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Comment le management de Jorge Sampaoli a fragilisé le vestiaire de l'OM
Par ses choix et son management, Jorge Sampaoli peut désarçonner ses joueurs et en braquer d'autres. Si l'Argentin compte encore des fidèles, l'équilibre du vestiaire de l'OM semble fragile.
L'OM est encore deuxième de Ligue 1, qualifié en huitièmes de finale de la Ligue Europa Conférence, et c'est sûrement le meilleur pare-feu pour Jorge Sampaoli, au moment où tout va se jouer dans les prochaines semaines. Le reste est toujours sujet à discussions, y compris en interne, de ses compositions d'équipes à sa gestion humaine, en passant par le contenu assez léger du travail offensif aux entraînements. Chez certains joueurs commence même à germer l'idée de convoquer une réunion avec leur entraîneur, pour amorcer le dialogue et poser certains sujets tactiques sur la table.
Le technicien argentin, sûr de ses convictions, avance et ne s'embarrasse pas jusqu'à présent des états d'âme des uns et des autres. Plutôt chaleureux et ouvert avec certains de ses hommes au quotidien, il peut être beaucoup plus distant et fermé avec d'autres. Mais les jours de match, il sait se montrer pragmatique et ne laisse pas grand monde sur le bord de la route non plus, sauf peut-être Amine Harit, plus titularisé depuis presque deux mois. Le temps de jeu du Marocain est famélique (515 minutes en 13 matches de L1). S'il profite des douceurs de la côte, de Marseille à Monaco, il ne se sent plus dans le projet et a compris que son prêt sec en provenance de Schalke 04 sera sans lendemain.
Chez les indésirables de Sampaoli, Alvaro Gonzalez, lui, a rejoué et était même titulaire en C4 à l'aller contre Karabagh (3-1). Et pourtant, entre lui et son entraîneur le torchon brûle depuis plusieurs mois. Poussé dehors au mercato d'hiver, Alvaro est resté et a exprimé une petite partie du fond de sa pensée dans la presse ibérique, ce qui a contrarié ses dirigeants mais ne l'a pas encore condamné définitivement. Entre l'Espagnol et son coach, le dégel sera compliqué voire impossible.
Et Alvaro a des amis dans le vestiaire, dont Leonardo Balerdi ou Pol Lirola, hispanophones comme lui, et parfois circonspects, comme lui, sur les choix de leur entraîneur. Avec Arkadiusz Milik, qui habite dans le même immeuble que le défenseur central, les sujets de discussion en commun ne manquent pas non plus.
Longoria dans l'embarras
L'obstination de Sampaoli à se priver du Polonais est un axe de crispation majeur au club. À Troyes (1-1, dimanche), pas grand monde n'a compris pourquoi « el Pelado » s'est encore privé de l'avant-centre, qui aurait fait un point de fixation idéal pour les ailiers marseillais face à une défense troyenne très dense.
Le peu de confiance placée en Milik embarrasse jusqu'à Pablo Longoria. Le président olympien s'est démené pour arriver à le faire signer à l'hiver 2021. Il lui a rappelé souvent ces derniers mois qu'il était un joueur important et que le club comptait sur lui. Mais pris entre deux feux, avec d'un côté un entraîneur qui reste le patron du sportif, et d'un autre un joueur et un entourage qui s'impatientent, le dirigeant peine à aplanir les tensions.
Milik, lui, se plaît à Marseille et rêve de Ligue des champions la saison prochaine, mais une cohabitation avec Sampaoli semble intenable sur le long terme si la situation ne s'arrange pas. L'attaquant continue de marquer (16 buts toutes compétitions confondues) quand il a du temps de jeu, mais il le fait surtout pour que les clubs européens ne l'oublient pas et aussi par orgueil. Le même qui anime Steve Mandanda, titulaire deux fois contre Karabagh et auteur de deux bonnes prestations. La gestion du cas de l'international français, voix respectée - notamment par Valentin Rongier, Boubacar Kamara, Mattéo Guendouzi ou Pape Gueye, par exemple - d'un vestiaire qu'il fréquente depuis quinze ans, continue de laisser des traces : les joueurs apprécient Pau Lopez humainement, mais certains n'ont pas vraiment compris le manque de transparence vis-à-vis de l'ex-capitaine, relégué numéro deux sans que personne ne le lui dise jamais clairement. Lui a mal vécu l'affaire, évidemment, et surtout l'absence d'explications de la part de son entraîneur, qui continue publiquement de parler d'une concurrence qui n'existe pas dans les faits entre les deux gardiens.
Gerson ménagé par le technicien argentin
Les rangs des joueurs dubitatifs grossissent, y compris chez les nouveaux venus. D'autres font le job sans arrière-pensées comme Kamara, dont les jours au club sont comptés ou Duje Caleta-Car, que l'OM essaye de vendre à chaque mercato. Mais l'entraîneur marseillais compte encore des fidèles dans son effectif, généralement ceux qui jouent beaucoup, avec lesquels il communique souvent et qu'il sait flatter publiquement. Dimitri Payet, même exilé à gauche de temps en temps, en fait partie. Le capitaine marseillais, qui s'était coupé de Rudi Garcia et d'André Villas-Boas en goûtant au banc, aime se sentir indispensable aux yeux de ses entraîneurs. Et Sampaoli a compris son mode de fonctionnement.
Dans le sillage du Réunionnais, Mattéo Guendouzi revit à l'OM et concède se trouver dans la meilleure période de sa carrière. Cela se voit dans l'importance qu'il a prise dans le groupe et l'efficacité qu'il montre sur le terrain. William Saliba, Pau Lopez, Luan Peres, Bamba Dieng ou Gerson - des joueurs que le staff adore - n'ont pas à se plaindre aussi en termes de temps de jeu. Le milieu brésilien, recruté pour 22 M€ l'été dernier, a pu s'émouvoir un temps de son utilisation, parfois directement auprès de son coach. Sampaoli, aujourd'hui, fait tout pour ne pas le froisser, ce qui ne manque pas d'interpeller dans le groupe.
L'entraîneur argentin est-il capable, dans la dernière ligne droite, de fédérer autour de sa personne pour que le club phocéen aille chercher une qualification en C1, voire un titre européen ? Il y a encore quelques semaines, après une victoire historique à Bordeaux (1-0) et une autre une très convaincante à Lens (2-0), la question semblait déplacée. Mais plusieurs contre-performances à Lyon (1-2), face à des mal classés du Championnat ou en Coupe de France à Nice (1-4) ont jeté comme un doute. Y compris chez ses joueurs.
L'Equipe