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Interview de Christophe Dugarry : « Il y a une forme de fierté retrouvée » pour les Girondins de Bordeaux
Dans un entretien à “Sud Ouest”, Christophe Dugarry, l’ancien attaquant des Girondins, ne boude pas son plaisir de suivre attentivement « une équipe qui donne envie de la voir jouer » et « un club humain ». Même en Ligue 2
Assis à côté de Marouane Chamakh, Christophe Dugarry n’a pas assisté au plus beau match de la saison des Girondins face à Caen samedi dernier (1-0). Mais le plaisir d’être au stade était bien réel. L’ancien attaquant bordelais (1988-1996, 2000-2002) a retrouvé la flamme pour son club formateur. Dont il suit assidûment la saison en Ligue 2…
Alors comme ça, vous avez regardé tous les matchs des Girondins cette saison…
Ils passent souvent à la télé lors des horaires décalés. J’ai dû en rater trois ou quatre. J’ai plus regardé Bordeaux que Paris ou Marseille ! Tu as ça dans le sang. C’est toute ma jeunesse, toute ma vie… Quand on est descendus, ma chérie m’a dit : « Christophe, tu as les yeux qui brillent… » Ça m’a fait quelque chose. J’ai très envie qu’ils remontent.
Ça vous fait quoi de voir les Girondins en Ligue 2 ?
Ça va peut-être en choquer certains, mais ça ne me dérange pas tant que ça. J’ai envie que mon club soit vertueux, que quand il gagne 100, qu’il dépense 90 et garde 10 en bas de laine pour les moments difficiles. Je préfère qu’il soit une fois tous les dix ans en L2 pour créer de l’effervescence et monter un projet plutôt que tout le temps en L1 et dans les pages faits divers, avec des dirigeants qui s’en mettent plein les fouilles et des propriétaires que personne ne connaît. Si on doit repasser un jour par la L2 parce que des erreurs ont été commises, ce qui arrive, on se battra pour remonter. La vie est faite d’aventures. L’idée est de bien travailler, de faire le moins d’erreurs possible et de rendre les joueurs, les supporters et les salariés fiers de leurs couleurs.
L’époque où le club jouait le très haut de tableau, la Ligue des champions, vous paraît définitivement révolue ?
Elle est révolue et ça ne reviendra pas, il faut l’accepter. Peut-être que notre place sera en Ligue Europa Conférence, et quand on fera une excellente année on sera en Ligue Europa, où il y a de très belles équipes. Ça doit être l’objectif. Arrêtons de nous faire croire qu’on va recruter des mecs qui coûtent une tonne et qui ne sont pas investis. Quel est l’intérêt de sortir des budgets à je ne sais pas combien pour jouer la Ligue des champions, se faire éclater à domicile par des clubs qui ont dix ou cent fois plus d’argent ? On n’est plus sur la même planète, mais on peut quand même se faire des kifs en Coupe de France, contre le PSG ou l’OM, de temps en temps être la bonne surprise grâce à des gamins qui sortent du centre de formation.
“Yoann Barbet est exceptionnel. Il a une mentalité à toute épreuve. Sur chaque ballon, on dirait qu’il joue sa vie”
Que pensez-vous de cette équipe ?
Elle est sympa. Je vois des attitudes positives et solidaires, pas d’énervement ou d’agacement. Je ne vais pas dire qu’on se régale souvent, beaucoup de matchs sont à l’arraché et manquent un peu de rythme, mais il faut savoir faire ce qu’il faut pour gagner 1-0 ou 2-1. En fait, c’est une équipe qui donne envie d’aller la voir jouer, avec son joueur phare, Yoann Barbet. Il est exceptionnel. Il a une mentalité à toute épreuve. Sur chaque ballon, on dirait qu’il joue sa vie. Il n’est jamais négatif, remobilise les autres, et en plus il marque quelques buts. C’est la mentalité que je veux voir aux Girondins.
Le travail de David Guion vous plaît ?
Il a réussi à donner une identité. Il est très calme, a réussi à faire comprendre aux joueurs qu’ils étaient capables d’être performants. On se demandait comment ça allait se passer avec ces jeunes. Son turnover fonctionne. Les quelques victoires du début de saison comme à Rodez ont permis de prendre de la confiance. L’équipe est capable de bien défendre et de se montrer efficace sans se créer énormément d’occasions. Elle s’est adaptée à ce championnat.
Quels autres joueurs retiennent votre attention ?
J’aime beaucoup Bakwa, qui percute, tente, n’a pas peur. C’est l’un des rares joueurs capables de faire des différences en un contre un. Bokele est toujours à 110 % et loin d’être maladroit, même si je pense qu’il serait meilleur dans l’axe. Mwanga est techniquement adroit même s’il a encore du déchet quand il joue au milieu. Le petit Lacoux est bien aussi. Maja est un finisseur, un joueur intelligent qui fait ce qu’il sait faire. Je le trouve très utile.
Est-ce que ce sera suffisant en Ligue 1, je n’en sais rien. D’ailleurs, on se rend compte de l’écart entre la Ligue 1 et la Ligue 2. Je suis très surpris du niveau de la L2, je m’attendais à beaucoup, beaucoup mieux que ça.
Depuis quelques matchs au Matmut, un groupe de supporters se fait remarquer et entendre au virage Nord. Il est né du départ d’une dizaine de membres des Ultramarines
Comment jugez-vous l’action de Gérard Lopez aux Girondins depuis bientôt deux ans ?
On va attendre de voir s’ils remontent. Il est arrivé dans l’urgence et a fait ce qu’il pouvait. Il montre qu’il apprécie le club et fait les efforts pour réussir. J’ai l’impression de retrouver un club humain. On voit le président au stade. Dimanche dernier, j’ai vu des sourires, des gens contents d’être là. Quand je me balade dans Bordeaux, j’ai l’impression qu’on reparle des Girondins. Avant, c’était horrible.
Il y a deux ans, vous nous disiez être à disposition du futur président pour échanger, donner des conseils. C’est le cas avec Gérard Lopez ?
Pas du tout. Je suis disponible si mon avis intéresse. Sinon, aucun problème, il travaille très bien sans mon avis (sourire). Je suis dans les médias, chacun est bien à sa place.
On sent que votre affection pour ce club est ravivée…
Oui, c’est vrai. C’est peut-être enfantin, mais je suis content. Je disais à ma femme que j’étais heureux et fier d’être allé au stade. J’ai amené mon petit de deux ans et demi. Ce sont des moments de plaisir que je n’avais plus connus depuis très longtemps. La dernière fois, ça devait être à l’époque Chamakh et Gourcuff où j’étais comme un gosse. Il y a une forme de fierté retrouvée. Et si on ne remonte pas, ça ne l’enlèvera pas.
Une aventure en L2 pour aller chercher une remontée, comme vous en 1991-1992, ça marque une carrière ?
Ça ressemblait un peu à cette saison, on gagnait souvent 1-0 sans être spectaculaire. On était à la lutte avec Strasbourg qui était meilleur que nous mais on avait une équipe de chiens, un état d’esprit incroyable. En L2, c’est important. Sur le plan humain, c’était top. Une montée, c’est aussi important que de gagner une Coupe de la Ligue. Je ne veux pas leur porter malheur, mais s’ils remontent, ce sera magique en termes d’émotions et de fierté.
L’ancien attaquant des Girondins salue la démarche de Gérard Lopez et les résultats obtenus à Lille, mais reste méfiant quant à la méthode du probable futur propriétaire du club
Son retour sur RMC
Près de trois ans après avoir quitté RMC et dit que « le monde des médias était terminé pour (lui) », Christophe Dugarry a fait son retour à la radio, une fois par semaine dans l’émission de Jérôme Rothen. « J’avais besoin de retrouver un peu de fraîcheur, d’envie et de plaisir. Là, c’est un bon rythme, ce n’est pas mon émission, je n’ai pas la pression de donner mon avis tous les jours pendant deux heures », explique-t-il. Le foot l’avait « un peu saoulé », mais « c’est ma vie », sourit-il. « Sous mes airs nonchalants et mon mauvais caractère, ça reste ma passion. Je ne peux pas vivre sans foot. Ça me manquait, au fond de moi. »