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À Monaco, les tensions sortent du vestiaire
Les déclarations de Krépin Diatta, son milieu droit, après la nouvelle claque reçue à Rennes samedi soir (0-2), ont révélé au grand jour les dissensions internes à l'AS Monaco, désormais sixième de Ligue 1.
Médecin de formation, Dimitri Rybolovlev (56 ans) se veut un homme d'affaires aussi débonnaire que visionnaire. Le 18 avril, soit deux jours après l'avant-dernière victoire de ses joueurs devant Lorient (2-1), le président de l'AS Monaco a accompagné le prince Albert II à l'inauguration du nouveau service des urgences adultes et pédiatriques du Centre hospitalier Princesse Grace (CHPG). Deux mois après, les joueurs du « généreux donateur de ce projet d'envergure », selon le communiqué officiel du CHPG, sont sportivement au plus mal.
Dépassés et battus à Rennes samedi soir (0-2), ils se retrouvent sixièmes du Championnat, boutés de la Coupe d'Europe. Impensable, en début de saison. « On peut même terminer la saison septièmes, s'alarme Krépin Diatta (24 ans), seul Monégasque à avoir eu le courage de s'exprimer après le match. Il y a quatre, cinq mois, tout le monde parlait de nous. On se battait même pour finir deuxièmes. Donc, on n'a pas fait ce qu'il fallait. Au moins, à Rennes, c'était un peu mieux. On s'est battus. Ce n'est pas comme à Lyon (1-3, le 19 mai), où on a abandonné. »
Après le match au Groupama Stadium de Décines, des Lyonnais avaient confié leur surprise de découvrir l'ambiance tendue régnant à la sortie du vestiaire monégasque. L'un d'eux, étonné notamment par la façon de parler de certains joueurs à Philippe Clement, l'entraîneur de l'ASM, avait conclu : « Quelque chose ne va pas, à Monaco. »
Diatta a fini par dire tout haut ce que tout le monde pensait donc tout bas : « Sur nos six derniers matches (1 victoire, 1 nul et 4 défaites), on ne peut pas dire que tout le monde tire dans le même sens. » L'argument rappelant, à raison, que les Monégasques ont été les premiers à reprendre, dès mi-juin, pour cause de barrages de qualification pour la Ligue des champions, et qu'ils subissent un coup de pompe physique en cette fin de saison, ne tient plus. « Combien d'équipes jouent la Coupe d'Europe et le Championnat, en France ? interroge encore le Sénégalais, arrivé du Club Bruges il y a deux ans et demi. C'est un avantage ici de jouer tous les trois jours car cela te donne le rythme par rapport aux autres. Ce n'est donc pas ça, le problème. C'est dans les têtes. Actuellement, tous les joueurs sont fatigués. Mais si tu as la volonté de tout donner, tu peux y arriver. »
Une fracture depuis l'annonce du départ de Paul Mitchell
À l'image de sa délégation - à l'exception de Diatta donc -, Paul Mitchell a quitté le Roazhon Park sans un mot, samedi. Les interventions du directeur sportif de l'ASM depuis 2020 n'ont plus de poids. Comme ceux des autres, d'ailleurs. Diatta confirme : « Tout le temps, on se parle, à l'entraînement, en match, et rien ne change. Tu vas dire quoi ? » Plus rien, en ce qui concerne Mitchell, depuis qu'il a officialisé, en février, son départ, qui interviendra dans les prochains mois. Beaucoup d'observateurs situent d'ailleurs la fracture dans la courbe de résultats à cette date. Les faits leur donnent raison. Mitchell demeure lié à Clement. Après le Croate Niko Kovac, arrivé dans ses bagages, il a choisi le Belge pour le remplacer sur le banc, depuis le 3 janvier 2022. Pour le même constat d'échec, malgré leur CV et leurs qualités éprouvées d'entraîneur.
Alors qu'il s'apprête à céder sa place au Brésilien Thiago Scuro (Red Bull Bragantino), élu meilleur directeur du football d'Amérique du Sud en 2022, Mitchell ne peut pas désavouer Clement à son tour. Il s'y verra pourtant contraint, dans l'hypothèse, impensable en début de saison, de non-qualification européenne. Et même s'il y en avait une, pas sûr que l'entraîneur restera, tant son échec se révèle patent. En termes de résultats donc, mais aussi au regard de la gestion de son vestiaire poudrière. Plus rien, de ses changements tactiques - retour à une défense à quatre samedi après une charnière poreuse à trois - à son coaching en cours de match, ne fonctionne.
Un coaching qui interroge voire lasse
Les sorties à l'heure de jeu de Mohamed Camara et d'Eliesse Ben Seghir, loin d'être les plus décevants samedi, auraient suscité l'incompréhension de son vestiaire. Il en irait de même de celle d'Alexandre Golovine. S'il n'était pas dans un grand soir, le Russe demeure capable de sauver son équipe sur un geste de classe. Pis, le management ronronnant des stars démotive. « On a l'impression qu'ils se croient déjà en vacances », se désolait un membre de son staff, avant le coup d'envoi.
Après avoir chaudement serré la main de Bruno Genesio, l'entraîneur de Rennes, lors de sa énième sortie en cours de match, Wissam Ben Yedder l'a également fait, contraint et forcé, avec Clement. Leur relation, tout autant que le comportement de l'international français (19 sélections, 3 buts) depuis le début de cette saison, interrogent. Porte-drapeau du projet de l'AS Monaco, Ben Yedder s'entête à dribbler toutes ses obligations médiatiques. Elles sont pourtant inhérentes à son statut de capitaine et de meilleur buteur, depuis son arrivée en 2019. À peine de retour de blessure et seulement arrivé l'été dernier, Breel Embolo s'est chargé de prêcher la bonne parole à sa place, avant le déplacement à Rennes.
La thèse d'une fin de cycle
Diatta l'a donc prise après, sans qu'il y soit invité. La sincérité de ses mots a le mérite de les poser sur des maux. L'AS Monaco arrive en fin de cycle. Après avoir mis de trop long mois à revenir de la Coupe du monde au Qatar dans leur tête, Axel Disasi et Youssouf Fofana se trouvent sur le départ. Alexander Nübel, rare Monégasque au niveau en cette fin de saison, s'apprête à retourner au Bayern Munich. Et ainsi de suite. Il leur reste un match à tous, samedi contre Toulouse, pour tenter d'éviter ce que le lucide Diatta qualifierait de saison « catastrophe ».