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Jean-Michel Aulas fait saisir les comptes de l'OL
INFO L'ÉQUIPE. À la demande de Jean-Michel Aulas, le tribunal de commerce de Lyon a ordonné le gel de 14,5 millions d'euros du club et le nantissement des titres. Le club de John Textor se dit abasourdi.
« Jean-Michel est prêt à détruire le club pour détruire John (Textor). » C'est presque un acte de guerre qui était décrit mercredi matin à l'Olympique Lyonnais, où l'incompréhension domine depuis maintenant plusieurs jours. Selon nos informations, Jean-Michel Aulas a eu recours à une procédure spéciale devant le tribunal de commerce de Lyon qui lui a permis d'obtenir de façon non contradictoire (la société Eagle Football de John Textor n'était pas au courant) le gel de 14,5 millions d'euros sur les comptes de l'OL et le nantissement des titres (*) détenus par le club de l'homme d'affaires américain.
(*) Des titres nantis servent de garantie à une dette. Si le débiteur ne rembourse pas sa dette auprès du créancier dans les délais convenus, ce dernier va récupérer la propriété des actions nanties.
Les conséquences se sont révélées immédiates : le club n'a eu aucune liquidité à sa disposition pendant plusieurs jours et s'évertue depuis à rassurer ses créanciers, dans une période particulièrement houleuse pour l'OL. Les titres qui avaient été donnés en garantie aux banques, notamment lors des emprunts contractés pour financer le nouveau stade, étant désormais nantis, les établissements bancaires pourraient faire jouer des dispositions contractuelles pour faire volte-face.
« Les titres ne sont pas libres pour un éventuel défaut de paiement », ajoute une source en interne au club. « C'est un peu la même chose que si vous me donniez une hypothèque sur votre maison. Vous ne pouvez pas vendre ou céder les titres sans lever le nantissement », détaille Thierry Gardon, le président du tribunal de commerce de Lyon, qui n'a pas souhaité s'exprimer sur le fond du dossier.
Aulas estime ne pas avoir eu d'autre choix que de lancer cette procédure pour récupérer ce qu'on lui devait, en l'espèce 14,5 millions d'euros qui correspondent à une partie de ses parts qui lui restaient dans le club.
« Jean-Michel Aulas a bloqué nos comptes en plein mercato et nous a mis en risque sur nos discussions sur nos lignes de crédits. C'est agir contre les intérêts du club et contre son propre héritage, qu'on aimerait respecter », estime pour sa part le président exécutif du club, Santiago Cucci, encore abasourdi. Lequel précise toutefois que le club a retrouvé une situation quasi-normale.
Une manière de rassurer ses interlocuteurs sur la solvabilité de l'OL en plein mercato... Dans l'entourage de Jean-Michel Aulas, on estime que ce discours est totalement « inaudible » : « Celui qui joue contre son club, c'est John Textor. Il a acheté un actif en s'engageant à le valoriser et en faisant en sorte que les résultats sportifs soient au rendez-vous. Jean-Michel Aulas fait juste valoir ses droits contractuels. »
Une procédure secrète et non contradictoire
Concrètement, c'est le président du tribunal de commerce de Lyon, Thierry Gardon, qui a été saisi en personne début août de ce que l'on appelle en droit une « ordonnance sur requête ». Après un premier rejet pour des raisons de compétence territoriale de sa juridiction, Thierry Gardon a finalement donné droit aux demandes qui lui étaient faites, et Jean-Michel Aulas a pu se présenter aux banques de l'OL avec ses ordonnances signées de la main du président du tribunal.
Des recherches FICOBA (fichier des comptes bancaires) ont ensuite eu lieu pour identifier les avoirs de l'OL dans les différentes banques, et toutes ont dû constituer, à un instant T, 14,5 millions d'euros. Dès que la somme a été provisionnée, l'OL, dans l'urgence, a demandé « aux huissiers d'informer les autres banques. Pendant trois ou quatre jours, on n'a rien pu faire. Heureusement, on n'était pas en train de payer nos salariés... », soupire Santiago Cucci.
L'OL va contester les ordonnances du tribunal de commerce
L'OL a dans la foulée, et à son tour, saisi le tribunal de commerce de Lyon et demandé l'autorisation d'assigner en référé d'heure à heure, pour obtenir la rétractation de l'ordonnance du président. « Nous étions alors en pleine période de vacation. Mais j'ai audiencé une audience spéciale en référé ce lundi à 10 heures pour que l'affaire soit jugée rapidement.. Je précise que c'est le délégué général du tribunal, Jean-Pierre Gibert - et pas moi - qui présidait l'audience », témoigne Thierry Gardon.
Une façon de répondre à ceux qui accusent Jean-Michel Aulas d'avoir joué à domicile et qui pensent avoir trouvé des liens entre son entourage et le patron du tribunal de commerce. Gardon, lui, nie tout conflit d'intérêts et donne une autre justification à sa mise en retrait : « Je n'ai jamais voulu siéger - bien que la loi ne me l'interdise pas - lors d'une audience en rétractation d'une ordonnance que j'avais moi-même rendue en non contradictoire. »
Ce mercredi matin, Jean-Pierre Gibert a finalement confirmé les ordonnances rendues par le président, estimant, comme Thierry Gardon avant lui, que la décision de la DNCG d'encadrer la masse salariale de l'OL faisait peser « de nombreuses incertitudes sur la situation du groupe qui sont des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance » invoquée par Jean-Michel Aulas. Le club va se saisir de toutes les voies de recours à sa disposition pour contester cette décision.
« Docteur Jean-Michel et Mister Aulas »
« On a eu un rendez-vous, avec Jean-Michel, début août, qui s'est très bien passé. Et pendant qu'il me parlait, il saisissait tous les comptes bancaires, tous sans exception [...] C'est un peu "Docteur Jean-Michel, et Mister Aulas". Il est charmant, on a envie de travailler avec lui et collaborer. Mais sous le discours de façade, il fait passer ses intérêts personnels », tacle Cucci.
« John Textor et Eagle Football cherchent - comme ils le font depuis plus d'un an - à se soustraire aux engagements auxquels ils sont pourtant contractuellement tenus envers Holnest (le family office de Jean-Michel Aulas) », a réagi Aulas par voie de communiqué. Précisant également : « Par conséquent, la société Holnest a été contrainte d'initier plusieurs actions judiciaires pour préserver ses droits face aux manquements répétés de John Textor et d'Eagle Football. »Une plainte en diffamation contre John Textor a également été annoncée.
À la suite des complications liées au montage financier et bancaire de l'opération, Textor a en effet tardé à verser son dû à l'ancien propriétaire de l'OL. Mais le club jure qu'il avait anticipé ces difficultés de retard, en prévoyant d'assortir les 14,5 millions d'euros à des pénalités avec un taux d'intérêt de 7 %. « Je regrette profondément cette situation, conclut Cucci. Ce n'est pas bon pour nous deux. Aucune envie d'entretenir le western entre deux équipes, l'ancienne, celle de Jean-Michel, et la nôtre. »
