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Ultras bordelais agressés, le récit d'une soirée qui aurait pu virer au drame à Ajaccio
Un drame a été évité de peu lundi à Ajaccio où des ultras bordelais, interdits de déplacement, ont été attaqués par les supporters de l'ACA. Retour sur une soirée de violence.
Qui faut-il blâmer ? La soixantaine d'ultras bordelais qui ont bravé une interdiction de déplacement ? Les supporters de l'AC Ajaccio qui s'en sont pris à eux avec une violence inouïe ? Le service de sécurité du club corse très vite débordé ? Les forces de l'ordre incapables de faire respecter un arrêté, comme l'a affirmé le Monsieur Sécurité de l'ACA, José Scaglia, dans Corse Matin ? Ou encore la préfecture de Corse-du-Sud qui ne s'est prononcée contre la présence de supporters bordelais à Ajaccio que trois jours avant le match, alors qu'une quarantaine d'entre eux se trouvait déjà sur l'île de Beauté ?
En attendant les conclusions de l'enquête ouverte mardi par le parquet d'Ajaccio pour « violences aggravées au sein d'une enceinte sportive », un drame a été évité de peu lundi au stade François-Coty où les affrontements entre les supporters de l'ACA et ceux des Girondins ont fait cinq blessés légers, dont deux dans les rangs des UB87.
Il est impensable d'imaginer qu'un stade puisse devenir le théâtre de jets d'échelles, de canapés et autres objets en tout genre, mais c'est pourtant ce à quoi l'on a assisté après onze minutes de jeu, lorsque les Ultramarines, incognito jusque-là, se sont dévoilés. Ils avaient acheté des packages de tickets sur le site du club corse, et ils ont pu se rassembler, sans signe distinctif, dans le coin de la tribune Poli en toute quiétude avant de se faire encercler par les ultras de l'ACA, acculés contre une barrière, sous le feu des projectiles.
De toute évidence, ils n'avaient rien à faire là, et leur présence a été fermement condamnée par les Girondins. Mais les billets d'avion et les gîtes avaient été réservés, les frais avancés dès que le calendrier était tombé, et ils ont fait le choix de ne pas renoncer. « Ajaccio, ce n'est pas Rodez, ça ne s'annule pas trois jours avant », nous a soufflé l'un d'eux. Ironie de la situation, ce sont précisément les images de Rodez, la bousculade entre un leader des ultras et le milieu ruthénois Lucas Buades, et la défaite des Girondins sur tapis vert, le 2 juin dernier, qui ont resurgi dans l'esprit de David Guion et de ses joueurs lorsque l'arbitre M. Angoula a décidé d'interrompre le match.
Il a fallu dix bonnes minutes pour que les forces de l'ordre reçoivent le feu vert pour intervenir, et les UB n'ont pu être que reconnaissants après coup à l'égard de la vingtaine de stadiers qui ont fait leur possible pour s'interposer durant ce laps de temps. « Sans eux, on était morts... », a lâché un ultra bordelais.
Pour avoir voulu également leur prêter main-forte, le responsable sécurité du groupe pro des Girondins s'en est tiré avec une balafre à la joue et un gros mal de crâne. Finalement expulsés hors du stade, puis exfiltrés par les CRS jusqu'à leur véhicule, les UB ont pu repartir tranquillement non sans avoir décliné leur identité en vue d'une prochaine convocation devant la police.
« Il y a un arrêté avec des brigades de gendarmerie et cinq fourgons qui laissent passer les Bordelais..., a regretté l'entraîneur de l'ACA, Olivier Pantaloni. L'État n'a pas fait son travail ». Les autorités auraient été alertées sur leur présence près d'Ajaccio dès samedi, et c'est précisément ce que pointe du doigt M. Scaglia lorsqu'il dénonce « une défaillance des forces de l'ordre ». Cela n'explique pas comment les ultras de l'ACA ont pu se déplacer aussi facilement dans l'enceinte pour s'en prendre aux UB... Au sein du club bordelais, on regrettait mardi « la mauvaise image donnée alors que nos supporters ne sont pas des gens violents. C'est handicapant pour tout le monde. On va se prendre arrêté sur arrêté alors que l'an dernier, on a aussi réussi à prendre des points à l'extérieur parce que nos supporters étaient là ».
Mardi, la préfecture a toutefois rappelé que son arrêté tardif avait notamment été motivé par l'antagonisme récent entre deux groupes d'ultras bordelais. « Il faut bien des gens qui se battent pour montrer que les arrêtés sont contre-productifs. Plus il y aura d'arrêtés, plus il y aura de groupes pour les braver », martelait mardi un membre des UB, conscient malgré tout des sanctions auxquelles ils s'exposent : « Ça va nous faire mal. »