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Moussa Dembélé : « les dirigeants de l’OL sont tous incompétents et arrogants »
Cet été, Moussa Dembélé a tourné une page importante de sa carrière. En effet, après cinq ans passés entre Rhône et Saône, il a quitté libre l’Olympique Lyonnais. Un club où il a connu des hauts et des bas. Discret, l’attaquant âgé de 27 ans a décidé de sortir du silence dans les colonnes de Foot Mercato. L’occasion de lâcher ses vérités et de régler ses comptes avec la direction rhodanienne. Entretien.
Foot Mercato : Aujourd’hui, on vous sent épanoui et heureux en Arabie saoudite où vous enchaînez les buts (8 buts en 7 rencontres, ndlr). Peut-on dire que vous êtes aussi plus libéré qu’à l’Olympique Lyonnais ?
Moussa Dembélé : Il n’y a pas photo sur ça. Dans le football comme dans la vie, quand vous vous sentez apprécié et supporté vous êtes meilleur. L’hostilité ne me fait pas peur quand elle vient de l’adversaire. Je dirais même qu’elle me stimule. J’ai connu les menaces de mort des supporters des Rangers avant les derbys de Glasgow et ça ne m’empêchait pas de faire le boulot. Mais quand l’hostilité vient de vos propres supporters et que ça en devient de la haine, c’est une autre histoire. Ma dernière saison à Lyon a été compliquée. J’avais bien commencé malgré les bâtons dans les roues mis par la direction. J’admets que je devais et que je pouvais faire mieux. Mais ça n’a pas été le cas. Je suis lucide et objectif sur mes prestations.
FM : Vous avez définitivement quitté le club rhodanien cet été. Pourquoi êtes-vous parti ?
MD : Car je n’avais plus rien à y faire. L’environnement y est malsain, pas propice à l’épanouissement. Je suis parti tout comme Malo (Gusto), Castello (Lukeba) et Bradley (Barcola), qui eux aussi ont bien fait de partir pour progresser, être dans une dynamique meilleure pour leur développement et gagner plus d’argent. Comme Lucas Paqueta ou Bruno Guimarães ont eu raison de partir. Regardez comment ils s’éclatent ! Ils sont adulés, respectés et kiffent leur vie. L’OL est également bien content d’empocher de l’argent grâce à eux.
FM : Que retenez-vous de votre passage là-bas ?
MD : Sur un plan personnel, j’ai fait trois bonnes saisons et deux pas top. Sur un plan collectif, c’est mitigé. Il y a des hauts et des bas. On était parfois très bons et parfois très mauvais. Mais c’est la vie, rien n’est parfait.
FM : Quel est votre meilleur souvenir à Lyon ? Quel est le pire ?
MD : J’ai énormément de bons souvenirs. J’ai vécu de belles émotions. La demi-finale de Champions League, le but de la clim’ à Saint-Etienne (rires), les buts contre Marseille ou Paris. Il y a plein de belles choses. Le pire, ce sont les insultes de mes propres supporters envers ma famille. Entendre 20 000 personnes insulter ma mère et m’insulter à chaque touche de balle n’est pas supportable. Pas un seul dirigeant n’a tenté de calmer les choses. Ils se sont tous cachés et sont restés silencieux.
FM : Quel joueur vous a impressionné à l’OL ?
MD : Je n’ai pas été spécialement impressionné par qui que ce soit là-bas, avec tout le respect que j’ai pour mes anciens coéquipiers. Ce n’était pas au niveau de l’impression que m’ont fait Dimitar Berbatov ou Luis Suarez que j’ai pu côtoyer dans mes autres clubs. Mais attention, Alexandre Lacazette, Tanguy Ndombele, Lucas Paqueta, Bruno Guimarães, Nabil Fekir ou Memphis Depay, c’est du top top level.
FM : Le club a indiqué qu’il vous avait offert une prolongation de contrat. Qu’en est-il vraiment ?
MD : Le club a fait une proposition à l’été 2022 que j’ai déclinée en disant que je ne refusais pas mais que je voulais me donner le temps de la réflexion et surtout voir comment les choses allaient se passer durant la saison. C’est normal de vouloir savoir dans quoi tu t’engages, surtout connaissant la situation chaotique en coulisses.
Moussa Dembélé vide son sac
FM : Avez-vous senti du respect de la part de vos dirigeants ?
MD : De certains, oui. Mais d’autres, non. Bruno Cheyrou (ancien responsable de la cellule de recrutement, ndlr) et son interview pour dire que les joueurs sont des actifs, c’était un gros manque de respect. Je ne sais pas où il se croyait ce jour-là, peut-être dans un bateau d’esclaves ou sur un champ de coton où les gens sont des objets ou des numéros. Je ne suis pas un actif, je suis un être humain ! Il faut respecter les gens. Les joueurs sont des actifs et donc les supporters sont quoi ? Des consommateurs ? Son discours est très dangereux et irrespectueux. Dans le vestiaire, on a tous pris ça comme un affront et un manque de respect. Et il se croyait malin à venir dire soit ils (les joueurs sous contrat jusqu’en 2023, ndlr) prolongent, soit ils partent. Au final, personne n’a prolongé et personne n’est parti. Il s’est ridiculisé tout seul. Il y a une façon de parler des gens et de faire les choses. S’il voulait que je parte, il devait faire les choses avec respect et correctement. Il fallait appeler mon agent, trouver un deal qui fasse les affaires de tout le monde plutôt que de faire le malin en interview. Vincent Ponsot, lui aussi, a été irrespectueux. En février, il a fait une interview disant qu’il avait reçu des offres et que j’ai refusé de partir. Mais il ment. S’il a reçu des offres et qu’il n’en a pas parlé à mon agent alors c’est une faute professionnelle de sa part, pas de la mienne. J’étais en négociations avec plusieurs clubs en janvier 2023. Si on négocie avec un club, c’est qu’on accepte de partir non ?! Au moment où il dit ça, c’est lorsque les supporters nous avaient pris en grippe avec Houssem (Aouar) et les autres. On jouait à peine à ce moment-là. Je reconnais que nos prestations n’étaient pas top mais le niveau de haine était disproportionné. Quand Vincent Ponsot fait son interview, il sait très bien ce qu’il fait. Il met de l’huile sur le feu et attise encore plus la haine des supporters et se dédouane en même temps pour se donner une bonne image, genre “ce n’est pas moi, allez taper sur eux. Ce sont eux les mauvais”. Son intervention sournoise a rendu le quotidien invivable. Il y a eu des insultes à répétition, les gens venaient chez nous pour nous insulter et j’en passe. Les derniers mois étaient terribles. Vincent Ponsot a une grande part de responsabilité puisqu’il a chauffé les supporters. Il savait très bien ce qu’il faisait. J’avais senti son jeu sournois depuis l’été 2022 quand il envoyait ses amis journalistes dire que je faisais le choix de l’argent en voulant partir libre. C’est beaucoup de communication et de calculs pour manipuler les gens. La vérité c’est qu’ils se sont tous foirés dans la gestion du club et que ça dure depuis des années. Quand on regarde bien, ces gens ne sont jamais réellement critiqués car ils ont leur copains dans les médias ou sur les plateaux télé qui ne vont jamais leur faire mauvaise presse. À part Daniel Riolo, Jérôme Rothen et 3-4 exceptions, le reste c’est du copinage. Ils ne vont pas mal parler de leurs potes ou ex-coéquipiers.
FM : Après votre départ, plusieurs supporters vous ont remercié sur les réseaux sociaux. D’autres n’ont pas été aussi sympathiques, d’autant qu’ils vous avaient déjà invité à partir l’an dernier avec Houssem Aouar, Thiago Mendes ou Karl Toko Ekambi. Que pensez-vous du traitement des supporters à votre égard ?
MD : Je fais la part des choses. Je remercie ceux qui m’ont soutenu et remercié. Je comprends ceux qui m’ont critiqué et j’accepte la critique. Elle permet d’évoluer et de grandir. Je ne pardonnerai pas ceux qui ont insulté ma famille. Ça ne passe pas. Mais j’avance et je continue ma vie, comme eux continuent la leur.
FM : Vous êtes parti mais Lyon ne va pas mieux pour autant. Pourquoi le club a autant de problèmes ?
MD : Pourtant apparemment, le problème était Aouar, Dembélé, Thiago Mendes, Toko Ekambi. Avant c’était Marcelo, Léo Dubois. On a eu Bertrand Traoré, Maxwel Cornet et j’en passe. Je ne jouais même pas et on disait que j’étais le problème. En fait, il faut bien comprendre une chose, le sportif est dirigé par des gens qui ne connaissent pas le football. Voilà le problème majeur. Ils font de la communication sans arrêt et des jeux de manipulation pour enfumer les supporters. Par exemple, quand ils sont venus parler du projet ADN OL à l’été 2022, on a vu que c’est du marketing ça. Pour vous dire, on en rigolait dans le vestiaire. Mais les supporters, eux, tombent dedans. Regardez les réseaux du club à cette époque. Il n’y avait que des posts sur des joueurs du centre. C’était de la communication et rien d’autre. Il n’y a aucun projet footballistique sur le long terme, aucune vision, que de la flûte. C’est catastrophique. Ils sont incompétents même pour vendre des joueurs. Houssem, Memphis, Jason (Denayer), moi, sans oublier Pierre Kalulu qui flambe au Milan, tous sont partis gratuitement. Ils ne sont même pas capables d’anticiper pour ne pas se retrouver dans cette situation. J’ai signé mon contrat en 2018 à Lyon, ils avaient 5 ans pour préparer mon départ et c’est une fois arrivé à la dernière année qu’ils se sont réveillés pour dire il faut partir et dire en interview : “nous sommes en droit de patati patata”. Pire encore, ils disent qu’ils veulent me vendre pour faire de l’argent mais on me retire le brassard sans raison et on me met en équipe 2 à la reprise. Vous croyez que les clubs vont se dire quoi en voyant ça ? Ils vont se dire que Dembélé est à brader puisqu’ils le mettent avec l’équipe 2. Donc, si Lyon demande 20 millions d’euros, tout le monde dira je donne 5 car vous avez montré publiquement que vous vouliez vous en débarrasser. Il n’y a aucune stratégie ! Je ne suis pas dirigeant mais c’est la base ça. Même ça, qui est la base du business, ils ne l’ont pas! Les dirigeants sont tous incompétents et arrogants.
L’attaquant pointe du doigt les problèmes de l’OL
FM : On a parlé de problèmes de vestiaire récemment. Était-ce le cas à votre époque ? Est-ce difficile de s’intégrer à Lyon ?
MD : Il n’y a pas de problème de vestiaire. En tout cas, ce n’est pas la raison du mal lyonnais. Les joueurs s’entendent tous très bien. Les problèmes d’intégration sont loin d’être le souci majeur. Je le répète, on n’était pas bons et personne ne se cachait. Ça ne faisait plaisir à personne. Je ne connais aucun joueur qui est content de perdre ou de ne pas être performant. Et ce n’est pas en les insultant que les choses vont s’arranger. Pendant ce temps-là, la direction est silencieuse et se cache. Elle a été silencieuse pendant que Houssem, moi et d’autres on prenait tout en pleine face.
FM : Que faut-il faire pour que l’OL redevienne un grand club ?
MD : Qu’il soit dirigé par des gens qui connaissent le football et qui ont un plan. Là, il n’y a pas de plan. Il y a un directeur du football (Vincent Ponsot, ndlr) qui ne connaît pas le football. C’est un truc de malade ça ! C’est comme si j’étais rédacteur en chef de Foot Mercato mais que je ne savais pas lire ou que je connaissais pas l’alphabet. Vous voyez le truc de fou que c’est ? Il y avait des guerres en interne entre dirigeants. Comment voulez-vous que les joueurs soient performants si c’est le désordre en interne. C’est difficile d’en vouloir à un enfant de ne pas bien travailler à l’école si c’est le désordre à la maison ! Ce n’est pas une excuse mais c’est un fait. J’ai fait 5 ans à Lyon et j’ai connu 5 entraîneurs différents et 3 directeurs sportifs différents (Juninho, Florian Maurice et Bruno Cheyrou étaient responsables du recrutement, ndlr). Je ne sais pas si vous réalisez à quel point c’est un truc de dingue. Trois directeurs sportifs en 5 ans ! Ils ont viré Laurent Blanc. Avant lui, c’était Peter Bosz et encore avant Rudi Garcia, Sylvinho et Bruno Genesio. Tu vas en virer combien comme ça avant de te remettre en question ? Fabio Grosso arrive mais ça parlait aussi de Graham Potter et de Gennaro Gattuso. Entre Grosso, Potter et Gattuso il y a une différence de style et de management. Ça veut dire que même le choix du coach est fait au hasard sans savoir vraiment ce qu’ils veulent comme style de coach et ce dont ils ont besoin. C’est du grand n’importe quoi ! Ils ont fait fuir Juni qui avait un plan. Personnellement, j’ai eu des différends avec Juninho mais il défendait les intérêts du clubs avec passion et moi je protégeais mes intérêts. Il s’est battu pour que j’aille à l’Atlético quand j’en avais besoin et je lui en serais toujours reconnaissant. Il comprend ce qu’est le football, un groupe, les valeurs du club etc… Il ne faut pas oublier que Maxence (Caqueret), Malo, Castello, c’est Juni qui les a fait monter. Il ramène Paqueta, Guimarães, Emerson, c’est la classe mondiale. Il anticipait, il analysait et il avançait avec un plan. Florian Maurice aussi est dans la même catégorie de dirigeants qui connaît son travail, le football mais qui a été mis de côté.
FM : Laurent Blanc a été remercié il y a plusieurs jours. Pourquoi cela n’a pas fonctionné avec lui ?
MD : Il a prouvé que s’il a les joueurs, il peut être champion (à Bordeaux et au PSG). C’est un top coach. Mais s’il n’a aucune direction sportive sérieuse pour l’épauler, il ne pourra pas faire de la magie. Il faut arrêter de croire que le problème c’est Blanc ou les entraîneurs ou certains joueurs. Le problème est bien plus profond que ça. L’hiver dernier, Laurent Blanc a clairement demandé un milieu de terrain (un n°6) et on lui a ramené Amin Sarr. Je n’ai rien contre Amin, c’est un très bon gars et un bon joueur. Je constate juste la situation. Et le truc de fou, c’est qu’ils prêtent Amin six mois plus tard (à Wolfsbourg). Il n’y a aucune cohérence, aucun projet… mais c’est de la faute de Dembélé, Aouar, Blanc etc…
FM : Auriez-vous pu encore apporter à cette équipe ?
MD : Rien du tout. J’étais à plat et sans arme. Il faut bien plus qu’un ou deux joueurs et un nouveau coach pour que Lyon aille mieux. Attaquer Alex (Lacazette) aujourd’hui, c’est n’importe quoi. Allez vous en prendre au problème de fond, pas de surface.