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Décryptage : l'impact immédiat de Jude Bellingham au Real Madrid
Alors que Carlo Ancelotti a décidé de remodeler son équipe autour de lui dans un système en 4-3-1-2, Jude Bellingham (20 ans) connaît des débuts tonitruants avec le Real Madrid. Récupérer, faciliter, créer, conclure : on a beau savoir que ce jeune homme sait tout faire, il ne cesse d'épater.
Jude Bellingham est différent. Une saison complète en D2 anglaise à 16 ans, un numéro de maillot (le 22) retiré à Birmingham, une première sélection avec l'Angleterre à 17 ans, quelques semaines après ses débuts avec le Borussia Dortmund, une couronne de meilleur joueur de Bundesliga à 19 ans, puis un transfert à 103 millions d'euros vers le Real Madrid... Le milieu de terrain fait tout plus vite que tout le monde, et donne l'impression de gérer la pression avec une aisance déconcertante.
Sur le terrain, il a gagné le respect du vestiaire merengue dès ses premiers pas en préparation et vient de signer trois buts et une passe décisive lors de ses deux premiers matches de Liga, à Bilbao (2-0) puis à Almeria (3-1).
Celui qui a choisi d'endosser le numéro 5 d'un certain Zinédine Zidane n'a jamais eu froid aux yeux, et le parallèle entre les deux joueurs (dans des profils et des époques très différents, précisons-le) ne s'est pas démenti lorsque Carlo Ancelotti a décidé - près de vingt-cinq ans après l'avoir fait avec Zidane à la Juventus - de construire son équipe autour d'un Bellingham positionné en numéro 10.
Le renouvellement du milieu et le pari du losange
Chaque saison, le crépuscule des seigneurs de l'entrejeu madrilène est guetté, annoncé, anticipé. Cette fois, un an après le départ de Casemiro à Manchester United, Toni Kroos et Luka Modric peuvent-ils lâcher le pouvoir ? Il serait évidemment très prématuré de l'affirmer après seulement deux matches officiels, mais la transition semble avoir été accélérée par Ancelotti lui-même, dès l'entame de la préparation estivale aux États-Unis. Exit le 4-3-3 historique (bien que modulable), place à un 4-3-1-2 et donc à un milieu en losange mis en place depuis le premier match amical de l'été.
« J'ai envie d'essayer quelque chose de nouveau pour débuter la saison, et si ça ne fonctionne pas, on pourra toujours revenir à l'ancien système, qui nous a offert beaucoup de succès par le passé », avait alors justifié l'entraîneur italien, annonçant une évolution plus qu'une révolution.
Il n'empêche, ce système reste une rareté au très haut niveau européen (le PSG s'y est essayé l'an passé, Salzbourg plus régulièrement ces dernières saisons), notamment parce que les couloirs peuvent être très exposés sur les transitions défensives, mais le technicien de 64 ans y croit. Parce qu'il croit en son nouveau joyau : « Dans ce système, il sera numéro 10. C'est le meilleur poste pour lui parce qu'il est proche de la surface. »
Du haut de ses 20 ans, Bellingham arrive donc un peu comme une rébellion dans le milieu merengue. À Dortmund, il devait être partout, tout le temps, parce qu'il était le meilleur joueur de son équipe, son meilleur récupérateur comme son meilleur créateur - et même son meilleur buteur (14 réalisations) la saison dernière. À Madrid, l'effectif est autrement armé dans l'entrejeu (Tchouaméni, Camavinga, Valverde, Kroos, Modric) et son nouvel entraîneur lui demande donc de se positionner en soutien des deux attaquants, Rodrygo et Vinicius. Dans un rôle libre et précis à la fois.
En phase offensive, il est chargé de créer du liant entre le milieu et l'attaque, de faire avancer le jeu balle au pied lorsqu'il en a l'occasion et d'assurer une présence dans la surface car ses deux coéquipiers brésiliens aiment s'en éloigner pour mieux lancer leurs actions.
En phase défensive, l'Anglais doit rester un cran plus haut que les autres milieux pour presser à la perte du ballon, puis se rapprocher d'eux lorsque l'adversaire franchit la ligne médiane afin de former une ligne de quatre capable de coulisser pour gérer la largeur et protéger l'édifice global (un plan imparfait : samedi, Almeria a réussi plusieurs fois à amener le danger en contre-attaquant rapidement par les ailes).
Un 10 qui agit comme un 8... et un 9
Alors que Karim Benzema s'est défini lui-même un jour comme « un 9 avec l'âme d'un 10 », Jude Bellingham, lui, ressemble lors de ses premiers pas au Real à un 10 qui agit donc comme un 8... et un 9.
Contraint de faire sans pur avant-centre (Benzema est parti, Kane n'est pas venu, Mbappé non plus, Joselu n'incarne qu'un plan B pour l'instant), Carlo Ancelotti a donc décidé de recentrer Rodrygo et de sortir Vinicius de sa position théorique d'ailier, même s'il s'écarte encore dès qu'il en a l'occasion. Une liberté permise par la discipline de Bellingham, qui ne ménage pas ses efforts et ne compte pas ses appels vers la zone de vérité. Il en a d'ailleurs récolté les fruits, inscrivant un doublé de renard à Almeria samedi.
S'il avait semblé planer aux quatre coins de San Mamés le week-end précédent, Bellingham a livré en Andalousie une partie assez différente dans le jeu, plus discrète, moins divertissante mais plus « froide ». En vérité, son rôle semble dépendre de l'identité et de l'attitude de ceux qui l'entourent. La présence de Toni Kroos au coup d'envoi samedi, ainsi que les appels plus récurrents de Vinicius à gauche, l'ont amené à endosser celui de facilitateur-finisseur.
Après avoir touché 75 ballons en 90 minutes à Bilbao, son total s'est élevé à 59 en 81 minutes à Almeria, et alors que son nombre de dribbles (1 réussi sur 2, contre 3 sur 4) et de tacles (aucun tenté, contre 3 réussis sur 4) a aussi chuté d'un match à l'autre, il a touché deux fois plus de ballons dans la surface (8 contre 4) et tiré trois fois plus (6 contre 2). Deux costumes différents pour deux résultats probants. Il faudra du temps (et des adversaires d'un autre calibre) pour savoir si ce nouveau Real peut tenir la distance, mais l'aperçu offert par Jude Bellingham a forcément conforté le choix de son entraîneur.