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Tactique : l'OM de Sampaoli, l'ordre et la fièvre offensive
L'Argentin Jorge Sampaoli a transformé le visage de l'OM, en déplacement ce samedi (21 heures) à Monaco, donnant au club phocéen un style de jeu fougueux et conquérant, en harmonie avec les valeurs du club.
En juin 2017, Didier Deschamps s'interrogeait dans ces colonnes : « C'est quoi une identité de jeu, à part des mots ? » L'OM de Jorge Sampaoli apporte une réponse exaltée, par son souffle collectif impulsé par un entraîneur en symbiose avec son environnement et un esprit conquérant partagé, des joueurs aux supporters.
La personnalité du technicien argentin transpire dans chaque effort, chaque passe, chaque séquence de jeu marseillaise. Dans les courses intenses de Matteo Guendouzi comme dans les provocations incessantes de Cengiz Ünder et Konrad De La Fuente ; dans les décrochages astucieux de Dimitri Payet comme dans les projections tranchantes de Gerson. Dans le déséquilibre offensif assumé, aussi, parce que Sampaoli, disciple de Marcelo Bielsa, ne peut concevoir le jeu autrement. « Cette philosophie est l'unique manière de donner de la joie aux gens », tranchait-il au micro de Canal + après la victoire contre Saint-Étienne (3-1).
Animation hybride et Payet faux 9
Enrichi par un mercato audacieux, Jorge Sampaoli canalise la fougue olympienne dans une animation hybride, nuancée en fonction des adversaires mais très structurée : en phase offensive, un 3-2-4-1 ou un 3-3-4 ; en phase défensive, un 4-4-2 ou un 4-1-4-1. « Chaque plan de jeu a ses inclinaisons à chaque match, mais ce qui n'est pas négociable, c'est dominer et ne pas être dominé », professait l'Argentin en 2015, quand il était sélectionneur du Chili. Une doctrine transposée à l'OM, troisième possession moyenne de Ligue 1 après quatre journées (64 %, contre 54 % la saison dernière).
Marseille pose les fondations de son jeu d'attaque dans l'axe, à partir d'une construction au sol et des initiatives de William Saliba et Luan Peres, recherchant des supériorités à l'intérieur par l'occupation des intervalles et des espaces entre les lignes. Sans arrière droit de métier jusqu'au recrutement tardif de Pol Lirola, Boubacar Kamara et Valentin Rongier se sont relayés pour dépanner sans ballon, réintégrant le milieu de terrain après la récupération.
En faux 9, Dimitri Payet (trois buts, une passe décisive) est la courroie de transmission qui projette le jeu de position marseillais dans les trente derniers mètres. « Mettre le partenaire dans les meilleures conditions possible, c'est ce que j'aime, confiait le numéro 10 olympien sur Canal + après le succès contre les Verts. Je décroche beaucoup pour laisser les autres prendre la profondeur et les servir après. Je prends énormément de plaisir sur le terrain et je suis heureux. »
En soutien, Gerson ajoute des appels bien sentis dans le demi-espace gauche. Guendouzi, lui, cherche surtout à « se retrouver dans les zones libres », comme il l'a confié fin août, sur la largeur notamment, pour donner du liant au jeu olympien. Les deux ailiers en faux pied, Ünder et De La Fuente, étirent les défenses adverses et sont chargés de concrétiser, par leurs percussions, les décalages créés en amont. Ils sont logiquement les Marseillais qui ont tenté le plus de dribbles jusqu'ici (12), et le Turc celui qui a le plus frappé au but (quatorze fois, pour trois buts marqués).
La saison dernière, seules deux équipes avaient moins tiré au but que l'OM, héritage d'une première partie de Championnat insipide sous les ordres d'André Villas-Boas. Cette fois, seuls Clermont et Montpellier devancent pour l'instant Marseille, autre signe du renversement orchestré par Sampaoli.
Cette ambition offensive souffre toutefois de ce qui la rend si divertissante. Si le bloc médian généralement adopté sur défense placée a été plutôt robuste jusqu'ici, à défaut d'étouffer haut les adversaires, le principal danger est ailleurs. En plaçant beaucoup de joueurs devant le ballon quand il attaque, l'OM se retrouve très exposé quand il le perd. Avant l'interruption du match, Nice, où Christophe Galtier a déjà exporté la science des attaques rapides qui a fait le succès de son LOSC la saison dernière, avait particulièrement appuyé sur cette vulnérabilité.
Boudaoui, Gouiri et Kluivert, notamment, s'étaient régalés dans les espaces autour des trois défenseurs centraux olympiens. « Je suis convaincu qu'avec le temps, notre football sera meilleur et qu'on atteindra l'idéal que je veux, assurait Sampaoli il y a deux semaines. Nous devons continuer à solidifier cette idée que j'ai du football, avec cette équipe qui est complètement nouvelle et qui doit encore s'améliorer. »
Le retour de Pol Lirola pourrait y contribuer. Son entrée en fin de match contre Saint-Étienne laisse d'ailleurs penser qu'elle n'aura pas les répercussions craintes pour Cengiz Ünder dans une animation où un seul élément occupe le couloir en phase offensive : le Turc pourrait rester collé à la ligne de touche, là où il est le plus à l'aise, tandis que l'Espagnol reprendrait le rôle d'un Rongier qui s'est beaucoup projeté dans le demi-espace droit ce soir-là.
Le rétablissement d'Arkadiusz Milik posera d'autres questions, notamment sur le rôle de Dimitri Payet. Difficile de l'imaginer ailleurs que dans l'axe, où il brille tant depuis le début de la saison. Le plus naturel serait de le voir endosser la fonction dévolue jusqu'ici à Gerson, dans le demi-espace gauche, ce qui ferait entrer le Brésilien en concurrence avec Gueye, Kamara, Rongier et Guendouzi un cran plus bas... ou le limiterait à un rôle de rotation peu en phase avec la vingtaine de millions d'euros dépensés pour le recruter. Mais alors que ces dernières saisons, l'OM pâtissait des limites qualitatives et quantitatives de ses options offensives, difficile de regretter cette abondance de biens - à part au poste d'avant-centre -, signe d'un été bien mené.