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Peter Bosz, entraîneur de l'OL : « La philosophie, c'est le foot offensif »
Peter Bosz, le nouvel entraîneur de l'OL, explique sa manière de voir le football et sa volonté d'offrir du spectacle avec son équipe.
Peter Bosz se pointe, souriant, dans le hall de son hôtel des environs de Murcie où l'OL effectue un stage depuis lundi et jusqu'à dimanche. Le soleil cogne sévère dehors. Le Néerlandais fait déjà l'unanimité auprès des supporters, ce qui est plutôt une rareté ces derniers temps chez les entraîneurs à l'OL...
Dès ses premiers échanges avec Juninho, le directeur sportif, le courant est passé. Ils se parlent quasi quotidiennement, « de l'équipe, de son évolution, des joueurs qu'on aime, de la manière dont on voit et pense le foot... » (dixit Bosz). Le départ de Melvin Bard ou l'arrivée espérée d'André Onana, en concurrence avec Anthony Lopes, n'ont même pas entamé sa cote de popularité. « Mais ce n'est pas moi qui décide, Melvin, je l'ai vu deux jours à l'entraînement, rappelle l'ancien milieu de Toulon (1988-1991) qui parle toujours un excellent Français. Je ne suis pas sur les réseaux mais on me dit que l'accueil est plutôt sympa. C'est toujours mieux. Mais au final il faut gagner. Et si possible bien jouer. Le reste... » Le reste, c'est surtout une manière de voir le football. Il la raconte.
Comment s'est passée votre arrivée à Lyon ?
J'ai reçu un SMS de Vincent Ponsot (directeur du football) en vacances à Curaçao (une île des Caraïbes qui appartient aux Pays Bas). On a fait ensuite une vidéo avec le président et Juninho. Le lendemain, j'étais dans l'avion vers Amsterdam puis vers Lyon.
Tout est donc allé très vite ?
Les bonnes choses vont toujours vite. Si c'était resté en discussion trois-quatre semaines, je n'y aurais pas cru. Il y avait de la confiance des deux côtés. Deux jours plus tard, je repartais sur mon lieu de vacances et je me suis plongé dans les matches de l'OL. On a beaucoup parlé de la façon de jouer, ce qu'on voulait de moi et ce qu'ils pensaient. Tout commence par une philosophie. La philosophie, c'est le club, ce sont les fans. La philosophie, c'est le foot offensif mais 4-3-3, 3-5-2 ou 4-4-2, ça, je m'en fous. Ce sont les joueurs qui décident du système.
Depuis votre arrivée, c'est plutôt le 4-3-3 que vous avez mis en place. Pourquoi ?
On a commencé dans le système le plus clair. C'est le meilleur pour effectuer un jeu de possession et presser l'adversaire à la perte. Après, on regardera. Si tu n'as pas d'ailiers, ça ne sert à rien de jouer avec trois attaquants par exemple. Je dois apprendre à connaître mes joueurs, certains sont revenus tardivement et d'autres vont arriver. Tu as besoin de les voir pour mieux appréhender. La télé nous montre où est le ballon mais je ne vois pas ce qui se passe ailleurs. Est-ce que les défenseurs organisent leur marquage préventif alors que le ballon est de l'autre côté ou est-ce qu'ils suivent le ballon et ne font rien ? Ces infos, je ne les accumule pas en vidéo. Le départ de Memphis ? Je ne regarde jamais en arrière sauf si c'est pour apprendre. Memphis est très dominant dans le jeu. Il n'est plus là, les autres joueurs ont plus de place pour eux.
« J'aimerais avoir le ballon car comme le dit Johan Cruyff, quand vous l'avez, l'adversaire ne peut pas marquer
Sur quoi se base votre philosophie ?
Je veux gagner et je veux que les fans soient contents de la manière.
On ne connaît pas d'entraîneurs qui disent vouloir gagner en jouant mal, non ?
C'est subjectif car j'aime peut-être autre chose que vous mais en général, les fans aiment les équipes qui attaquent, qui marquent des buts, qui créent des occasions. Quand ils rentrent chez eux, je veux qu'ils parlent d'actions qu'ils ont vues : "ah ce centre là, ah cette passe !" Ils paient pour voir ça donc il faut leur donner quelque chose.
Vous voulez une récupération rapide du ballon...
Oui j'aimerais avoir le ballon car comme le dit Johan Cruyff, quand vous l'avez, l'adversaire ne peut pas marquer. C'est simple mais vrai. Je veux des joueurs qui ne perdent pas le ballon. Et quand tu as des joueurs bien placés, tu peux le récupérer plus vite. Toute équipe qui défend est compacte et ça dure environ 5 secondes pour qu'elle se remette en position sur la largeur. Donc il faut récupérer la balle avant ces 5 secondes car ça devient plus compliqué ensuite.
« À 18 ans, j'avais tous mes diplômes pour entraîner sauf en pro
Vous évoquez Cruyff, c'est votre modèle ?
Pour nous, les Hollandais, Johan Cruyff, c'est quelqu'un de très très très spécial. Il était extraordinaire comme joueur et après comme entraîneur. Il a d'ailleurs refusé de prendre des cours pour le devenir. Il a dit : "Je les ai pris pendant 20 ans tous les jours. Que peuvent-ils m'appendre ?" Et ils lui ont donné ses diplômes. Moi, j'avais 21 ans quand il a dirigé l'Ajax et je prenais des cours pour être entraîneur.
Déjà ?
À 18 ans, j'avais tous mes diplômes pour entraîner sauf en pro. À 16 ans, après mon premier examen (l'équivalent du bac), j'ai intégré une école de sport. Donc je l'ai suivi de très près dès ses débuts.
Vous pensiez déjà être entraîneur à cet âge-là ?
Je voulais être pro d'abord mais ça faisait partie du cursus scolaire. Ça a duré trois ans et je commençais alors à entraîner les moins de 12 ans. Et Cruyff a dit énormément de choses sur les jeunes qui allait à l'opposé de ce que je pensais. Par exemple, quand un arrière droit était mal placé, lui disait que pour apprendre, il fallait le laisser se débrouiller en un contre un. Car si le défenseur central le couvrait, l'arrière droit n'allait pas apprendre comment se placer la prochaine fois.
C'était cette notion de "rendre le joueur intelligent" ?
Avec lui, chez les jeunes, le gardien ne devait jamais dégager au pied mais donner la balle à la main. Car à cet âge, on manque de force donc on donne le ballon au défenseur proche ce qui l'oblige à maîtriser son positionnement et sa relance. Ça m'a marqué. Je suis un grand fan de Cruyff. Un de mes copains a lu toutes ses interviews et il y en a un paquet ! (rire) Il en a fait un livre avec toutes ses phrases courtes.
« Quand un entraîneur offensif perd un match ou un Championnat, c'est facile de dire : "C'est pas réaliste". Je m'en fous
Le parcourez-vous encore ?
Oui bien sûr. Des fois je me dis : "Ce sont des conneries ça, je rentre à la maison, je réfléchis et ben non, il avait raison !" Le foot, ce n'est pas que le résultat. Il faut aussi la manière et la manière de Cruyff, c'est être dominant, attractif. C'est le premier entraîneur à gagner la C1 avec Barça mais il était dur aussi, très très dur. Wouah... Il a dit par exemple à Marco Van Basten : "C'est très facile pour moi de crier sur ceux qui sont plus faibles que toi mais je crie sur toi car tu es le meilleur." Moi aussi je suis dur avec les bons.
Plus qu'avec les moins bons ?
Oui car ils sont meilleurs que les autres.
Aviez-vous d'autres inspirations ?
Je suis allé en équipe nationale avec Rinus Michels, un monsieur très intéressant quand il parlait. Les anciens disaient : "Tiens, il raconte encore ses histoires...". Mais moi, qui étais nouveau, j'adorais. Et je réécrivais dans ma chambre tout ce qu'il disait. Il était très structuré, carré.
Plus que Cruyff ?
On m'a dit que Cruyff ne l'était pas. On m'a raconté qu'il avait préparé un jour une séance au Barça et en marchant vers le terrain d'entraînement, il a tout changé ! Il pouvait dire : "Tiens, il fait beau, je suis joker donc je joue" (rire). Il n'y a donc pas une seule manière d'agir...
Après la finale de la Ligue Europa remportée par Manchester United sur votre Ajax en 2017 (0-2), José Mourinho, avait déclaré : "Les coachs tels que Bosz, désireux de divertir les gens, ne gagnent aucun titre..."
Après un match, c'est toujours facile de parler surtout quand tu gagnes. Il a le droit. Mais le premier but vient d'une touche qui glisse des doigts d'un de mes joueurs et on avait une équipe de 21,7 ans de moyenne contre United et toutes ses stars qui a cherché à défendre son avantage... Mais il a perdu de temps en temps des matches, notamment contre des entraîneurs offensifs. Le Barça de Guardiola a toujours gagné quand Mourinho entraînait le Real. Mais je suis habitué à ça. Quand un entraîneur offensif perd un match ou un Championnat, c'est facile de dire : "C'est pas réaliste". Je m'en fous. Je sais que tu peux avoir des succès avec un jeu offensif.
Mais c'est plus compliqué peut-être...
D'accord car tu presses, tu joues avec de l'espace derrière ta défense. Mais j'ai vu des matches l'an passé du Bayern qui pressait très haut avec son entraîneur Hansi Flick, - c'était peut-être le meilleur foot d'Europe - et combien de fois Neuer (le gardien) prenait le ballon ? Presque jamais. À l'époque de Guardiola au Bayern, il y a des matches où Neuer ne touchait pas la balle ! Donc c'est possible. Moi comme spectateur, avec ma bière devant ma télé, j'aime regarder ces équipes-là, pas des équipes qui défendent et qui contrent. Attention, je ne dis pas que c'est bien mais c'est ma manière de voir. J'ai aimé, par exemple, l'Italie durant l'Euro. Ils ont super bien joué, ont attaqué haut, sauf contre l'Espagne. Mancini a réussi un super travail.
Pep Guardiola est aussi un entraîneur dont vous évoquez le travail...
Oui mais Guardiola était un joueur de Cruyff et il en parle toujours. J'ai connu Albert Capellas qui a été huit ans à la Masia. Et il m'a dit : "La philosophie du Barça, c'est Cruyff".
« Il y a des entraîneurs que j'aime. Je suis très curieux de voir Jorge Sampaoli à Marseille
Pouvez-vous changer d'organisation ou de positionnement de joueurs comme Guardiola dans un même match ?
De temps en temps mais pas comme Guardiola. Il faut le dire, il est, pfff... C'est vraiment intéressant ce qu'il produit.
Quels entraîneurs vous attirent aujourd'hui ?
Il y a des entraîneurs que j'aime. Je suis très curieux de voir Jorge Sampaoli à Marseille et Marcelo Bielsa à Leeds.
Qu'aimez-vous chez eux ?
J'aime l'intensité de leurs équipes. Quand tu vois comment les attaquants et les milieux pressent à Leeds... J'aime quand on peut voir la signature d'un entraîneur. Avec Bielsa, c'est ça. Et le Séville ou le Chili de Sampaoli, c'était ça.
Rolland Courbis raconte que vous posiez déjà beaucoup de questions sur le jeu quand vous êtes arrivé à Toulon. C'était le cas ?
(rire) Rolland aussi. Rolland, on le voyait avec son chronomètre et son sifflet, et tous les joueurs rigolaient mais tactiquement c'était très très fort surtout au milieu et en défense, moins en attaque. J'ai beaucoup appris de lui, comment coulisser, le travail défensif...
N'avez-vous jamais arrêté de prendre des notes durant votre carrière de joueur ?
Jamais. J'ai même retrouvé des livres à la maison quand j'avais dix ans. Je notais notre composition d'équipe, notre placement, et je mettais des commentaires sur chaque équipier : lui ne va pas vite, lui n'est pas assez technique... (rire).
C'était donc obsessionnel le foot chez vous ?
Je peux dire ça, je suis obsédé par le foot.