Information
Sampaoli, un air de famille; Le futur entraîneur de l'OM , qui a trouvé un accord avec l'Atlético Mineiro et pourrait arriver dimanche, est un écorché vif au parcours atypique et biberonné aux préceptes de Bielsa
Un physique de videur de boîte de nuit bodybuildé et tatoué ; une gueule qui ne passe pas inaperçue et ne laisse pas indifférent ; des coups de sang incontrôlables devenus célèbres, souvent malgré lui. L'éruptif Jorge Luis Sampaoli Moya est tout ça à la fois. Mais bien plus encore. Le futur entraîneur de l'OM, 60 ans, est avant tout un amoureux du ballon rond auquel il a voué son existence, quitte à se laisser dévorer par cette passion incandescente, jusqu'à oublier les siens. Son premier mariage en a fait les frais. "Le foot est toute sa vie et l'est toujours aujourd'hui", déroule Pablo Pavan. Avant de devenir son biographe, le journaliste a connu Sampaoli quand il était haut comme trois pommes. "Nous habitions à 50 mètres, j'ai le même âge que ses enfants les plus âgés", pose Pavan.
À l'époque, le natif de Casilda, à l'ouest de Rosario, ne promène pas la même carrure. Ses habits sont amples, ses lunettes sérieuses et ses rêves de devenir footballeur pro se sont évanouis dans le fracas des blessures, au tibia et au péroné. L'aventure dans les équipes de jeunes de Newell's Old Boys tourne court. "Là, il a joué dans des ligues amateurs et s'est consacré à sa formation pour devenir entraîneur pro", raconte Pavan. Personne ne croit en lui, Sampaoli coache dans les divisions argentines inférieures. Jusqu'à ce qu'en 2002, un club péruvien en proie à des difficultés sportives et financières, Juan Aurich, lui tende la main. Comme un cadeau tombé du ciel, il accepte pour un salaire modique malgré le scepticisme de sa mère, Odila, inquiète de le voir traverser le continent. Les débuts sont loin d'être idylliques ; il débarque dans l'anonymat, avec une mission limpide : "Mettre de l'ordre dans l'équipe", selon l'agent à l'origine de sa venue, Guillermo Cuellar.
"Le genre de club qui me plaît"
La carrière de Sampaoli décolle petit à petit, il enchaîne les postes au Pérou, toujours avec des rémunérations maigrichonnes (2 000 dollars sans bonus à Sport Boys Callao, en 2002-03). Mais sans jamais se départir d'une implication totale, presque maladive. En pleine nuit, il n'hésite pas à tambouriner à la porte de ses poulains. "Un jour, il a frappé à la porte de ses joueurs à 4 h du matin pour leur parler d'une tactique à laquelle il avait pensé", se pince encore Miguel Villegas, journaliste à El Comercio, le plus important et le plus vieux quotidien du Pérou.
"Il était obsessionnel, avec une ambition très saine, c'était un Bielsista", dira de lui un jour "Kiko" Mandriotti, l'homme qui l'avait recommandé à Juan Aurich. Bielsa : le nom est lâché. Il résonne d'une manière particulière dans l'esprit de Sampaoli et pas seulement parce que les deux hommes ont le Newell's dans la peau. Lors de ses footings, le disciple s'injecte les conférences de presse de celui qu'il considère comme son maître à penser. Auparavant, Sampaoli n'hésitait pas à espionner les séances concoctées par l'ancien entraîneur de l'OM.
"J'épiais ses entraînements. Je passais au moins 14 h par jour à penser à lui, à observer des vidéos des matches de ses équipes", avouait-il lors du Mondial 2014. "Ils ont la même passion pour le jeu offensif, décrypte Pablo Pavan. L'un comme l'autre veulent que leurs hommes jouent comme ils le faisaient quand ils étaient enfants, avec cette ambition de gagner sans crainte ni inquiétude." Ce discours trouve un écho partout où il passe, même si les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous. Il accouche d'un jeu offensif, ambitieux, hargneux, dépourvu de calcul. "Il nous demandait d'être positionnés haut, de harceler les adversaires, de ne pas les laisser jouer, de les épuiser, de tenter, de tirer", égrène Adil Rami (*) qui l'a côtoyé pour son unique aventure loin d'Amérique du Sud, au Séville FC, en 2016-17. Une expérience moins risquée que celle qui l'attend à l'OM, qu'il prend en route, dans un pays dont il ignore la langue et la culture.
Même s'il a une idée assez précise de ce qui l'attend. "C'est le genre de club qui me plaît, lâchait-il à So Foot en 2016. Des clubs comme Marseille ou Galatasaray qui ont ce soutien, cette clameur populaire et qui font que si tu gagnes quelque chose, la ville explose. Ce serait extraordinaire de pouvoir apporter la joie que ces villes méritent, en retour à ce qu'elles donnent au football. L'idée serait aussi de donner un style de jeu qui convienne à ce soutien populaire, comme l'a fait Bielsa : il faut que le spectacle reste incrusté dans la rétine de chaque citoyen. (...) L'idée, c'est de changer l'histoire de l'endroit où tu vas. Si tu ne vas pas quelque part avec cette envie, faire ce métier a peu d'intérêt."
Cet écorché vif, capable de se faire expulser pour s'en être pris à un arbitre ou d'insulter un policier alors qu'il se trouve en état d'ébriété, continue son chemin loin des compatriotes qui ne lui pardonnent pas son Mondial 2018 raté. Prochaine étape de cet exil, l'OM, fort de ses expériences passées. "À Juan Aurich, il a formé son caractère. À Sport Boys, il a vraiment été mis à l'épreuve du professionnalisme. Emelec l'a fait se battre pour un titre. L'Universidad du Chili l'a consacré. Avec la sélection chilienne, il a réussi à remporter un titre historique (la Copa America 2015). Séville a été un saut vers l'Europe ; l'Argentine, un rêve. Et les deux équipes du Brésil ont changé leur façon de jouer dans ce pays", synthétise Pavan qui omet les critiques et les doutes qui escortent ses pas depuis la fin tumultueuse avec l'Albiceleste. "Je n'écoute pas et j'avance", est-il encré sur l'un des bras du futur entraîneur de l'OM qui ne doute de rien.
(*) La Provence