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Sampaoli, les limites du système Le coup de la panne... physique
Qu'auraient dit les supporters de l'OM si, un soir de quart de finale de coupe de France, Rudi Garcia avait aligné un défenseur central tel que William Saliba sur le côté droit d'une arrière-garde à quatre (avec Duje Caleta Car, Leonardo Balerdi et Luan Peres), comme l'a fait Jorge Sampaoli à Nice, le 9 février (4-1) ? Quelle aurait été leur réaction si André Villas-Boas avait transformé un milieu de terrain défensif du profil de Pape Gueye en ailier gauche, à la manière de l'Argentin à Istanbul, le 25 novembre (4-2) ? Et, surtout, auraient-ils toléré qu'Élie Baup ou José Anigo laissent un artificier du calibre d'Arkadiusz Milik ronger son frein sur le banc pendant 84 minutes en demi-finale aller d'une coupe d'Europe (ce fut le cas à Rotterdam) ou ne le fassent carrément pas entrer lors d'une 37e journée de Ligue 1 décisive dans la course à la qualification en Ligue des champions ? L'apothéose d'une gestion chaotique du Polonais qui a forcément eu des répercussions sur la saison.
La fixation sur la possession, c'est bien beau mais...
Présenté comme un entraîneur qui "va droit au but" (Adil Rami dans La Provence du 22 février 2021), El Pelado a apporté un style et une philosophie. Personne ne pourra lui enlever ça. Mais il y a erreur sur le contenu du produit vanté lors de sa signature. Bien loin de l'intensité et de la folie offensive prônées par son mentor Marcelo Bielsa, le natif de Casilda a établi depuis un an un projet de jeu basé sur la possession, la construction et non la finition.
Oubliez le jeu direct, les ballons envoyés très vite sur l'attaquant de pointe chargé de conclure les actions ou de servir de point de fixation pour libérer des espaces à ses partenaires. Avec "Sampa", le cuir part de bas, tourne entre les lignes, progresse petit à petit jusqu'à la surface adverse et va de pied en pied, à la manière d'une passe à dix. C'est beau quand ça fonctionne et que ses hommes le monopolisent, comme lorsqu'ils ont donné une leçon à Lens (0-2) en janvier. Ça exaspère lorsque ça déraille et qu'il y a des bugs malheureusement inévitables. C'est trop souvent le cas ces derniers temps.
Pour contrer les plans du Sud-Américain, Arne Slot, le coach de Feyenoord, n'a pas eu besoin de trop réfléchir. Les appels en profondeur de ses éléments offensifs ont suffi à faire plier une arrière-garde marseillaise balourde lorsqu'elle subit. L'OL ne s'y est pas pris autrement, à l'aller comme au retour. Idem pour Rennes, samedi. "C'est un mal récurrent : quand on n'arrive pas à imposer notre jeu, cela génère une forme de désordre dont l'adversaire profite pour nous faire mal", a justement soufflé Sampaoli avant-hier. Lucide à ce moment-là de la conférence de presse, le Sud-Américain l'avait en revanche un peu moins été quelques instants plus tôt. "À ce stade-ci (de la saison), on n'a pas beaucoup de variantes pour changer nos plans", disait-il.
L'option Milik se présentait pourtant à lui. Il ne s'est même pas penché dessus et n'a fait entrer Bamba Dieng qu'après l'heure de jeu. Avec Jorge Sampaoli, l'OM est devenu un "FC sans neuf". À ses risques et périls. "Oui, peut-être que moi aussi j'ai une part de responsabilité dans ce qui s'est passé", reconnaissait-il face aux journalistes. Faute avouée à moitié pardonnée par les amoureux de l'Olympique ? Tout dépendra inévitablement de l'issue de la 38e journée.
55. Samedi, à Rennes (0-2), l'OM a disputé son 55e match de la saison, toutes compétitions confondues (*) et toutes jouées sans vraiment penser au lendemain, avec la simple envie d'aller au bout. Un total colossal pour un effectif qui n'était pas vraiment taillé pour un exercice aussi touffu et qui tire la langue depuis quelque temps, déjà. Jorge Sampaoli a beau louer le travail de Pablo Fernandez, "l'un des meilleurs préparateurs physiques du monde", ses joueurs manquent terriblement d'essence que l'envie ne permet pas toujours de compenser.
Contre un adversaire aussi faible que Lorient (3-0), ça suffit pour forcer la décision. Face à Rennes, qui a disputé neuf matches de moins (46), ça ne pardonne pas, quand bien même Jorge Sampaoli a disposé de davantage de temps que Bruno Genesio pour régénérer son groupe, les Rennais jouant (et s'inclinant) trois jours plus tôt à Nantes.
Mattéo Guendouzi incarne le meilleur exemple de ce contrecoup physique. Sampaoli a fait appel à lui plus qu'à quiconque (54 apparitions) et le milieu, qui a également joué quelques minutes avec les Bleus, ne parvient pas à trouver un second souffle dans ce sprint final traversé en apnée. Plus globalement, El Pelado se cogne sur l'étroitesse de son effectif, qu'il rappelle souvent.
Outre les gardiens et les jeunes, ces derniers faisant seulement de la figuration, le technicien argentin a fait appel à 20 joueurs de champ, cette saison. Et encore, on y inclut Alvaro Gonzalez (11 apparitions), Sead Kolasinac (16), Cédric Bakambu (20), Konrad De La Fuente (22), Leonardo Balerdi (24) ou Luis Henrique (24) qui n'ont même pas pris part à la moitié de ce programme gargantuesque. Cela signifie que 14 joueurs ont disputé la plupart des matches, souvent tous les trois jours, parfois dans des contrées lointaines à l'occasion de longs déplacements en coupes d'Europe (Russie, Turquie, Azerbaïdjan). Un rythme infernal accentué par les blessures des uns et des autres qui ont encore plus réduit la marge de manoeuvre de Sampaoli. Surtout quand celle-ci frappe Dimitri Payet, le maître à jouer de l'équipe.
Samedi, à l'occasion de la venue de Strasbourg pour le baisser de rideau de la saison, l'OM disputera donc sa 56e rencontre. "Malgré un effectif court, Pablo Fernandez a réussi à ce qu'on soit compétitif durant toute la saison, le mérite lui revient", lâchait Sampaoli avant le voyage à Rennes. À Fernandez de faire de nouveaux miracles. Et aux joueurs de montrer, dans un Vélodrome en fusion, que le foot n'est pas seulement une question de physique. Malgré la fatigue.
* 37 en championnat, 6 en Ligue Europa, 8 en Ligue Conférence, 4 en coupe de France.
La Provence