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Les incessants changements tactiques de Sampaoli déboussolent les joueurs de l'OM
Boulimique de changements, notamment de systèmes, Jorge Sampaoli, l'entraîneur de Marseille, a fini par créer lui-même les conditions de l'instabilité qui pèse sur le jeu de l'OM.
La Coupe d'Europe jeudi, et ce huitième de finale aller de la Ligue Europa Conférence contre le FC Bâle (21 h), sera-t-elle encore le terrain des expérimentations de Jorge Sampaoli ? C'est possible, car le bouillonnant coach argentin aligne rarement deux fois la même équipe, voire le même système cette saison. En Ligue 1, l'instabilité chronique et assumée d'« el Pelado » (le chauve) a fini par fragiliser les Marseillais, qui viennent de prendre un point en trois matches.
Beaucoup de systèmes, peu de repères
Il est au moins une chose qu'on ne reprochera jamais à Sampaoli, c'est d'être un entraîneur figé sur ses idées. Si nous ne pouvons pas dire qu'il change de système de jeu comme de chemise, c'est simplement parce qu'il préfère les survêtements : depuis le début de la saison, au fil des 39 rencontres disputées par l'OM, il a essayé pas moins de quatorze schémas différents. Cela fait beaucoup quand on veut développer des automatismes et donner des certitudes à ses joueurs.
Un peu déboussolés et aussi plus émoussés qu'en début de saison, ceux-ci doivent s'adapter, quand ils ne doivent pas carrément découvrir un poste qui n'est pas le leur - on se souvient de Pape Gueye milieu offensif gauche à Galatasaray, ou de William Saliba latéral droit à Nice.
Il arrive à l'Argentin de reconduire la même équipe d'un match à l'autre, mais c'est rare. Cela ne s'est produit que quatre fois cette saison, pour des résultats mitigés, d'ailleurs (deux nuls, deux défaites). Pendant les premiers mois de compétition, il s'appuyait sur une défense à trois, souvent composée de Saliba, Leonardo Balerdi et Luan Peres. Le reste était fluctuant, entre le 3-2-4-1 du mois d'août avec deux récupérateurs, ou le 3-3-3-1 avec Boubacar Kamara en six, ou même le 3-4-1-2 avec Valentin Rongier numéro 10, à Lille début octobre (0-2). Latéral droit hybride, six, milieu offensif : l'ancien Nantais est d'ailleurs sans doute le joueur à avoir été le plus ballotté cette saison.
Au fil de l'automne, avec le passage à quatre derrière, Sampaoli semblait avoir trouvé une solidité défensive. Le bloc marseillais savait attendre et subir, à l'image de ce 5-4-1 sorti à Strasbourg, en décembre (2-0). Mais il a peu à peu perdu son imperméabilité, pendant que Sampaoli se creusait la tête pour tenter de faire coexister Dimitri Payet et Arkadiusz Milik devant. Il y a un temps renoncé - s'achetant des problèmes pour pas grand-chose avec le Polonais - en optant pour un 4-1-4-1 où Payet a régulièrement joué en faux neuf.
Puis il a tenté avec succès un 4-4-2 en losange, contre Angers début février (5-2), un soir où Milik, de retour, a réussi un triplé. Un système trop vite abandonné pour revenir à un 4-3-3, avant d'être réhabilité, sous une forme encore un peu différente, dimanche contre Monaco, sans réussite cette fois (0-1). Tout cela contribue à entretenir un flou artistique.
Une animation offensive qui en pâtit
S'il n'invente pas quelque chose, Sampaoli doit être malheureux, mais ses expérimentations ont une incidence sur le jeu offensif. Et c'est finalement Milik qui a le mieux résumé la situation après la défaite face à Monaco : « On n'a pas eu de grosse occasion, et le problème ne date pas d'aujourd'hui [...]. J'étais content d'être titulaire ce soir, mais on a manqué beaucoup de choses, ce n'était pas facile non plus de jouer sans ailier [...]. Après, on change de système souvent, on a joué en 4-3-3 contre Clermont (0-2 le 20 février), là en 4-4-2. Sur les deux derniers matches, je n'avais pas joué, et pour moi le rythme est très important, je me sens mieux quand je joue plus. »
L'OM reste sur un but marqué en trois rencontres de L1, un penalty de Payet à Troyes (1-1 le 27 février). Devant, ça ronronne, à l'image de la première mi-temps face à Monaco dimanche, dominée mais sans beaucoup d'occasions franches. Dans l'Aube, avec Payet vraiment en faux neuf puisqu'il n'était jamais dans l'axe ou presque, les Marseillais ont tutoyé le néant. Mais ça n'a pas été beaucoup plus flamboyant avec Milik contre Clermont, ni face à l'ASM.
L'entraîneur argentin travaille peu l'animation offensive, encourageant seulement ses joueurs à attaquer la zone avec conviction, ce que fait bien parfois Mattéo Guendouzi, et à faire preuve de créativité devant. Il a beaucoup misé sur celle de Payet mais, quand le Réunionnais est moins en forme, le jeu marseillais manque d'alternatives et de dédoublement sur les côtés.
L'axe agit comme un entonnoir, c'est le problème quand on évolue avec des joueurs axiaux sur les côtés (Bamba Dieng parfois à gauche) ou des ailiers sur leurs faux pieds (Cengiz Ünder souvent à droite). Si en plus les latéraux n'en sont pas vraiment (Rongier à droite, Luan Peres à gauche), la variété du jeu s'en ressent et la qualité des centres aussi. L'OM est finalement devenue une équipe bien plus prévisible que son entraîneur.