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Droit au divorce
Ces dernières semaines, la relation
entre Jorge Sampaoli et ses dirigeants s’était tendue. Jusqu’au point de non-retour.
Quand l’entraînement prévu dans la mati- née d’hier a été décalé sans préavis, ils ont vite été nombreux à se poser la question de l’avenir de Jorge Sampaoli, hier, dans les couloirs de la Commanderie. L’entraîneur argentin n’était pas là pour diriger la sé- ance et la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre: Pablo Longoria en personne a prévenu ses joueurs cadres, tout le vestiaire a été mis au courant dans la foulée et l’OM a officialisé la nouvelle dès le début de l’après-midi. Seize mois après son arrivée en Provence, en mars2021, et un peu plus d’un mois après une qualification directe en Ligue des champions grâce à la deuxième place en Ligue 1, le « Pelado » quitte l’OM dès le début de l’été. L’affaire a fait du bruit, forcément, puisque l’Argentin était rentré de ses vacances au Brésil le week-end dernier et qu’il avait retrouvé le chemin du centre Robert-Louis-Dreyfus lundi, puis ses joueurs mercredi, semblant déjà se pencher vers la nouvelle saison. Mais ce n’était qu’un trompe-l’œil, en vé- rité, et plusieurs indices avaient montré des zones de friction, ces dernières semaines, entre le coach et ses dirigeants.
Sampaoli ne voulait pas participer à la Ligue
des champions pour y faire de la figuration
Tout le monde n’est en effet pas tombé de sa chaise, dans les bureaux du club, en ap- prenant le départ de l’entraîneur.
Et dans le vestiaire non plus, où les sujets de discorde entre Longoria et Sampaoli n’étaient un se- cret pour personne, à commencer par la gestion du temps de jeu d’Arkadiusz Milik, que le président marseillais n’ajamais vraiment comprise. À ce sujet, la tension était encore montée entre les deux hommes à la mi-mai, au lendemain de Rennes-OM (2-0), un soir où le Polonais avait passé près de quarante-cinq minutes à s’échauffer sans jamais entrer en jeu. À l’époque déjà, certains agents évoquaient la possibilité d’un départ de l’Argentin et le fait que Lon- goria prospectait pour un éventuel rempla- çant, mais les rumeurs s’étaient calmées après la belle soirée du Vélodrome face à Strasbourg (4-0, le 21mai), quand les Mar- seillais avaient validé leur qualification en C1 dans l’euphorie des tribunes. Sampaoli, déjà, avait prévenu plusieurs fois en interne et autant de fois devant les médias : il ne voulait pas participer à la Ligue des cham- pions pour y faire de la figuration, mais pour gagner des matches et jouer les outsiders. Il voulait des renforts, des joueurs aguerris, des profils qui correspondent à son style de jeu et à sa philosophie de travail. Et, dans l’entourage de l’Argentin, on s’est étonné de voir dans les médias que le club voulait vite prolonger le contrat de son entraîneur, ce qu’il a vécu comme une façon de lui mettre la pression.
Parti en vacances au Brésil au surlende-
main de la dernière journée, Sampaoli a continué à observer de près les affaires marseillaises, guettant les premières re-
crues avec impatience. Il savait les moyens
limités pour le mercato et il n’appréciait pas
de se retrouver propulsé en tête du projet
dans la communication de son président.
Alors qu’il était freiné par l’attente de la dé- u cision de la DNCG, ce dernier s’est envolé
au Brésil avec Javier Ribalta.
Les discussions ont été courtoises, Lon- goria a dit sa confiance quant au verdict at- tendu de l’instance de contrôle des finan- ces, le profil des recrues a été évoqué et le président a expliqué que c’était « un marché d’attente », qui se débloquerait plus sûre- ment dans le courant du mois d’août que début juillet. Sampaoli n’envisage pas son été dans le même timing: il voudrait avoir la quasi-totalité de son effectif à disposition pour la mi-juillet, afin d’avoir le temps de huiler ses automatismes tactiques.
Dès lors, les chemins semblent s’écar- ter inexorablement entre la vision du prési- dent, contraint par les exigences de son ac- tionnaire et par la réalité du marché, et celle de son entraîneur, très ambitieux pour la Ligue des champions, et qui commence à réclamer des profils inaccessibles pour le club. Il évoque les noms d’Antoine Griez- mann, qui touche 1,8 M€ brut mensuels à l’Atlético, ou de Renato Sanches, courtisé notamment par le PSG. Des objectifs com- plètement irréalisables pour les dirigeants marseillais, qui comprennent qu’ils vont sans doute devoir trouver un nouvel entraî- neur plus tôt que prévu. De son côté, Sam- paoli s’interroge et le fait savoir, jouant lui aussi une carte dans la bataille de commu- nication via le journal espagnol As.
“C’était la meilleure décision de nous séparer''
PABLO LONGORIA, PRÉSIDENT DE L’OM
Longoria, qui a déjà quelques idées pour le successeur de son coach, ne s’affole pas. Le divorce est de plus en plus proche, et il le sera davantage encore lundi dernier, au re- tour de Sampaoli à la Commanderie. L’Ar- gentin signale à son dirigeant qu’il ne veut plus travailler avec Milik, alors que Longo- ria compte sur lui. Et il répète ses exigences sur le mercato et ses inquiétudes sur le ti- ming. D’un commun accord, les deux camps estiment que le mieux est encore d’en rester là, et les discussions entre les deux hommes, toujours teintées de res- pect, sont fluides. « Nos conversations ont été sincères, franches, et on a pris acte que c’était la meilleure décision de nous séparer, expliquait Longoria en conférence de presse, hier. Un accord a vite été trouvé sur le montant de l’indemnité, Sampaoli re- nonçant à une grande partie de sa dernière année de contrat.
Nerveux depuis son retour, l’Argentin est apparu soulagé après avoir acté son dé- part, lui qui ne se sentait pas de disputer la Ligue des champions avec une équipe trop juste à ses yeux. Longoria, de son côté, tourne la page d’une collaboration efficace sportivement avec son entraîneur mais parfois éprouvante pour lui, comme quand il jouait les tampons entre le coach et les joueurs sur les cas Mandanda ou Milik, par exemple. Avec son caractère imprévisible et son fort tempérament, Sampaoli aurait pu claquer la porte à la veille de la reprise du Championnat et les dirigeants ont pré- féré anticiper. Ils avaient déjà noué des con- tacts avec Igor Tudor, leur premier choix pour succéder à l’Argentin, un jeune entraî- neur plein d’ambition et d’appétit dont ceux qui le connaissent évoquent tous le fort ca- ractère.