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SAMPAOLI L’OMBRE DES DOUTES
Les désillusions de l’OM à Lyon, en Championnat, et à Nice, en Coupe de France, ont accentué les interrogations sur les choix et le management de l’entraîneur marseillais, qui conserve toujours une cote de popularité élevée. BAPTISTE CHAUMIER et MéLISANDE GOMEZ
Jorge Sampaoli l’assure : il ne lit rien de ce qui s’écrit sur lui, ni les éloges, ni les critiques. Mais d’autres s’en chargent pour lui, résumés fournis à l’appui. Le technicien argentin le sait, ses choix et son management interrogent depuis quelques semaines et les gifles reçues à Lyon (1-2), le 1er février, en Ligue 1, et à Nice (1-4), mercredi, en Coupe de France, ont accentué les doutes. Mais il reste fidèle à sa philosophie jusqu’à présent, persuadé que le temps joue pour lui, et continue de promener son caractère solaire à la Commanderie, où il n’hésite pas à écouter la Cumbia 420 de Perro Primo à fond.
Revenus à la deuxième place de Ligue 1, au prix d’un match haletant et d’un renversement de situation face à Angers (5-2), le 4 février, ses joueurs attaquent un enchaînement de rencontres à priori abordables en Championnat (Metz, ce soir, puis Clermont et Troyes). C’est le moment de la saison où tout peut encore basculer du bon côté, ou dévisser.
Résultats
Un OM fort avec les faibles
Il entraîne l’OM, il ne gagne presque jamais contre les gros bras du Championnat et il invente parfois des systèmes tactiques baroques. Il ne s’agit pas de Rudi Garcia, si souvent décrié pour ses loupés dans les chocs, mais bien de Jorge Sampaoli (61 ans). Le technicien argentin, lui, a encore la carte, même si son bilan face à ses concurrents directs est défavorable (défaites face à Lille et Lyon, nuls contre Nice et Paris en supériorité numérique et parcours raté en Ligue Europa) et ses expérimentations, dont la dernière en date à Nice (1-4), en Coupe de France, ont souvent été sanctionnées. Et s’il a timidement concédé en conférence de presse, vendredi, qu’il aurait pu utiliser Pol Lirola, un spécialiste du poste, dans le couloir droit, plutôt que le défenseur central William Saliba, face aux Aiglons, il reste persuadé de la pertinence de ses choix.
Ce n’est pas la première fois cette saison que le « Pelado » se lance dans des compositions d’équipe inédites. Il avait ainsi aligné Pape Gueye et Mattéo Guendouzi dans les couloirs du milieu de terrain pour un match couperet à Galatasaray (2-4), en Ligue Europa. C’est une des bases de sa méthode : ses joueurs doivent être capables de s’adapter à plusieurs postes d’un match à l’autre ou au cours d’une même rencontre. Certains s’en sortent plutôt bien jusque-là, à l’image de Valentin Rongier, qui a souvent occupé le flanc droit de la défense ces derniers mois. D’autres ont (eu) plus de mal, comme Alvaro Gonzalez, jugé trop imprécis techniquement, ou Jordan Amavi, qui a été décrété inapte à cette méthode et s’est vu indiquer la sortie huit mois après avoir pourtant prolongé son contrat.
Vestiaire
Une gestion qui interroge
Cinq mois sont passés et tout le monde s’est habitué à la silhouette de Pau Lopez dans le but marseillais. Mais la gestion du cas Steve Mandanda est sans doute la plus emblématique du management de Sampaoli, qui ne s’embarrasse pas du passé quand il a une idée derrière la tête.
L’Argentin n’a pas pris de pincettes quand il a décidé que le « Fenomeno » avait fait son temps : ce jour-là, à Monaco (2-0, le 11 septembre), Mandanda a appris qu’il serait remplaçant à quelques heures du coup d’envoi, sans explication, alors qu’il avait débuté la saison comme titulaire et qu’il restait sur son meilleur match de l’été, contre Saint-Étienne (3-1).
À l’époque, Sampaoli explique qu’il a deux numéros 1 et qu’il décidera à chaque match du gardien titulaire, en fonction des états de forme et du ressenti du staff. Depuis, il répond à peu près la même chose sur le sujet, mais les faits racontent une autre hiérarchie, clairement établie, puisque Mandanda n’a même pas joué les derniers matches de Coupe de France.
Que Sampaoli choisisse Pau Lopez relève évidemment de son rôle d’entraîneur, et le niveau de l’Espagnol ne lui a pas donné tort. Mais, en interne, certains estiment que Mandanda méritait le respect et la transparence, plutôt que ce discours ambigu, renforcé par l’attitude parfois fuyante de Jon Pascua, l’entraîneur des gardiens. Autre déclassé, Alvaro Gonzalez n’a pas vraiment digéré non plus la courbe de sa carrière marseillaise, ni reçu d’explications pour justifier son abonnement au banc de touche.
Prolongé en mai jusqu’en 2024, le défenseur central avait accepté un report d’une partie de son salaire fin août pour permettre la signature d’Amine Harit. Il n’a pas commencé un match de L1 depuis deux mois et demi. « Je ne sais pas de quoi je suis victime », disait-il hier dans une interview au quotidien madrilène As (voir par ailleurs). Cadre un jour, remplaçant le lendemain : Sampaoli fait peu de cas des statuts, ce qui peut être un atout. Mais cela peut aussi déstabiliser certains joueurs, qui se sentent « fragilisés » par cette gestion. Même Arkadiusz Milik, dont le CV le place parmi les meilleurs avants-centres de L1, a goûté au banc de touche. Mais, dans son cas, le problème était aussi tactique.
Jeu
Des limites dans l’animation offensive
À l’OM, les entraîneurs se suivent et les constats restent, comme celui d’une dépendance énorme à Dimitri Payet dans l’animation offensive. Les inspirations du Réunionnais ont permis à l’équipe de gagner des matches et de s’installer dans le bon wagon, en Ligue 1, mais elles ne masquent pas tout. Arrivé avec l’étiquette d’un entraîneur offensif qui aime que ses équipes fassent le jeu, Sampaoli a su s’adapter au Championnat de France et à ses transitions rapides. Secoué par Lens fin septembre au Vélodrome (2-3), il a insisté auprès de ses joueurs sur la nécessité de contrôler le jeu et, donc, la possession. À l’entraînement, les joueurs s’adonnent donc à des séances entières dédiées aux sorties de balle depuis l’arrière. Sa priorité : sécuriser les transmissions pour ne pas s’exposer à des pertes de balle trop près de son camp. Les gammes sont répétées avec, souvent, dans le rôle de l’adversaire, des jeunes du centre de formation qui n’offrent pas la même résistance que les pros, le week-end en L1.
La construction basse est un aspect capital, bien sûr, mais pas forcément suffisant, et certains joueurs s’étonnent du peu de travail sur l’animation et les combinaisons dans les 30 derniers mètres. Pour Sampaoli, le tiers haut du terrain est le domaine où doit s’exprimer le talent des individualités offensives, sans le carcan des consignes tactiques : Payet, bien sûr, ou encore Guendouzi en profitent pleinement.
Mais cette liberté s’exerce donc au détriment de schémas plus rodés et de déplacements coordonnés. Cela n’a pas facilité l’intégration de Milik, habitué à une animation qui tourne autour de lui, de sa qualité dans les appels et dans la finition. Et cela peut parfois rendre la possession marseillaise assez stérile et monotone, quand le ballon circule autour de la surface façon handball, dans l’attente que Payet invente une passe décisive.
L'Equipe