co-diffusion de certains lots de matches. Par exemple, le schéma mis en place avec RMC Sport pour le cycle en cours (co-diffusion des deux meilleures affiches avec un peu moins de la moitié du prix des droits payé par RMC Sport) fonctionne et nous n’aurions pas d’objection à le renouveler.
“Notre souhait était, dès le départ, de distribuer Prime Video, y compris le Pass Ligue 1. J’ai lu dans “L’Équipe” que ce n’était pas forcément le souhait d’Alex Green (le patron des sports Europe d’Amazon), j’espère avoir mal compris…
Votre partenaire beIN Sports risque de se retrouver sans Coupes d’Europe dans deux ans ? Canal+ a un enjeu direct puisque nous gérons en exclusivité sa distribution. Si beIN souffre commercialement, nous souffrons. Nous avons un intérêt immédiat au succès de la chaîne, donc on veillera à ce que la proposition de valeur de beIN reste au plus haut. D’ailleurs, nous ne reverrons pas les conditions de notre contrat de distribution (Canal + réglerait aujourd’hui 250 M€ par saison pour ce contrat).
Amazon peut-il devenir un partenaire pour une sous-licence ? Je n’exclus jamais un scénario. Notre souhait était, dès le départ, de distribuer Prime Video, y compris le Pass Ligue 1. J’ai lu dans L’Équipe que ce n’était pas forcément le souhait d’Alex Green (patron des sports Europe d’Amazon), j’espère avoir mal compris… Je ne veux pas priver mes abonnés des contenus d’Amazon, j’espère y arriver.
Amazon avait la capacité financière de miser plus que vous. Il ne l’a pas fait, cela vous rassure ? La peur n’intervient pas dans nos prises de décision. Mais je dois le dire, jusqu’à présent, cet acteur agit de manière très rationnelle, comme beIN, contrairement à la réputation qu’on a bien voulu lui donner.
Le grand gagnant, finalement, c’est l’UEFA. L’addition a grimpé de 25 %... Ils ont remporté le pari mais ils ont fait le job. Avec leur nouvelle formule de Ligue des champions, il y aura plus de clubs français qualifiés directement (trois contre deux actuellement), plus de soirées européennes, plus de matches… Tout cela justifie cette inflation. Quand les Fédérations et les Ligues s’attachent au développement de leur produit, qu’elles s’attachent à en améliorer la qualité, cela se ressent dans le prix payé par les diffuseurs.
La co-diffusion en clair de l'affiche de Ligue Europa ( actuellement avec W9) n'est pas prévue pour le futur cycle. Qu'allez-vous faire ? Nous la proposerons à nos abonnés.
En raflant tous les droits européens, pouvez-vous désormais vous passer de la Ligue 1 ? L’enjeu était de devenir moins dépendant de la L1. J’ai très mal vécu l’appel d’offres de mai 2018 lorsque nous sommes repartis sans L1 à un moment où nous pouvions difficilement nous en passer, d’où cet accord de sous-licence avec beIN pour récupérer ses deux matches par journée. Notre ambition était de faire reposer Canal sur davantage de piliers, je pense que nous avons réussi. Nous ne sommes plus en situation de dépendance absolue à l’un ou l’autre de nos contenus.
Vous n’avez pas aidé la L1 cette saison en la programmant sur Canal+ Décalé et Canal+ Sport… Déjà sur les audiences, la moyenne de nos matches de L1 cette saison, c’est un rapport de 1 à 3 par rapport à la C1 (533 000 de moyenne contre 1,6 million pour la Ligue des champions). Mais le choix de la chaîne de programmation ne joue pas sur ces résultats. Quand nous ne pouvons pas diffuser un Grand Prix de F1 sur Canal+ et qu’on le bascule sur Canal+ Décalé, nous faisons de grosses audiences. Quand ils sont intéressés, nos abonnés savent changer de chaîne.
Ne dégradez-vous pas le produit en agissant ainsi ? Non. On ne dégrade pas une compétition en la positionnant sur Canal+ Décalé. Lorsqu’on est sur un prime du samedi soir, qui est une affiche notoire de la L1, tout le monde sait où la regarder.
“La situation reste insupportable économiquement parlant pour Canal+ (en Ligue 1)
Poursuivrez-vous cette programmation la saison prochaine ? Absolument, avec quelques ajustements. Avec le Top 14, le samedi et le dimanche en prime time sur Canal+ premium, nos audiences et le nombre de fans de rugby progressent. Nous n’avons pas de raison de changer de politique.
Canal+ participera-t-il à l’appel d’offres de la L1, l’année prochaine ? L’avenir le dira… Cela reste un produit important en télé payante mais nous verrons en fonction des circonstances, du prix et de ce qui se passera à ce moment-là sur le marché français.
Il y a un an, vous déclariez : “On se retire de la Ligue 1.” Regrettez-vous cette réaction à chaud ? En rien. La situation reste insupportable économiquement parlant pour Canal + : 20 % des matches pour 332 M€ là où la LFP a cédé 80 % des matches à Amazon pour 250 M€. Nous devons continuer à tenter de faire valoir nos droits.
L’Autorité de la concurrence a rejeté votre plainte contre la Ligue. Jeudi, la Cour d’appel a confirmé cette décision. Jetez-vous l’éponge ? On s’y attendait, c’est toute la partie de la procédure avant le contrat Amazon. On ne nous donne pas raison, on prend acte. Mais pour l’iniquité, liée au contrat d’Amazon, ce n’est pas terminé. Nous avons rendez-vous en fin d’année et nous avons toujours envie de croire que la justice tirera les conséquences de cette iniquité. Je vise toujours le retrait de Canal+ sur ce contrat. Tant qu’on nous mettra dans une situation où Canal+ paye plus qu’Amazon pour quatre fois moins de matches, je me battrai !
Avec les Coupes d’Europe, le prix de l’abonnement va-t-il grimper ? Non. Lorsqu’on augmente le prix, c’est en général sous la contrainte. Le premier prix est aujourd’hui autour de 20 €, et à 35 € par mois pour l’offre sport. La priorité est de rentabiliser les investissements avec la croissance du nombre d’abonnés à Canal+, pas en augmentant les tarifs. »
L'Equipe