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Fournier-Galtier , les coulisses d'un clash
L'ex-directeur du football de Nice a expliqué mercredi que l'entraîneur du PSG n'entrerait plus « dans un vestiaire, ni en France ni en Europe » s'il dévoilait les « vraies raisons » de leur conflit au Gym. Que se cache-t-il derrière ces propos ?
La photo date du 28 juin 2021, mais elle n'a pourtant jamais aussi semblé ancienne que ce matin. On y voit Christophe Galtier, quelques heures après son intronisation au poste d'entraîneur du Gym, aux côtés de Julien Fournier, souriant, le teint hâlé, derrière les pupitres. Le directeur du football et le technicien, tout juste sacré champion de France à Lille, lancent ensemble une nouvelle ère. « Attirer le coach élu 3 fois meilleur entraîneur de L1, ça marque l'ambition.
J'en suis ravi », souffle Julien Fournier. C'est l'heure des sourires, du grand projet Ineos et des ambitions entre ces deux amis de l'époque marseillaise qui, parallèlement à leurs activités professionnelles, se retrouvent depuis des années autour de parties de paddle endiablées. L'idylle va imploser en quelques semaines. L'ère Fournier-Galtier, ponctuée par une 5e place en L1 et une finale de Coupe (0-1 contre Nantes), ne durera que onze mois. Onze mois d'incompréhension, de colères réciproques qui aboutiront aux départs des deux hommes l'été dernier.Le premier à Parme, le second au PSG. Une séparation devenue inéluctable et explosive.
Mercredi soir, sur l'antenne de RMC, Fournier a lâché une petite bombe : « Très honnêtement, si j'explique les vraies raisons pour lesquelles on s'est disputés, parce que c'est vraiment le mot, Christophe n'entrera plus dans un vestiaire, ni en France ni en Europe. »lire aussiJulien Fournier reproche des « choses graves » à Christophe GaltierInterrogé jeudi, en conférence de presse, Galtier n'a pas voulu nourrir le débat outre mesure, se contentant de petites flèches : « Il est prétentieux... Je ne suis pas surpris de la manière dont il s'est exprimé. Quand on est l'entraîneur du PSG, on a une grande exposition, je ne peux pas, je ne veux pas me fatiguer, m'épuiser. Sur la forme, je ne suis pas surpris connaissant le personnage. Voilà ce que j'ai à vous dire. »
Que cache vraiment cette rupture ? Août 2021, l'identité de l'équipe et les premiers reproches
La lune de miel professionnelle entre les deux hommes ne durera que quelques semaines à peine. La première réunion avec la cellule de recrutement tourne court. Galtier n'est pas satisfait d'une large partie de son effectif et ne manque pas d'en faire part aux salariés : « On vous a payés pour les recruter ? », chambre-t-il, amer. Un simple désaccord sportif, pense-t-on alors.La suite des réunions de recrutement se fera en tête-à-tête avec Julien Fournier et débouche sur des explications de texte particulièrement salées, qui dépassent largement le cadre sportif. Notamment courant août lorsque Galtier aurait regretté, en privé, la sociologie de son vestiaire. Avec beaucoup de jeunes, d'abord, mais surtout des profils qui ne collent pas à l'identité de la ville, aurait-il estimé alors. Galtier s'en serait ému auprès de ses dirigeants, dont Fournier, et se serait appuyé dans ses demandes sur des dialogues récents avec des supporters qui, selon lui, ne se reconnaîtraient plus dans leur équipe. « Cela fait vingt ans que Christophe dirige des équipes, il a entraîné des joueurs de toute culture, toute religion, sans aucune distinction, explique-t-on dans l'entourage de l'entraîneur parisien. Ce type de reproche est complètement faux, lunaire et d'une extrême gravité. » À l'époque, le dialogue tourne court. Fournier ne cache pas sa colère pendant plusieurs semaines. C'est la première rupture entre les deux hommes. Et elle est d'importance.
Avril, la gestion du ramadan, la rupture consommée
En mars, le conflit prend une tournure encore plus violente. Apparues dès l'été, les crispations autour du profil technique des joueurs à recruter prennent de l'épaisseur en janvier, quand Christophe Galtier ne veut pas de Billal Brahimi, le choix de Julien Fournier. Le désaccord majeur porte alors sur l'inexpérience de l'ailier angevin, alors que l'entraîneur préférait des éléments habitués à l'Europe pour atteindre ses objectifs. Un désaccord sportif presque anecdotique. Le fossé entre Galtier et Fournier, qui se sent heurté dans ses convictions personnelles, se creuse lors de la période du ramadan. Brahimi est musulman, comme Boulhendi, Atal, Todibo, Lemina, Rosario, Boudaoui et Gouiri. Le technicien est d'autant plus gêné par le ramadan qu'il tombe pendant une période de difficultés sportives (1er avril-1er mai), et des éléments comme Gouiri souffrent déjà depuis l'hiver. Galtier jugerait, comme d'autres techniciens ou spécialistes de la préparation physique, qu'un footballeur ou athlète ne peut exprimer pleinement son potentiel un jour de match en étant affaibli par une alimentation et une hydratation imparfaites.Le technicien, qui adapte des séances plus légères, essaye donc de les convaincre de ne pas jeûner pour conserver une condition physique optimale à un moment où se décide la saison du Gym, et il leur impose de venir au réfectoire avec les autres joueurs, même s'ils ne mangent pas. Cette initiative est bien acceptée par les musulmans de l'équipe, au nom de la cohésion du groupe, mais certaines démarches de l'entraîneur passent moins bien, notamment quand il demande à Hicham Boudaoui de manger avant le match contre Bordeaux (1-0, le 1er mai).Le milieu algérien a été titularisé ce jour-là et aucun autre musulman de l'équipe n'a vu décroître son temps de jeu à cause du ramadan, Gouiri gardant sa place malgré des performances en déclin.
En privé, Fournier ne décolère pas face à la manière dont Galtier appréhende le ramadan. Entre les deux hommes, par messages interposés, le ton monte. À ses supérieurs, Fournier explique que le « critère religieux » ne peut être pris en compte. Galtier repousse ce reproche et se justifie par des considérations sportives. « Dans tous les clubs où il est passé, il n'a jamais incité un joueur à ne pas faire le ramadan. Il n'a jamais sorti un joueur de la feuille de match à cause du jeûne », poursuivait-on dans son entourage jeudi soir. Très régulièrement avancé par Galtier, l'argument du ramadan n'est pas selon d'autres interlocuteurs une marque d'islamophobie mais une simple excuse afin d'expliquer les résultats décevants du Gym.
La rupture totale et le départ
Une dernière réunion houleuse se tient début avril. La finale de Coupe de France perdue et les reproches acerbes faits par le clan Galtier à Fournier au sujet du recrutement, en particulier du mercato hivernal, finissent de convaincre Ineos que ce cycle touche à sa fin. La saison se termine. Les deux hommes, qui échangent désormais par mails interposés, savent qu'ils ne repartiront pas ensemble.
Les dirigeants d'Ineos, régulièrement mis au courant des désaccords profonds, se sont mis en quête d'un technicien. Bien avant que Galtier ne soit recruté par le PSG. Fournier négocie sa sortie au 1er septembre. À Paris, l'arrivée de Luis Campos change le destin de Galtier (1). Des dirigeants parisiens (2) sont au courant du conflit avec Fournier et des reproches liés notamment à la gestion du ramadan. Et se renseignent directement auprès de certains relais niçois. Ils ne perçoivent pas cela alors comme rédhibitoire et recrutent le technicien.(1) Sollicité, Galtier n'a pas répondu à nos messages.(2) Hier soir, le PSG nous indiquait que Nasser al-Khelaïfi n'avait jamais eu de conversation à ce sujet.
L'Equipe