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Textor dans le déni, Grosso dans le brouillard, les joueurs dans la nasse... le récit du chaos à l'OL
Même quand il touche le fond, en ce moment, l'OL continue de creuser la semaine suivante. En travaux à tous les niveaux, le club lyonnais souffre comme jamais depuis quarante ans.
La dernière fois que l'OL a plongé en D2, à la fin de la saison 1982-1983, le club sortait d'une phase de turbulences à sa tête, avec quatre présidents entre janvier 1981 et juin 1983 (Roger Michaux, Jean Perrot, Raymond Ravet et Charles Mighirian). La référence a un certain sens, alors que le club n'a jamais été aussi bas depuis quarante ans, après le passage de témoin très agité entre Jean-Michel Aulas et John Textor.
La question du maintien sera à la fois sportive et arithmétique : avec 3 points en neuf journées, et un calendrier à venir compliqué (OM, Metz, Rennes, Lille, Lens), l'OL risque de s'exposer tôt ou tard à la nécessité de devoir prendre près de 2 points par match pour se sauver. La menace est réelle, mais on dirait qu'elle n'est pas encore perçue de la sorte par tout le monde.
Textor dans le déni
Depuis dimanche, la réalité de la menace d'une relégation a rattrapé tout le monde, sauf John Textor, qui est venu en anglais tenir des propos un peu lunaires, en zone mixte. L'Américain a ressenti, sans doute, la nécessité d'un discours positif, au risque de paraître totalement déconnecté de la réalité. « Notre équipe est bien trop bonne pour avoir ces résultats, nous avons vu de grandes performances », a-t-il lancé en préambule, avant de tancer « la négativité autour de ce club, qui vient de politiciens locaux, de l'ancien management, des bureaucrates, mais pas des supporters ».
De fait, il appelle régulièrement et en direct les responsables des associations de supporters, qui ont poussé sans reproche l'OL dimanche soir. S'il a la paix sur ce front, il doit se battre avec les éléments de langage que des nostalgiques de l'ancien pouvoir lâchent au-dessus de sa tête, comme celui-ci, qui parcourt Lyon de sources différentes : « Textor a acheté une montre avec cinq diamants, mais il est en train de vendre les diamants pour garder la montre. » L'Américain va rester toute la semaine à Lyon, avec un conseil d'administration en présentiel, aujourd'hui.
Mais, dimanche, c'est sur l'hypothèse d'une relégation qu'il a le plus décontenancé son auditoire : « Je sais qu'on vous demande de poser la question. Mais cette équipe n'a pas de risque d'être reléguée. Quiconque parle de relégation veut seulement installer la peur, raconter des histoires. C'est une plaisanterie. Cette question n'a aucun sens. » Il a même assuré, ensuite : « Je n'ai pas peur, l'équipe est trop bonne. Personne ne s'inquiète dans le vestiaire, ni dans le staff. » Il serait temps, alors.
Grosso dans le brouillard
John Textor a soutenu Fabio Grosso, dimanche soir : « C'est un bon coach. Il fait du bon boulot. L'équipe progresse chaque match. J'ai fait une erreur, j'aurais dû prendre cette décision pendant l'été et permettre au nouveau coach de faire la préparation pendant l'été. » À l'intérieur du club, certains regrettent de n'avoir pas alerté plus tôt sur les insuffisances de la préparation.
Depuis la mise à l'écart de Laurent Blanc, mi-septembre, pendant la trêve internationale, l'Italien cherche sans cesse, et ne trouve pas. Vingt titulaires différents en quatre matches, trois organisations différentes de départ (4-3-3, 3-4-1-2, 4-2-3-1), un point sur douze possibles : ses débuts d'entraîneur à l'OL ne sont pas exactement un triomphe. Il a presque joué ces quatre matches avec sept ou huit équipes distinctes, puisqu'il a souvent changé trois joueurs à la mi-temps ou juste après, et même son coaching, avec ce passage dans une défense à cinq pour sauvegarder le 3-2 face à Lorient, s'est soldé par une égalisation (3-3).
Des joueurs se disent épuisés par les entraînements, auxquels ils attribuent leur début de match anémique dimanche. D'ailleurs, même s'il a été sorti à la mi-temps, Rayan Cherki avait été le Lyonnais qui avait le plus couru, selon une statistique de Prime Video, après avoir passé dix jours en Espoirs. Grosso tâtonne, parce qu'il veut donner sa chance à tout le monde aussi. Il n'a pas souhaité, par ailleurs, que Sonny Anderson se rapproche du groupe. Autour de lui, on souligne qu'il travaille énormément pour sortir Lyon de l'impasse. Pour l'instant, cela se voit peu, et cela ne suffit pas.
Joueurs dans la nasse
Les joueurs de l'OL aimaient bien Laurent Blanc, mais le week-end venu, cela ne se voyait pas toujours, du moins depuis l'été, après leur troisième place sur les matches retour la saison dernière. Fabio Grosso est arrivé avec des règles de vie contraignantes que les membres du vestiaire lyonnais n'ont pas forcément bien vécues. Mais après 3 points en neuf journées, ils ne sont pas en position de se plaindre.
Dimanche, la journée a été spéciale : Johann Lepenant et Diego Moreira ont été écartés du groupe élargi à 10 heures, Skelly Alvero et Nicolas Tagliafico à 18 heures, et quand ils ont tous quitté le stade à minuit, ils se dirigeaient vers un lundi de repos... mais à 0 h 30, ils ont reçu un SMS de Fabio Grosso pour leur annoncer un entraînement supplémentaire. L'absence de Tagliafico, en tribune contre Clermont, attribuée devant l'effectif à un retour tardif d'Amérique du Sud, était en fait une sanction disciplinaire : le champion du monde a été puni pour s'être rendu, vendredi soir, à la demi-finale de la Coupe du monde de rugby de l'Argentine face à la Nouvelle-Zélande (6-44), au Stade de France.
Certains joueurs estiment en privé qu'il n'est pas toujours facile de comprendre exactement ce que demande l'entraîneur italien, qui arrête fréquemment les séances pour préciser sa pensée pourtant. Mais le premier problème reste le manque de continuité dans la performance de la plupart d'entre eux. Quoi qu'on pense de l'affaiblissement de l'OL, évident quand on dresse la liste des partants ou des joueurs transférés définitivement depuis l'été (Barcola, Lukeba, Gusto, Thiago Mendes, Toko-Ekambi, Aouar, Dembélé, Faivre, Boateng, Reine-Adélaïde), la dernière place actuelle ne correspond pas à la valeur de l'effectif.
Le mercato pour se sauver
Le début de saison marque aussi l'échec du recrutement orchestré par Mathieu Louis-Jean, partiellement, et John Textor. Après avoir beaucoup critiqué le recrutement de Bruno Cheyrou depuis l'été 2022 (Lacazette, Tolisso, Lepenant, Kumbedi, Tagliafico, Riou, Lovren, Sarr), les supporters lyonnais constatent aujourd'hui le très faible impact des joueurs arrivés depuis que Textor a pris la présidence.
Si Clinton Mata, malgré sa prestation moyenne dimanche, est une réussite, et si Jake O'Brien, que l'Américain aurait bien aimé imposer à Laurent Blanc, a fait des matches sérieux, Duje Caleta-Car a déjà disparu du décor, Ainsley Maitland-Niles est assez catastrophique, Ernest Nuamah a offert de trop rares intermittences à ce prix-là, Jeffinho semble toujours un peu léger, à tous les sens du terme, et la plupart des autres n'ont pas su prendre une place (Alvero, Akouokou, Baldé, Moreira).
Le prochain mercato d'hiver pourrait être décisif, mais il faudra faire vite : à sa clôture, le 31 janvier, il ne restera que quinze journées. La DNCG mettra encore son nez dans des comptes lyonnais, et avec des perspectives plus proches d'une relégation que d'une qualification en Ligue des champions. Le mercato d'hiver avait sauvé Newcastle, en janvier 2022, après la prise de contrôle des Saoudiens, alors que les Magpies ne comptaient que 12 points après 20 matches. Finalement, il s'était classé 11e avec 49 points. Un bon modèle à suivre.