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L'édito de Régis Testelin : Nice-Marseille, la honte
Qui faut-il plaindre le plus dans cette histoire ? Les joueurs marseillais, bien sûr, cibles dans un premier temps de jets de bouteilles venus du virage sud, puis bientôt électrisés à la vue de ces supporters du Gym se précipitant vers eux depuis les tribunes pour leur régler leur compte ? Qui aurait souhaité y retourner ? Comment ne pas les comprendre ?
Mais il faut sans doute plaindre aussi l'immense majorité des 32 607 spectateurs de l'Allianz Riviera, qui souhaitaient juste passer une bonne soirée entre amis ou en famille, dans la rivalité d'un derby méditerranéen, et il en faut, et qu'une poignée d'irresponsables, revanchards et mauvais comme la galle, hantés par ces rivalités de maillots qui guident leur existence, a fini par renvoyer chez eux ? Certaines de ces personnes, trahies, lassées ou apeurées, ne reviendront plus voir jouer Nice, pas tout de suite en tout cas, et il faut les comprendre car ça va comme ça.
Et qu'en pense l'OGC Nice en son sommet, en commençant par son actionnaire milliardaire, Jim Ratcliffe, qui a pris en pleine gueule les dérapages de certains de ses ultras (pour lesquels il avait aussi choisi d'investir dans le Gym), auquel il veut offrir une grande équipe, pour son image autant que pour leur bonheur ? Il leur a donné Dolberg, Gouiri et Galtier sur un plateau, et le voilà qui récolte un envahissement de terrain, avec descente des tribunes, baston générale et sorties sur civière, aux résonances mondiales. Ineos était jusque-là dans la voile, la Formule 1 et le vélo : qu'est-il venu faire dans ce monde de brutes et de haine, est-il en droit de se demander ce matin.
À moins qu'il faille pleurer l'équipe de Nice, ses travailleurs de l'ombre, son staff technique et ses joueurs, victimes de ceux qu'ils pensent être leurs meilleurs soutiens et leurs amis et qui, ce matin, les ont envoyés au casse-pipe, par-delà une probable victoire (sur tapis vert ?) dont tout le monde se fiche ce matin ?
Et puis il y a vous, il y a nous, ceux qu'on appellera les gens du foot, qui continuons à aimer ce sport malgré tout ce qu'il nous inflige, et à en défendre certaine vertus, à table, au bureau ou au café, parce qu'on le trouve rassembleur, populaire et passionnant, excitant et imprévisible, parce que ses règles en font un affrontement incertain et que son feuilleton nous passionne. Défendre le foot et l'aimer, avoir le poil qui se dresse en entendant par exemple Bollaert chanter les Corons, oui, bien sûr, mais jusqu'à quand et jusqu'où ? Jusqu'au jour où un joueur de foot tombera sous les coups d'un supporter descendu d'un virage pour lui faire payer la couleur de son maillot...
L'Equipe