Information
Encadré par la DNCG, entraîneur fragilisé, recrues tardives : récit d'un été chaotique à l'OL
Sanctions de la DNCG, recrutement encadré, 1 point sur 9 en L1, agacement et fragilisation de Laurent Blanc, modèle sportif encore imprécis, nouvelle gouvernance qui apprend le football français : l'été de l'OL est complètement flou.
L'histoire de l'été chaotique de l'Olympique Lyonnais, au fond, est assez simple : John Textor a évincé Jean-Michel Aulas, le 8 mai, alors qu'il ne s'était pas encore organisé pour prendre la suite. Une très large part des ennuis de l'OL, depuis, procèdent de cette impatience et de cette impréparation : il est bien trop tôt pour savoir si l'ère Eagle Football ira vers la gloire ou dans le mur, mais on sait, déjà, que la transition a été manquée et que tout s'est mêlé, le financier sanctionné par la DNCG, le recrutement décalé et différent, le sportif chancelant, ainsi qu'une organisation nouvelle et imparfaite à la tête du club, sinon bancale.
Quand Aulas est remercié par les actionnaires d'Eagle Football, Textor annonce un président et un directeur sportif à venir. Le président sera Santiago Cucci, et il n'y aura pas de directeur sportif. Surnagent un malentendu (Cucci va gérer le business, pas le foot), et une évidence : le patron du foot, c'est Textor, personne d'autre, qui a renoncé au directeur sportif parce que ce pouvoir lui plaît et qu'il est satisfait, sans doute, de l'influence de quelques conseillers lointains.
Dans ce paysage, Vincent Ponsot est un îlot de continuité dans une inter-saison en rupture, et il écope, jour après jour, pour éviter une transition plus agitée et désordonnée encore. Mais le manque, déjà apparu nettement sous l'ancien gouvernement, est resté le même : il n'y a pas assez de football au pouvoir dans un club qui se tenait mieux lorsque Bernard Lacombe puis Gérard Houllier avaient l'oreille d'Aulas.
La sanction de la DNCG comme bascule
Mais le moment de bascule de l'été, l'origine de presque tous les maux, est la décision prise par la DNCG, le 18 juillet, d'encadrer les transferts et la masse salariale du club lyonnais. L'idée d'un complot de Jean-Michel Aulas ne résiste pas à l'examen, ni au fonctionnement de l'instance. En revanche, des observateurs estiment que le même bilan présenté par « JMA » aurait pu être validé, parce que son passé valait caution. Même quand il ne faisait pas une vente promise, il en réalisait une autre. Traditionnellement, Aulas préparait cet examen avec Thierry Sauvage, le directeur financier.
Textor s'est probablement fait aider, à son tour, mais il a eu le tort de penser que la DNCG ne freinerait pas les investissements d'un propriétaire qui venait de racheter un club plus de 800 M€, et mésestimé le choc culturel. Il a insuffisamment écouté toutes les mises en garde dans la constitution d'un dossier qui ne respectait pas toutes les règles du jeu de la DNCG, mais il a également été jugé comme un nouveau venu dont l'instance s'est méfiée. Le point de friction reste la non-prise en compte de la future cession d'OL Reign, alors que les deux dernières ventes de franchises américaines de football féminin ont dépassé les 50 M$ et qu'une vingtaine de repreneurs ont postulé.
Depuis, l'OL est contraint de faire de l'acrobatie entre les arrivées, les départs, les ventes importantes qui ne libèrent pas de masse salariale (Castello Lukeba au RB Leipzig), par exemple, et se contorsionne pour se renforcer en restant dans les clous qui auront crucifié son été.
En évinçant Aulas avant de s'être organisé, Textor a hypothéqué le passage devant la DNCG, et donc le recrutement, qu'il avait remis en cause dès les premiers jours en remplaçant Bruno Cheyrou par Matthieu Louis-Jean. Avant de le choisir et de le faire venir seul, il avait eu un rendez-vous par visio avec Mathieu Bodmer, le directeur sportif du Havre, qui serait arrivé avec Reda Hammache, le directeur sportif du Red Star.
Blanc seul au front
L'été a été étrange à tous les niveaux. Claudio Caçapa, par exemple, a été adjoint de Laurent Blanc, puis entraîneur de Botafogo, puis entraîneur de Molenbeek, en l'espace de trois mois.
Conséquence du basculement à la tête du club et de la décision de la DNCG, Blanc est devenu un entraîneur un peu seul au monde, et sans les joueurs qu'il souhaitait. C'est la vie de tous les techniciens, mais il ne reste plus que quatre jours pour trouver le numéro 6 qu'il réclame depuis janvier. Il est devenu, aussi, un entraîneur agacé par l'annonce que Textor considérerait le Portugais Bruno Lage pour le remplacer, dès décembre prochain, à l'expiration de son contrat avec Botafogo. Cela l'a poussé à quelques sarcasmes publics sur son avenir d'entraîneur (« S'il y a un entraîneur à Lyon... », avant le match à Strasbourg, 1-2, le 13 août ; « Il faut changer l'entraîneur... », après la défaite devant Montpellier, 1-4, le 19).
Mais il n'a pas marché tout l'été, non plus, sur un champ de mines. D'abord parce que si la première idée de Textor avait été de le remplacer, il l'aurait fait immédiatement, sans état d'âme : la 3e place de l'OL sur la deuxième moitié de saison dernière a convaincu l'Américain de continuer avec lui, et le soutien massif des joueurs peut lui donner un peu de temps, encore, à condition qu'il se manifeste mieux sur le terrain. Mais Blanc a compris que l'été serait difficile avant même qu'il ne commence, et s'en est régulièrement confié à quelques amis entraîneurs de sa génération.
C'est un été, surtout, de grande solitude face à la défaite. Puisqu'il est le seul à parler, puisque personne ne monte au front pour gérer la crise, la relativiser, peut-être, et mettre la pression sur les joueurs, il personnifie la défaite. Textor ne parle pas des matches, Cucci n'a pas vocation à le faire, Louis-Jean est seulement responsable du recrutement, et Sonny Anderson, qui est encore au club avec un statut de conseiller hérité de la fin de l'ère Aulas, est probablement comme nous : il ne sait pas ce que ce titre recouvre.
Il offre, pourtant, le plus proche portrait de l'homme de foot qui pourrait incarner une certaine tradition lyonnaise, en plein virage d'une autre modernité. Mais Blanc n'est pas seulement victime de ce nouvel environnement et des limitations budgétaires : par-delà ces éléments, son OL aurait dû avoir une autre allure, et il existe toujours un décalage entre le niveau supposé de l'effectif et la réalité de ses performances.
Communication ambiguë d'Aulas
Si la transition d'une époque à une autre a été à ce point difficile, c'est d'abord en raison de la violence avec laquelle Textor a déposé Aulas, un soir de conseil d'administration d'OL Groupe, ce qui a empêché toute idée de transition douce, et balayé les trois années de cohabitation qui auraient amorti le choc. Mais, en retour, dans cet été-là, quel rôle a joué Aulas ? Il a eu d'autres rôles, ailleurs, notamment auprès de l'équipe de France féminine et du futur Championnat professionnel féminin.
Avec l'OL, il a eu du mal à s'éloigner, ou à rester neutre, entretenant parfois le fantasme sinon d'un complot, du moins d'une influence néfaste sur certains événements. Quelques ambiguïtés constatées sur les réseaux sociaux ont nourri les commentaires des supporters, comme cette récente ironie (« Qu'il demande au coach de Botafogo ») qu'il a rapidement retirée, en prétextant un piratage de son compte.
Mais face à la petite musique montante d'un ancien président qui jouerait contre son camp, et en se souvenant peut-être que son accord avec Textor inclut une clause « de non-dénigrement », il a lancé un autre message, après le très faible match nul à Nice (0-0), dimanche, évoquant « un bon point pris contre une bonne équipe de Nice » et remerciant Santiago Cucci et Sonny Anderson « d'avoir accompagné notre OL qui était en difficulté, et d'avoir créé les conditions du courage et la volonté nécessaire à ce match nul pour relancer Laurent et son groupe ! » C'est un message présidentiel qui remplit un vide, puisque personne ne vient en aide à Laurent Blanc, mais c'est aussi le signe qu'il lâche difficilement prise, après trente-six ans à la tête du club.
Et maintenant ? Et maintenant, Textor va parler, sans doute. Il pourrait prendre la parole dans les prochains jours, et donner un cap, peut-être. Depuis le début de l'été, c'est probablement ce qui manque le plus.