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Lyon; Blanc : «On a un gros chantier»
Deux mois après sa nomination, Laurent Blanc revient sur ses premiers pas sur le banc de l'OL. Il parle de son ambition de redonner une identité de jeu à Lyon et du chantier que cela représente. Laurent Blanc (57 ans) se pose tranquillement autour d'un café dans le magnifique complexe hôtelier où réside son équipe, à Dubaï, pendant neuf jours. L'entraîneur lyonnais, qui a succédé à Peter Bosz le 9 octobre, a la chance de pouvoir effectuer une vraie préparation grâce à la Coupe du monde. Il espère en tirer profit pour remonter les vents contraires en L1 (8e avec 21 points). Il s'est ouvert pendant une trentaine de minutes.« Quand on évoque le 21 mai 2016, ça vous rappelle quoi ?(Il réfléchit.) 2016, c'est ma fin de contrat avec Paris. Mon dernier match avec le PSG et c'était Franck (Passi, son adjoint aujourd'hui et entraîneur de l'OM à l'époque) en face (4-2 en finale de la Coupe de France).
Un très bon souvenir mais pas une date particulière car je ne savais pas que j'en avais fini avec le PSG (rires). Il n'y avait pas de signes précurseurs. Avant de partir en vacances, tu rencontres le directeur sportif tous les deux jours, tu te projettes sur la saison suivante etc. Et je l'apprends quand je suis à New York, le 3 ou 4 juin.lire aussiBlanc à Lyon, la fin d'une traversée du désertY a-t-il une forme de violence dans ces instants ?Mais la vie est violente, non ? Le foot serait à part ? Plein de gens vivent ça dans d'autres conditions que les miennes. Donc relativisons. L'entraîneur est toujours le fusible parfait. Et trois ans dans des grands clubs, c'est une éternité.« Les joueurs sont de plus en plus difficiles à gérer, ils prennent de plus en plus d'importance, les ego encore plus »Le temps des Arsène Wenger (à Arsenal) ou des Alex Ferguson (à Manchester United) est-il révolu ?Oui, à mes yeux. On a encore quelques dinosaures, comme Diego Simeone (à l'Atlético de Madrid, en poste depuis 2011) mais il y en aura de moins en moins. Les joueurs sont de plus en plus difficiles à gérer, ils prennent de plus en plus d'importance, les ego encore plus. Si un joueur - je parle de top niveau - ne veut plus d'un entraîneur, je sais quelle décision le club prendra...Quelle évolution avez-vous vue en France en six ans ?Ce qui m'a sauté aux yeux, c'est la qualité physique des équipes. Les courses à haute intensité, la répétition des efforts, c'est un truc de fou ! Marseille-Lens (0-1, le 22 octobre) : les deux équipes se sont rendu coup pour coup. Ce match-là n'existait pas, à mon sens, il y a cinq ou six ans en Ligue 1.Vous parliez de déficit physique de votre équipe justement à votre arrivée...Il n'y a pas que ça. On serait plus compétitifs avec tout le monde mais on ne l'a pratiquement jamais été. Si on retrouve le vrai (Corentin) Tolisso par exemple... Il revient petit à petit. Et il y en a d'autres. Au complet, Lyon a un effectif de qualité. Mais on a pris du retard.« Je ne suis pas carriériste. J'avais juste envie de me renouveler dans ma passion du football et maintenant, ce retour ne fait que confirmer que c'est ce qui m'anime »Était-il nécessaire pour vous de revenir en France sous peine de ne plus être rappelé ?Oui, peut-être. Après le PSG, je n'avais pas envie de replonger. Les gens ne veulent pas comprendre mais personne n'est à ma place. Je ne suis pas carriériste. J'avais juste envie de me renouveler dans ma passion du football et maintenant, ce retour ne fait que confirmer que c'est ce qui m'anime. Au Qatar (décembre 2020 à février 2022, à Al-Rayyan), c'était exotique mais il y a eu le terrain... J'ai aimé cette expérience, ça m'a changé les idées et donné envie de revenir ici.lire aussiToute l'actualité de l'OLComment expliquez-vous cette image dilettante ou de golfeur qui vous colle à la peau ?(Il pointe du doigt Pierre Bideau, le responsable communication de l'OL.) Mais demandez les heures qu'on fait ! Attention, tous les entraîneurs bossent, et peut-être que certains en font plus.Ça vous ennuie qu'on associe vos réussites à votre ex-adjoint Jean-Louis Gasset ? Les gens avec qui j'ai bossé savent. C'est tout ce qui m'importe. Après, ceux qui extrapolent ou veulent me faire passer pour ce que je ne suis pas... Sur les compétences, c'est autre chose, mais en termes de travail, rien ne me fait peur. Après, l'efficacité est la chose la plus importante, pas les heures de travail.« À nous, c'est-à-dire tout le club, de retrouver la gagne et une identité de jeu »Gasset disait que vous mettiez vingt minutes pour analyser le contenu d'une séance et trouver la réponse à apporter quand d'autres mettaient deux heures. Voyez-vous vite les choses ?Pour faire un peu d'humour, il faudra que je voie vite à Lyon (rires). Voir, c'est une chose, corriger, c'en est une autre. Lyon a un problème et on a un gros chantier. À nous, c'est-à-dire tout le club, de retrouver la gagne et une identité de jeu pour remettre l'OL là où il doit l'être. Le dire, ça prend cinq secondes, mais le réaliser... J'espère avoir le temps.Dans ce contexte, votre priorité est-elle d'abord de gagner ou de faire progresser votre équipe ?(Catégorique) Gagner. Je suis un adepte du beau jeu, mais ce qui me guide, c'est la victoire et j'étais déjà comme ça joueur. Ça m'est arrivé de faire un petit pont dans ma surface parce que je pensais que c'était l'action à tenter, mais je n'avais aucun problème à dégager en tribune. Dans les entretiens que j'ai avec les joueurs, je leur martèle que notre nourriture est la victoire.Sentez-vous un décalage à ce niveau ?Il y a un décalage mais ils sont jeunes. À 17 -20 ans, vous apprenez, mais il faut déjà être sûr d'être guidé par la victoire. La défaite aussi vous enrichit. Mais le succès vous rend plus heureux, vous donne plus de reconnaissance et des gains financiers incroyables, et donc la liberté. C'est très important, ensuite, cette liberté de choisir que certains vous jalousent.« L'ambiance générale n'est pas optimale. Malgré ça, il faut aller en haut. On est conscients de l'attente des gens »Cette culture de la gagne à la française, est-ce le principal héritage de France 98 ?En restant à notre place, je le pense. Attention, les générations de 1982 et 1986 sont des icônes à mes yeux, les (Michel) Platini, (Alain) Giresse, (Jean) Tigana... Mais peut-être qu'il leur manquait quelque chose qu'on est allé chercher, surtout en Italie à l'époque. C'est ce que je m'efforce de dire aux joueurs, on ne retient que le vainqueur. Moi, j'ai un parcours atypique. J'ai fait cinq ans en D2 (à Montpellier), le bas de tableau comme le haut, le top et des clubs moins huppés à l'étranger. Donc j'ai retenu pas mal de choses qui me servent aujourd'hui. Je n'ai pas toujours eu droit aux déplacements confortables comme ici à Dubaï, j'en ai fait des voyages en car et en voiture (sourire). Bon arrêtons, nous parlons un peu comme des vieux (rires).lire aussiVente : jeu de dupes à l'OLCet épisode de la reprise du club vous inquiète ou, à l'inverse, vous vous en détachez ?Complètement détaché, ça serait mentir. Que ça m'inquiète au point de prendre mon téléphone pour lire les nouvelles, non. Je suis pris par ma mission sportive. Mais on ne peut qu'être impacté par les nouvelles. Car ça touche le sportif, les salariés... L'ambiance générale n'est pas optimale. Malgré ça, il faut aller en haut. On est conscients de l'attente des gens. On représente l'OL, club dans une situation floue. J'espère qu'il y aura une situation plus claire et nette. Si le club est vendu, il se passera des choses, et d'autres s'il n'est pas vendu, mais pas de la même nature. On attend. »
L'Equipe