Tapie, the boss

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Re: Tapie, the boss

Messagepar gob » 18 Mai 2023, 00:40

Kim Nielsen a écrit:
lordsinclair a écrit:C'est vrai. Quel plaisir de lire çà, merci Dragan. Y' en a beaucoup d'entre vous qui y étaient ? (A part Kim Nielsen, lui je sais)

Présent ! \:D/ :fier: :mrgreen: mais ça ne nous rajeunit pas !
Bon, j'étais aussi à Bari !


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Re: Tapie, the boss

Messagepar randoulou » 18 Mai 2023, 13:11

Merci pour le partage
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Re: Tapie, the boss

Messagepar Betsamee » 18 Mai 2023, 13:59

lordsinclair a écrit:C'est vrai. Quel plaisir de lire çà, merci Dragan. Y' en a beaucoup d'entre vous qui y étaient ? (A part Kim Nielsen, lui je sais)

j'etais en train de peurer devant la TV chez mon grand pere
"Mieux vaut consacrer son intelligence à des conneries, que sa connerie à des trucs intelligents"@ un mec bien!
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Re: Tapie, the boss

Messagepar Serber » 18 Mai 2023, 14:10

Meme si ça peut paraître ridicule en comparaison à Bari aujourd'hui, la defaite en coupe de France face à Monaco même pas 2 semaines après m'avait bien traumatisé également.
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Re: Tapie, the boss

Messagepar Kim Nielsen » 18 Mai 2023, 20:12

J'ai beaucoup de mal à imaginer que Basile (que j'adore) ait écrit un livre. :)
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Re: Tapie, the boss

Messagepar Serber » 18 Mai 2023, 20:38

Kim Nielsen, avec la collaboration de Jean-Marie Lanoë. :wink:
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Re: Tapie, the boss

Messagepar Dragan » 24 Mai 2023, 05:32

Information
OM 1993, lumière et ombre : l'exclusion de la Coupe d'Europe, la minute de déchéance

16h15, lundi 6 septembre 1993, Zurich, hôtel « Hilton ». L'Olympique de Marseille est exclu de la Ligue des champions 1993-1994 par le comité exécutif de l'UEFA. Retour sur une sanction qui a traumatisé toute une ville.

« J'ai dû dire : "Quelle bande de cons !" Sans plus... » Du Fabien Barthez pur jus. Un saint-bernard de 80 kg ronfle aux pieds du jeune quinqua à l'aise dans un hoodie XL. De l'autre côté de la rue coule la Garonne.

« Affronter Manchester ou Barcelone, je m'en fous. Jouer Nantes, c'est déjà énorme. Quand j'apprends qu'on nous prive de Coupe d'Europe, je ne m'effondre pas au sol. Mon truc, c'est m'éclater sur le terrain avant tout, comme gamin en bas de mon HLM. »

L'Ariégeois sirote un café sur la terrasse de sa demeure toulousaine à volets bleus. Trente ans ont passé et il se revoit portier de l'OM, déjà roi d'Europe à 21 ans, puis cent trois jours plus tard, bouté de la Ligue des champions par une dizaine de pontes cravatés de l'UEFA.

Comme toujours, il affiche ce détachement, bouclier à l'acrimonie qui dure. « Cette sanction n'est pas vitale pour moi. Je débute. Je me sens bien dans cette équipe. Il y a l'humour qu'il faut, de gros caractères et des bons mecs. »

Dont un brun au verbe sudiste et aux tacles saignants devenu une célébrité à Marseille. Aujourd'hui, à 59 ans, Éric Di Meco porte court le cheveu poivre et sel. Il donne rendez-vous dans un hôtel avec vue plongeante sur le Vieux-Port. Lui, comme tant d'autres en ville, n'a toujours pas digéré le châtiment de l'UEFA.

« On nous vire de la Ligue des champions comme des malpropres, c'est la fin d'un rêve ! Alors qu'on se voyait continuer sur notre lancée, viser le doublé... » Et rejouer encore une finale après celle de Bari en 1991 avec ses tirs au but crève-coeur, et celle du 26 mai précédent à Munich, apogée d'un commando cravaché par Bernard Tapie.

« Depuis trois ans, on est à la lutte avec le grand Milan, on va enchaîner c'est sûr... Mais, à cause de cette affaire de cornecul de VA-OM, les instances veulent faire un exemple. Et c'est plus facile de s'en prendre à nous qu'aux grands clubs d'Italie ou d'Espagne qui n'étaient pas blancs-bleus. »

Malgré le temps qui s'est écoulé, l'ex-latéral gauche en bombers kaki garde une dent contre « ceux qui s'offusquaient de ce qui se passait à Marseille, ces donneurs de leçons qui se complaisaient dans les défaites françaises en Coupes d'Europe. »



L'écho de ce ressentiment jaillit toujours à vif chez les acteurs olympiens de cette année 1993 de tous les désordres. À Basile Boli, le héros de Munich, revient un flash : « D'abord, ça fait mal. Puis, je me dis : "Laissez-nous jouer quoi !" »

Dans son pavillon de l'arrière-pays provençal, Alain Soultanian, kiné pendant trente-huit ans à l'OM, part au quart de tour, avant même de croquer sa part de tarte aux pommes : « Du dégoût ! Un sentiment d'injustice... Ces enculés nous ont pris notre honneur alors qu'on était partis pour faire une série comme le Bayern et Liverpool dans le passé. En plus, ça va nous exclure de la Coupe intercontinentale à Tokyo. On devait y aller en Concorde. Du coup, je n'ai jamais vu Tokyo ! »

Au téléphone depuis sa retraite d'Uzès (Gard), l'ancien entraîneur adjoint Henri Stambouli se souvient d'un « véritable coup de massue » qui le laisse groggy : « Tout s'effondre, ce n'est pas possible de nous faire ça ! Chacun d'entre nous devient un enfant auquel on soustrait le gâteau d'anniversaire au moment de souffler les bougies. À 32 ans, c'est dur à vivre, surtout que je suis innocent. »

Dans son appartement parisien du quartier d'Alésia, Marc Libbra se remémore sa réaction d'attaquant jeunot émerveillé d'apprendre le métier parmi des cadors : « Je le vis comme un supporter. Je me dis qu'ils veulent assassiner mon club. Je n'ai pas le recul, j'ai l'impression qu'il y a une cabale contre Tapie. »



L'avis de l'ancien capitaine Didier Deschamps, envoyé par mail, se veut moins enflammé : « Cette situation, comme tous les joueurs, je l'ai subie. J'ai été obligé de vivre avec. C'est toujours délicat de parler de cette affaire, même si elle fait partie de notre histoire. Des décisions judiciaires ont été prises. Je préfère ne me rappeler que des bons moments. »

Au moment de la déflagration causée par l'UEFA, l'homme qui a brandi le trophée à Munich se trouvait en Finlande en compagnie de Marcel Desailly. Les deux Marseillais y préparaient une rencontre des Bleus qualificative pour la Coupe du monde. La nouvelle l'a cueilli juste avant un entraînement dans les faubourgs de Tampere.

Face à l'empressement des reporters, il avait accepté de s'exprimer après la séance, ton assuré, douché et vêtu du survêtement tricolore : « Je suis très triste. Il va y avoir un manque énorme. Je ne croyais pas que les sanctions seraient aussi rapides et aussi lourdes. Je ne veux pas parler d'injustice, l'UEFA est une instance suprême et elle a pris ses responsabilités. Ce sont encore les joueurs qui paient. »

Cet après-midi du lundi 6 septembre 1993, à Marseille, à 2 350 kilomètres de là, il fait 24 °C. Le vent du sud s'engouffre par rafales. « Ce jour-là, le peuple marseillais se fait encore niquer ! » Journaliste (Prix Albert-Londres en 2014), documentariste et écrivain, Philippe Pujol, fin connaisseur de la cité et de ses tourments, se resitue en bachelier fondu de l'OM « humilié » par la sombre nouvelle édictée à Zurich.

« À cet âge, je n'ai pas la hauteur nécessaire. Je suis en deuil, comme si un proche venait de mourir. Mon père, syndicaliste des douanes, est dans le même état. Lui aussi, on l'humilie. Beaucoup de Marseillais ne s'en sont pas remis. »

Selon l'ancien reporter de La Marseillaise, « les gens sont alors privés de défendre leur honneur : or, l'honneur, ici, c'est tout ! Pour une fois que Marseille était vainqueur, qu'elle n'était plus la ville sale et polluée des bâtards et des cafards, la ville du banditisme qui tient tous les bars... Grâce à une équipe de guerriers, la jeunesse voyait une lumière, la revanche était là. Et voilà qu'on nous punit pour la faute d'un autre : Tapie, qui se débat contre ceux qui se dressent face à ses ambitions et ses méthodes. »



En 1993, Médéric Gasquet-Cyrus étudie en terminale au lycée Michelet et file au Vélodrome à chaque match. La lourdeur de la sanction le laisse « sous le choc », confie-t-il sur une placette du quartier du Panier.

Aujourd'hui maître de conférences en linguistique à l'université d'Aix-Marseille et toujours abonné côté ultra, il accélère son débit au moment du flash-back : « C'est tellement violent ! On est la génération dorée qui porte haut les couleurs de notre ville au sommet de l'Europe et on nous plonge dans une merde qui n'est pas la nôtre. Sur le coup, je suis dans le déni, je fais corps avec tous les Marseillais même si, au fond de moi, je sais que nous ne sommes pas défendables... »

Beaucoup de ses amis gueulent au complot, pas lui. « Je ne fais pas le fier car je sens bien qu'on n'est pas très clairs. Je me doute qu'on a acheté des matches cette saison-là. » Mais il saisit surtout qu'il va être privé de « cette putain de folie de communion du mercredi quand on va au stade pour la Coupe d'Europe, quand l'air en ville est électrique, quand on achète tous les journaux, quand on ne parle que de ça... »

Tout à coup, il prend peur : « Qu'est-ce que je vais faire de ma vie maintenant ? » Il craint même que la Ligue des champions soit retirée à la bande à Boli (le 22 septembre, on leur enlèvera le titre de champion de France 1993).

Autre pilier du Vélodrome depuis l'enfance, lui aussi de l'odyssée en Bavière, Gari Grèu sort les grands mots pour « puncher » son malaise de dingue au souvenir de cet OM 93 coupé dans son élan. Chanteur de Massilia Sound System, qui commence alors à répandre son ragga festif hors de Provence, il subit une double déflagration dès que l'info du bannissement lui parvient.

À la fois « violé, spolié par ce pouvoir central venu de Paris et de Suisse » et « trahi par Tapie et Bernès, des mecs mal intentionnés, fautifs d'avoir fracassé une histoire magnifique, une génération et une ville ». Il est assis au soleil en terrasse et son accent monte dans les tours : « Proposer 200 000 balles à des Valenciennois pour éviter qu'ils blessent nos joueurs, quelle idée de naze ! Tapie abordait le foot comme la politique, par un angle nauséabond. C'est toute la merde qui tourne autour du club qui mène à ce maudit 6 septembre. »

Forcément, en grammaire UEFA, les tournures sont moins fleuries, mais elles se veulent tout aussi définitives. Il est 16 h 15 à Zurich ce lundi d'été finissant de 1993 quand, dans le salon Bellevue de l'hôtel Hilton situé près de l'aéroport, Jean Fournet-Fayard, 61 ans, est appelé pour entendre le verdict du comité exécutif extraordinaire de la Confédération européenne.

Au bord des larmes, le président de la Fédération française (décédé en 2020) écoute la lecture du communiqué comme s'il était à l'abattoir : « Le comité a été déçu de constater que la FFF a été incapable de produire les résultats de ses investigations sur cette affaire de la plus haute importance. [...] Le comité estime que les résultats de l'enquête du juge d'instruction en France, désormais connus du public, démontrent que des irrégularités ont été commises en rapport avec le match en question. »

En conclusion, en vertu de l'article 6 alinéa 1er et de l'article 28 des statuts de l'UEFA, il est spécifié que la demande de participation de l'OM à la Ligue des champions est rejetée « en tant que mesure préventive afin de protéger l'intégrité des compétitions européennes ». La sentence est sans appel.

En se replongeant trois décennies plus tard dans ce document qu'il a contribué à rédiger, Gerhard Aigner lève les sourcils. À cette heure matinale, le bar de l'hôtel Mont Blanc à Lausanne s'anime à peine. L'Allemand de 79 ans commande un café allongé.

« Ce fut une journée très intéressante... Elle a marqué la fin d'un été où l'OM nous a occupés quasiment à plein temps. C'était pesant. Le fonctionnement de notre institution pouvait être impacté, explique l'ancien secrétaire général de l'UEFA. Dans le contentieux lié à VA-OM, les instances françaises nous ont laissés dans le brouillard trop longtemps. La FFF aurait dû ne pas inscrire Marseille en C1 car la tricherie est la pire tare dans le sport. Mais elle n'en avait pas la force, son président encore moins. »

Pourtant, en juillet et août 1993, Jean Fournet-Fayard et son alter ego de la Ligue nationale, Noël Le Graët, avaient reçu quantité d'alertes venues des hautes sphères de l'UEFA et aussi de la FIFA, invitée dans les pourparlers vu la sensibilité du sujet. On les exhorte alors à infliger des sanctions. Le 31 août, le président de l'instance mondiale Joao Havelange (décédé en 2016) s'insurge contre leurs « atermoiements ».

Le matin même du 6 septembre, au siège zurichois de la FIFA, comme le raconte France Football, le Brésilien sermonne encore Jean Fournet-Fayard dans un français excellent : « Votre gestion de cette affaire est inacceptable. Vous avez fait preuve de lâcheté, laissant d'autres prendre les sanctions à votre place. »

Autant dire que, quand le Lyonnais passe la porte du Hilton en compagnie de Noël Le Graët pour être entendu par le comex de l'UEFA fixé à 11h30, il devine le sort réservé à l'OM. Dans son allocution, il réitère sa ligne de défense : la FFF se doit d'attendre la fin des procédures judiciaires en France pour prononcer d'éventuelles sanctions.

Sauf que ce temps de la justice ordinaire se heurte aux règlements UEFA et FIFA qui instaurent la primauté d'une justice sportive en cas de manquement à l'éthique. Le calendrier international n'attend pas. Il faut vite désigner le club français qui doit en découdre avec l'AEK Athènes au premier tour de la C1 1993-94, les 15 et 29 septembre (Monaco, troisième de D1 en 1993, sera désigné après le renoncement du PSG, deuxième).

Le comité exécutif s'ouvre par une allocution du Suédois Lennart Johansson, président de l'UEFA (décédé en 2019). « Derrière son physique intimidant, il était ouvert aux arguments des uns et des autres, raconte Gerhard Aigner. Sur l'OM, il a porté un jugement équilibré. Il tenait à ce que l'UEFA se montre ferme. Pour lui, l'OM, qui a triché au plan national, ne pouvait pas participer à une compétition que nous étions en train de réformer pour en faire une plateforme de football grand spectacle. C'est un scandale qui tombait mal. »

Assis autour d'une table en U, aucun membre du comex, formé de l'Anglais Millichip, du Néerlandais Van Marle, de l'Islandais Schram, du Turc Erzik, du Norvégien Omdal et de l'Espagnol Villar (l'Allemand Braun et le Russe Ryashentsev sont excusés), ne plaide en faveur du cas olympien.

Dans cette unanimité, le plus hostile à la moindre clémence est Antonio Matarrese, le patron de la Fédération italienne. « Cette issue était inéluctable. Ce jour-là, Fournet-Fayard avait autant de chance de convaincre son auditoire que de tomber trois fois de suite sur le même numéro à la roulette... »

À 87 ans, Sepp Blatter conserve le goût des considérations vachardes. Et un appétit de bon aloi quand velouté d'asperges, pappardelle puis tartelette crémeuse se succèdent à sa table du Sonnenberg, sa cantine chic sur les hauteurs de Zurich où il est accueilli tel un pape, fruit de quarante années de présence à la FIFA dont dix-sept comme président.

Ce 6 septembre 1993, il officie tout au long de la journée en tant que secrétaire général. Depuis le premier jour, il suit un dossier pour lequel UEFA et FIFA marchent de concert. « Dès le début, j'ai l'impression que les Français veulent qu'on tasse l'affaire. Mais sous quel prétexte pouvait-on la mettre sous le tapis ? La FIFA a une mission de surveillance du football mondial. Havelange avait la France dans le coeur mais il savait qu'il fallait aller au bout de la procédure. Pendant trois mois, je n'ai cessé de dire aux médias : "À force de traîner dans les sanctions, les Français nous agacent", "Le monde du football nous regarde", etc. Au final, l'OM a eu de la chance que le titre de champion d'Europe ne lui soit pas enlevé. »

Il en aurait été fini alors de ce slogan cri du coeur « À jamais les premiers ! » qui rassemble la nation OM autour d'un sacre continental jamais réédité par un club français (le Paris-SG a gagné la Coupe des Coupes en 1996). Et Jean-Pierre Bernès serait privé de son kif quotidien au moment d'entrer dans son bureau : « La reproduction de la coupe d'Europe est là devant moi, et je repense à Munich... »

Celui qui demeure un agent d'influences du football français est VIP permanent dans ce havre de luxe de Cassis où il aime donner audience. Pour le Marseillais de naissance, accro à l'OM depuis l'école primaire, l'extase munichoise de 1993 a tourné court. « Dans la foulée, j'ai morflé. » Gardes à vue, santé qui flanche, séjours à l'hôpital, aussi démission de son poste de directeur sportif, comme un arrachement.

Puis, en mars 1995, à bout de nerfs, il a craché le morceau au tribunal de Valenciennes : « Il y a eu tentative de corruption avant le match VA-OM par l'intermédiaire de Jean-Jacques Eydelie et de ma personne sur ordre de M. Tapie. » Sur cet épisode, il fait court car « l'histoire est connue ». Elle lui a valu dix-huit mois de prison avec sursis. Son patron passera cent soixante-cinq jours en détention.

« Cette histoire d'enveloppes et de Valenciennes, c'est vraiment très con de leur part, constate un Fabien Barthez qui n'en revient toujours pas. Pour pas qu'on se blesse ! Mais je pouvais me faire mal en tombant chez moi dans l'escalier. Ils ne nous ont pas fait confiance. On a vu les conséquences... »

Aujourd'hui 66 ans, Jean-Pierre Bernès a le cuir épais et une rancune vivace à l'encontre du couple UEFA-FIFA, au prétexte qu'« aucun article juridique » ne les autorisait à priver son OM de Ligue des champions pour un contentieux domestique : « Ce n'est pas de la justice mais des jalousies, car le Marseille de Tapie était à la mode et gagnait beaucoup. Ces gens ont voulu anéantir le club. »

En se reversant une tasse de thé en lisière de Méditerranée, il enchaîne avec « ceux qui n'ont pas fait le job » : « Fournet-Fayard et Le Graët nous ont laissés tomber. Avec de grands dirigeants, notre cas aurait été géré autrement. Mais ça les arrangeait que l'ère de Marseille prenne fin. Pourtant, ils étaient bien contents à Munich de manger des petits fours avec nous. »

Éric Di Meco, toujours très remonté, lui, les qualifie de « faux frères » : « Si tu voulais organiser ton suicide assisté, c'est ces deux éminents dirigeants qu'il fallait prendre comme avocats. » Contacté à plusieurs reprises, Noël Le Graët a fait savoir qu'il ne souhaite pas s'exprimer.

Mais, selon Jean-Pierre Bernès, qu'aurait dû tenter le duo honni pour éviter la foudre au champion d'Europe en titre ? « La Fédé et la Ligue avaient l'option de me suspendre, ainsi que certains joueurs, voire Tapie, et ainsi ne pas s'en prendre à l'institution OM, à la ville, à la région et au pays. Cela aurait calmé l'UEFA et la FIFA. C'était fini, on n'en parlait plus ! »

Une sorte de ni vu ni connu qui suscite une moue d'incrédulité sur le visage de Mario Albano, affable pilier de la presse marseillaise, quarante années dans le sillage de l'OM. « On aurait aussi pu retirer 10 points à l'équipe pour le Championnat suivant, l'exclure de la Coupe de France, peu importe, le bannissement de la Ligue des champions était sans doute inexorable, affirme le journaliste de La Provence. Sur ce coup, l'UEFA et la FIFA sont décidées à faire place nette pour éviter qu'une impression de laxisme se répande dans le monde du football, surtout à moins d'un an du Mondial aux États-Unis, un nouveau territoire à conquérir. Un club transformait la planète foot en pétaudière, il fallait couper la branche. »

À ce titre, le tapage tous azimuts de Bernard Tapie dessert sa cause. « Il a fait la connerie de vouloir expliquer au procureur (Éric de Montgolfier) et au juge (Bernard Beffy) en charge de l'affaire VA-OM comment marchait le foot ! Il les a braqués et la justice a fait son travail jusqu'au bout. » Descente de police lors du stage à Font-Romeu, gardes à vue de joueurs, perquisitions, commissions rogatoires, subornation de témoins, confrontations, le grand show judiciaire de juin à septembre 1993 régale les médias de l'Europe entière.

« C'était Dallas tous les jours ! », se rappelle le kiné Alain Soultanian. « Un été qui pue », renchérit le linguiste Médéric Gasquet-Cyrus. Un tohu-bohu à grande échelle qui déplaît fortement au sein des instances basées en Suisse. « Tapie s'est battu tout l'été pour éviter le pire. Un jour, il est venu à Zurich, nous avons déjeuné dans un fameux restaurant, se souvient Sepp Blatter, l'oeil coquin. Il mangeait un peu comme Obélix. Il ne cessait de répéter : "On dit que je suis un malfrat, mais, sur la tête de mes enfants, rien n'est vrai sur VA-OM. Je suis blanc comme neige. Sur la tête de mes enfants je vous dis !'' Il pensait peut-être manipuler la FIFA comme ça... »

Mais le vétéran suisse a vu passer tant et tant d'olibrius : « Tapie se présentait comme un menteur honnête. Cet homme avait tellement de talent... Trop ! Il a abusé de ce don. Il n'a pas eu assez de courage pour limiter ses ambitions. » À tel point, selon lui, que la FIFA était prête à exclure la France des éliminatoires au Mondial 1994 si le président marseillais avait prolongé le pugilat judiciaire.

Son homologue de l'UEFA Gerhard Aigner évoque même une entente à haute altitude pour raisonner l'effréné Tapie : « Dans nos cercles, il se disait que Havelange était intervenu directement auprès de Mitterrand, entre présidents, en menaçant de retirer l'organisation du Mondial 1998 à la France. Mitterrand a pu presser Tapie, qui était son protégé, d'arrêter les frais. »

Dans cette bataille pour garder le rang de l'OM en Europe, « l'affairiste Tapie a charmé jusqu'à un certain point puis il a atteint son seuil d'incompétence face à de très grands bourgeois qui défendaient leur domaine en rayant de la carte une ville rebelle qui ne vit que par l'émotion », analyse l'écrivain-journaliste Philippe Pujol avant d'ajouter : « Tel un funambule, il est tombé pour une erreur idiote - Valenciennes -, entraînant l'OM dans sa chute. »

Les yeux de l'amour d'Alain Soultanian offrent le verso de ces portraits qui écorchent : « Oui, Tapie prenait beaucoup de place. C'était le boss ! Comme le serpent du Livre de la jungle, il nous hypnotisait, mais il nous régalait tellement. Et il s'est fait piéger car il faisait de la politique. » Le poste de maire de Marseille en 1995 figure alors clairement à l'agenda du « boss », qui se voit aussi jouer un rôle central lors de l'élection présidentielle la même année.

De plus, le 14 juillet 1993, alors que l'affaire VA-OM truste les gros titres, le président de la République François Mitterrand rend un hommage appuyé à son ancien ministre de la Ville devenu député des Bouches-du-Rhône. Jean-Pierre Bernès se souvient : « Bernard faisait peur à tout le monde car il était l'homme politique qui montait. Certains le voyaient à l'Élysée. En plus, il était en guerre avec l'UEFA depuis des années. »

Et l'ancien lieutenant de ressortir le fantôme de l'Angolais Vata Matanu Garcia, buteur de la main lors de Benfica-OM en avril 1990. « Ce scandale nous a privés d'une première finale de Coupe des champions et l'UEFA n'a rien dit ! Ce qui a mis Tapie en rage. Il a shooté dans la fourmilière et n'a cessé de poser les questions qui dérangent sur l'arbitrage. Or, avec ces grandes maisons, il ne faut pas bouger un cil. En 1993, ceux qui nous ont exclus avaient ça en tête. »

Éric Di Meco poursuit sur le même tempo : « Quand ton club bouscule la hiérarchie historique, quand tu expliques que la plus belle compétition d'Europe serait faisandée, forcément, tu es dans le collimateur. »

Ces propos répandus chez les nostalgiques des années Tapie n'agitent ni la placidité de l'ancien secrétaire général de l'UEFA Gerhard Aigner ni la surface du lac Léman tout proche : « À force de propager des soupçons de corruption au sujet des arbitres européens, le président de l'OM a créé un climat nocif. Certes, à l'UEFA, nous n'aimions pas ça, mais nous n'avons pas sanctionné cette attitude. Nous avons visé un club qui avait triché. »

Le jeu de rôles entre les « pôvres dirigeants marseillais » et les « Helvètes sans-coeur » ne convainc toujours pas Mario Albano trois décennies plus tard : « Comme si l'UEFA et la FIFA étaient jalouses de l'OM ! À l'inverse, elles étaient partisanes d'accueillir une grosse équipe française dans leurs compétitions. Marseille pourquoi pas, mais pas si une corruption était dévoilée. »

Le journaliste souligne que la haine des Marseillais contre les institutions du football doit beaucoup à un Tapie en pleine fuite en avant : « Début septembre 1993, il a pris les supporters pour des cons en leur jurant : "C'est réglé, on va jouer la Coupe d'Europe, je m'en occupe !" C'était au pied du Vélodrome, devant des milliers de personnes dont le rêve allait s'effondrer... Or, il savait que c'était fichu. Il a excité la paranoïa des gens d'ici. »



D'autant que le terrain est fertile. Outre les près de 30 000 locaux qui ont fait le very good trip de Munich, chaque club de supporters a eu droit au prêt du trophée magique. « La Grand'Z'oreilles a fait le tour des quartiers, tout le monde a pu la toucher, rapporte Gari Grèu de Massilia Sound System. On a tous notre photo avec la coupe d'Europe. Dans chaque bar, il y a un poster. Le lien entre nous et cet objet était fusionnel. »

Lui et ses compatriotes se voyaient reprendre le train ou le bus vers l'Espagne, la Roumanie et l'Angleterre pour perpétuer la conquête dans la peau de vainqueurs. « Et puis, on nous a dit : "L'Europe, c'est fini !" C'est comme si on sectionnait un bras à chaque Marseillais. »

L'universitaire Médéric Gasquet-Cyrus a vécu cette amputation à vif qui, trente ans plus tard, ne l'empêche pas d'assumer un ressenti en clair-obscur : « Oui, j'en veux à Tapie qui a corrompu, qui a joué avec la ville et les Marseillais, avec notre jeunesse tout à coup privée de Ligue des champions. Mais, jusqu'en 1993, il m'a offert tant de soirées européennes de communion absolue qui me traversait le corps. » Et qu'il a romancé avec passion à son fils de 19 ans. Au moins les beaux souvenirs survivent. Pour le reste...

« Le problème, après la sanction de 1993, c'est que seul le peuple marseillais a morflé pendant des lustres : une image de voleurs, les sanctions qui nous gâchent le délire, un club ruiné, deux saisons en D2..., remarque le musicien Gari Grèu. Tous les titulaires de Munich, à part le gardien Barthez, sont partis aussitôt en Italie (en 1994). Et Tapie, lui, est resté une star toute sa vie. »

Un constat qui nourrit le récit de Philippe Pujol : « Dans son histoire, ça remonte à Jules César, quand Marseille la rebelle gagne, elle ne gagne jamais longtemps. Il y a toujours un châtiment. Ce 6 septembre 1993 constitue une nouvelle croix dans la colonne de ces humiliations. »

Voici bien ce qui chagrine Fabien Barthez à l'heure de célébrer les 30 ans de Munich : « Notre éviction de la Ligue des champions ternit une année qui n'aurait dû être que joie et excitation. Ça fait chier cette histoire ! C'est tellement l'OM ça. »

Joint dans sa natale Guadeloupe, Jocelyn Angloma conserve lui aussi « une amertume » au coin de la bouche mais promet que cette « sanction exorbitante de l'UEFA » n'a pas entaché la bénédiction de Munich ni saccagé « la belle aventure humaine » : « Rien ne peut le faire. J'ai fait tout ce qu'il fallait pour gagner cette finale, je me suis même brisé le tibia en seconde mi-temps. J'ai levé la coupe, voilà ! Ce bonheur, on ne peut pas me l'enlever. »

Qui mieux que Basile Boli, l'auteur du coup de casque de Munich, pour certifier que le feu intime né d'un tel vertige ne saurait s'éteindre malgré les secousses politico-judiciaires ? « Cette balle, je suis allé la chercher à dix mètres de haut ! J'ai fait mon métier qui est de gagner des matches. Ce mois de mai 1993 restera magique pour l'éternité, j'étais transcendé comme jamais. Que l'UEFA ait tranché à raison ou à tort, peu importe, ils ne pourront pas gommer mon nom. »

Éric Di Meco, aussi, se vit pleinement en champion d'Europe, avec au fond de lui ce truc qui jamais ne s'estompe : « Le moment, il a été vécu et bien vécu ! Mais, à chaque anniversaire de notre Munich, on reparle de notre exclusion de la Ligue des champions. On ne peut pas dissocier les deux. »


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Dragan
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Re: Tapie, the boss

Messagepar Dragan » 24 Mai 2023, 05:38

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OM 1993, lumière et ombre : une minute de gloire pour Basile Boli, un but pour l'éternité pour Marseille

Mercredi 26 mai 1993. À la 44e minute de la finale de la Ligue des champions contre l'AC Milan, Basile Boli marque le but du sacre à l'OM. On vous raconte ce que les caméras n'ont pas montré. A suivre mardi : notre récit de l'exclusion de la Ligue des champions 1993-1994, la sanction qui a traumatisé toute une ville.

Il paraît qu'une minute dure soixante secondes mais on sait bien qu'en football, grâce au fameux temps additionnel, cela peut durer bien plus. Et quand le coeur s'en mêle, une minute peut durer trente ans voire, dans certains ventricules irrigués de pastis, une éternité.

Il est 20h59, le 26 mai 1993, quand la petite aiguille de la grande horloge du stade Olympique de Munich, accrochée au-dessus du virage des supporters marseillais, s'arrête de tourner. On joue la 44e minute de la finale de la Ligue des champions OM-AC Milan et un homme va s'élever dans les airs pour propulser son équipe encore plus haut que lui, au sommet de l'Europe.

Aucun club français ne l'y a rejointe depuis ; alors, la minute s'étire en longueur. Elle flotte, elle n'a rien perdu de sa beauté, juste un peu de son lustre, la faute à des mémoires de plus en plus défaillantes et au fait que certains ne sont plus là pour la raconter.

Elle a été vécue si vite, et il y a si longtemps (sûrement trop), qu'elle méritait un arrêt sur image que les moyens télévisés des années 1990 n'ont pas permis. Comme une loupe qu'on déplacerait centimètre par centimètre sur l'écran, à scruter chaque coin de terrain et chaque bout de tribune.

À ausculter le geste et à écouter la liesse, en sollicitant les mémoires de ceux qui « étaient à Munich », comme on est là où la grande histoire s'écrit à l'encre de la plus petite. Voici le récit d'une minute personnelle à chacun, mais foncièrement collective, une minute forte et folle reconstituée grain par grain pour retourner, le temps d'un anniversaire, le sablier.

À 20 h 59 ce 26 mai 1993, quand le défenseur italien Paolo Maldini tacle Abedi Pelé côté droit de la surface milanaise, l'arbitre suisse de la finale, Kurt Röthlisberger, siffle aussitôt un corner en faveur de l'OM. On entame la 44e minute de jeu et, dans la moitié de stade réservée aux 23 500 Marseillais qui ont fait le voyage, on ouvre grand les bronchioles. Enfin de l'air après une première période vécue en apnée, en tribunes comme dans les rangs de la défense marseillaise.

« Du premier quart d'heure à la pause, on était acculés dans nos 18 mètres, on avait de la peine à sortir, on s'était bien fait bouger, raconte Éric Di Meco. La fin de la première mi-temps a été une longue souffrance. Massaro et Van Basten avaient eu beaucoup d'occasions, Fabien Barthez signe des arrêts extraordinaires. Le corner, on voit les Italiens qui disent qu'il n'y est pas, mais moi je suis tellement loin de cette action-là... C'est juste un corner qui nous permet de souffler et d'être loin de notre but, enfin. Comme je ne monte pas, je suis presque soulagé de voir le ballon si loin, sans me dire que ça peut être le tournant du match. »

À bientôt 30 ans, l'arrière gauche français n'en est pas à sa première épopée européenne. Le « Minot » a connu la main de Vata en demi-finales retour de C1 1990 contre Benfica ; il a vu Basile Boli pleurer à Bari lors de la défaite (aux tirs au but) en finale 1991 contre l'Étoile Rouge de Belgrade ; suspendu pour le match décisif du 21 avril à Bruges, il a hurlé quand le Croate Alen Boksic a d'emblée (2e) inscrit le but qui assurait à l'OM la première place d'une poule à quatre, alors qualificative pour la finale (1-0).

Il était, aussi, du fameux déplacement de Championnat à Valenciennes le 20 mai, une semaine avant Munich. Celui par qui le scandale, et la chute, vont arriver avec l'été. « Quand, à la mi-temps, ça s'agite dans les vestiaires, l'arbitre parle à Didier (Deschamps), le bruit circule que Valenciennes aurait posé réclamation sur le but d'Alen Boksic qui aurait été inscrit de la main. Pour expliquer le brouhaha et qu'on finisse le match proprement, moi, on me dit ça. On gagne (1-0), la victoire nous rapproche du titre mais quand je rentre dans le vestiaire, je ne le vois pas si heureux que ça. Là, je ne comprends pas. J'apprends ce qui se passe en entrant dans le bus à la fin du match, une réclamation sur la validité du match et des soupçons de corruption. Mais, pour nous, cette histoire, elle passe vite. D'une, ce n'est pas sérieux, et de deux, on a déjà basculé sur la finale. On prépare donc Munich dans une totale insouciance. »



Planté devant ses 18 mètres, bras sur la taille à guetter ce bienheureux corner, Fabien Barthez est lui aussi très loin des corons et des enveloppes pleines de billets. « VA, ça ne faisait strictement rien dans le groupe. Quand tu joues une finale comme ça, il peut y avoir une guerre mondiale à côté, tu es dans ce monde-là et plus rien n'existe. »

C'est vrai, aucun nuage gris ne flotte au-dessus de l'Olympiastadion. Il fait beau, l'air est doux (25 °C à 20 h 59), bref, des conditions météorologiques parfaites pour qu'Abedi Pelé ajuste son corner, le premier de la soirée pour les Marseillais. Et cela, même si ce corner était aussi fabulé que la sardine qui bouche le Vieux-Port.

« On savait qu'il n'y était pas, hein », glisse Jocelyn Angloma. Guy Roux, consultant envoyé par TF1 sur ce match, et assis à côté de Roger Zabel en rigole encore au bout du fil trente ans après : « Chaque fois que je croise Basile et que je lui en parle, je lui répète qu'il n'y avait pas corner. »

Fabien Barthez, lui, ne se pose pas la question. Pas le genre à se prendre la tête, celui qui a oublié à deux reprises ses gants avant le coup d'envoi aborde ce rendez-vous avec l'insouciance et le culot de ses 21 ans. « Là, je me dis il y a corner, je sais que derrière c'est la mi-temps, et je me dis : "Putain, si on pouvait la foutre sur corner." Voilà, quoi... »

Assis à la droite de Raymond Goethals, le coach olympien (décédé en 2004), sur le banc marseillais, Henri Stambouli, alors entraîneur adjoint, scrute son poulain tout en maltraitant une petite bouteille d'eau minérale. « En tant qu'ancien gardien de but moi-même, je surveille souvent Fabien. C'était encore ses débuts, je fais donc plus attention à lui. Mais, quand on voyait les arrêts qu'il avait réalisés dans les vingt premières minutes, on était rassurés. Donc à la 44e minute, je suis serein. L'orage est passé, on n'est pas loin de la mi-temps. »

En tribune présidentielle, Bernard Tapie (décédé en 2021), oreillette nichée dans le pavillon gauche, essaie de contenir sa fougue, coincé entre le placide Egidius Braun, 68 ans, président de la Fédération allemande, et son homologue français plus démonstratif Jean Fournet-Fayard. Trois sièges plus loin, le président milanais Silvio Berlusconi converse avec le président de la FIFA, Joao Havelange.

« Je suis assise une rangée juste derrière Bernard, nous raconte son épouse Dominique Tapie (dont le livre Bernard, la fureur de vivre, vient de sortir aux Éditions de l'Observatoire). Devant un match, il est toujours agité, il joue le match dans son fauteuil, il donne des coups, il fait des feintes. C'est intenable : il bouge sans arrêt, il se passe la main dans les cheveux. Il est comme un diable dans sa boîte. Pendant la première période, il paraît vraiment fébrile, voire anxieux. »



Dix minutes plus tôt, voyant Jacques Bailly, le kiné marseillais, s'affairer auprès de Basile Boli qui se plaint une nouvelle fois d'un genou, le président de l'OM avait empoigné le talkie-walkie qui le reliait à son directeur général Jean-Pierre Bernès, voisin de banc de Raymond Goethals.

« Avec Raymond, on était très tactiles, il me tenait la main tout le temps, raconte l'ancien dirigeant devenu agent de joueur. J'ai donc les deux mains occupées : d'un côté, la main de Raymond ; de l'autre, le talkie-walkie de Tapie. Basile commence à se tenir son genou, moralement, ça ne va pas bien. Basile, c'est un combattant. Il faut simplement qu'il sente derrière lui qu'il y a tout son staff. Il ne faut pas dormir parce qu'une sortie de joueur, parfois, se fait en un claquement de doigts. Je dis à Raymond qu'avec Bernard on a décidé qu'il reste, et il me dit que, lui aussi, il préfère. Il ne veut pas toucher à sa garde noire (Boli-Desailly-Angloma). Après, on ne se parle plus une seule fois du match avec Bernard. Juste cette fois-là. On déclenche le talkie pour cet événement, parce que c'est un gros handicap pour nous, et, finalement, c'est Basile qui nous marque le but. La 44e minute existe parce qu'il y a la 35e, où on décide que Basile ne sort pas. »



Basile n'est pas sorti, il convoie donc sa large silhouette au premier poteau, lui qui, d'habitude, se positionne au second. « (Frank) Rijkaard doit me marquer, car c'est moi qui le marque aussi. Il fait 1,93 m, il me met dix centimètres dans la vue. Quand on regardait la vidéo, on s'était dit qu'ils allaient comprendre que je vais toujours au second poteau. Abedi m'avait donc dit d'essayer de couper le ballon au premier poteau. Je ne vois pas du tout sur le moment qu'il n'y a pas corner. Mais, quand Abedi prend le ballon, ses yeux se posent direct sur moi, l'air de dire : "Tu te rappelles ce que je t'ai dit ! Déconne pas, je ne vais pas amener la cacahuète au deuxième poteau pour rien." Donc, moi, je ne vais pas tout de suite au premier poteau, je me dirige vers le centre et je vois que Frank est toujours après moi. Le voltigeur, c'est Franco Baresi. Je me dis que je vais essayer d'éloigner un peu Frank, de l'amener sur le côté et puis je vais rentrer. C'est ce que je fais. Je feinte d'aller sur le côté, puis je rentre, je vais chercher le ballon. »

En s'élevant, Frank Rijkaard lui agrippe le maillot dans le dos. Au second poteau, Alen Boksic joue des bras avec Paolo Maldini. Rudi Völler, lui, s'élève, les bras en ailes de goéland, sous le regard d'Alessandro Costacurta. « Je suis situé juste devant Basile entre le premier poteau et le point de penalty, raconte l'Allemand, désormais directeur sportif de la Mannschaft. Lorsque Abedi Pelé frappe le corner, je crois longtemps que le ballon va être déposé sur mon crâne et, finalement, Basile saute plus haut que tout le monde et il parvient à smasher ce ballon en dégageant une puissance impressionnante. Son coup de tête a été tellement rapide que j'ai mis plusieurs secondes à me rendre compte que nous avions marqué. »

« Une piqûre de guêpe », commente Guy Roux au souvenir de la déviation d'un Boli qui avait « appris le jeu de tête avec Daniel Rolland », le responsable de la formation à l'AJ Auxerre. Basile Boli corrige Völler. « J'anticipe plus vite que Rijkaard, je ne saute pas plus haut que lui. Je lui passe devant parce que j'ai peur de Baresi qui est voltigeur. Il me tire le short. Il ne faut pas que je mette de la force parce que la balle va arriver vrillée, je sais comment tire Abedi ; sur mes trente-deux buts, il m'en a fait marquer une vingtaine. Quand j'ai la vrille, je prends le ballon sur le côté et elle part directement en croisé. Le gardien du Milan (Sebastiano Rossi) étant grand, je me dis qu'en coin, c'est possible. Il n'a pas de voltigeur sur les poteaux, il n'y en a qu'un sur le poteau droit. Je mets de la force, mais pas celle de d'habitude : une force adéquate pour que le ballon aille dans le but. C'était la 44e minute, je portais le numéro 4, mon chiffre fétiche. »

Les joueurs sont encore en train de regarder le ballon finir sa course dans le petit filet opposé que le buteur, lui, est déjà parti célébrer sa gloire. Il a sauté plus vite, certes, mais il a aussi compris plus tôt. « Basile, c'est la détermination poussée à l'extrême, note Didier Deschamps, le capitaine olympien ce soir-là. Dans les duels, il ne valait mieux pas croiser son chemin, parfois. Son engagement était total. »

Au second poteau, Jocelyn Angloma lève le bras, incrédule. « Rossi a une tête complètement désolée. Il paraît immense dans le but, et Basile lui met ça où il faut, petit filet, tête décroisée. Il n'a rien compris. Il reste un peu hébété, à se demander comment ça se fait... »



Les Italiens ne parlent pas. Paolo Maldini reste plusieurs secondes à fixer le ballon, immobile, derrière sa ligne. Alessandro Costacurta, lui, se tient la tête à deux mains. Sur le banc italien, le remplaçant Jean-Pierre Papin ne bronche pas, les jambes repliées devant lui, la tête dans les genoux.

« On est convaincus qu'il n'y avait pas corner, je m'en rappelle très bien, mais ça reste un corner, pas un penalty, ou un coup franc aux 18 mètres. Mais ils marquent, se souvient le latéral droit milanais Mauro Tassotti. Il n'y a pas corner, et on le paye durement. Ce n'est pas une excuse, car il n'y a pas but sur tous les corners, mais il y a eu un peu d'amertume, c'est une anecdote de ce match. Ceux qui étaient au marquage ont fait le travail, mais c'est juste qu'on n'avait pas de défenseurs très grands, hormis Maldini. »

Dans l'autre moitié de terrain, on ne comprend pas tout de suite ce qu'il se passe. « Moi, je suis au niveau du rond central, aux côtés de Didier Deschamps, raconte Éric Di Meco. Ce corner, je le vois partir, et je vois le ballon aller dans les filets. Sauf que je ne sais pas qui le met dans les filets, ni comment il y arrive. De là où je suis, le ballon part, vers un amas de joueurs, et les filets se mettent à trembler. J'entends tout le monde gueuler, on doit être avec Didier les deux derniers du stade à avoir vu le but. »

L'actuel sélectionneur de l'équipe de France confirme : « Je reste toujours en couverture en cas d'éventuelle contre-attaque, j'étais donc celui qui restait le plus bas. J'ai vu le but de très loin. Mais, même de loin, je l'ai apprécié à sa juste valeur, même si rien n'était encore fait. »

Sur le banc marseillais en revanche, on n'adopte pas la même mesure que le capitaine. « Quelles sont les chances de la mettre sur la tête de Basile ? s'interroge le kiné marseillais Alain Soultanian, assis près des remplaçants. On ne voit pas le ballon rentrer, mais on voit les filets trembler. La folie dans le stade est incommensurable. (Il s'interrompt pour pleurer.) On ne peut pas rester assis, on se jette les uns sur les autres, on crie, on évacue ce qui est en nous. Et puis je regarde la montre, il faut arriver à la mi-temps. Siffle, siffle ! »

Son voisin Bernard Casoni, titulaire à Bari deux ans plus tôt, connaît déjà la fin de cette histoire. « Quand Basile marque, je me dis que plus rien ne peut nous arriver. Barthez avait signé deux arrêts décisifs, nous, on a une seule occasion et on la met de la tête. Ça veut tout dire. Le coach et Jean-Pierre Bernès le vivent différemment mais, moi, à ce moment-là, je ressens beaucoup de sérénité. J'aurais pu me tromper cela dit mais, à mes yeux, le match était terminé. »

À l'autre bout du banc, en effet, on préfère contenir l'allégresse ambiante. « On a dû sauter et, avec Raymond, se recentrer sur la suite pour éviter le relâchement avant la mi-temps, explique Henri Stambouli. Nous devons calmer un peu tout le monde, même les remplaçants. On a marqué, c'est bon, c'est magnifique, mais ça continue. L'aspect technique prend le dessus sur l'émotion de l'instant présent. C'est un bonheur fugace. Disons une seconde de bonheur, et cinquante-neuf secondes projetées dans la suite du match. »

En tribune officielle, le camp marseillais, et plus généralement français, n'est pas contraint à la même retenue. Assise aux côtés de Noël Le Graët, alors président de la Ligue nationale de football, Dominique Tapie est aux premières loges. « Je me suis levée de mon siège, j'avais mon komboloï (chapelet grec) dans la main, mon mari avait le sien dans sa poche. Ils avaient été bénis par les papas (des prêtres de l'église d'Orient). À chaque match important, on l'avait sur nous. Quand Basile marque le but, instantanément, Bernard se retourne et m'attrape dans ses bras. Et moi je lui dis : "On l'a." Il a les larmes aux yeux. On est libérés de ce poids sur la poitrine, car ça s'éternisait. Quel instant magique. »

Quelques places plus loin, assis un peu plus haut que le banc de touche aux côtés de l'entraîneur des gardiens Jean Castaneda, le troisième gardien marseillais, le jeune Thomas Videau, 19 ans, n'en croit pas ses oreilles. « De cette minute, je retiens surtout le sol qui tremble de partout, et ces dizaines de supporters qui se sautent dessus à ma gauche. J'étais à un mètre du grillage et il pliait complètement. À ce moment-là, je ne réalise pas encore qu'on peut gagner. »

Chris Waddle encore moins. Invité par Bernard Tapie pour partager la préparation du groupe marseillais, le milieu de terrain anglais, qui a quitté l'OM à l'été 1992, a loupé le meilleur moment de la soirée. « Il est parti acheter des saucisses car il ne voulait pas faire la queue comme tout le monde à la pause, raconte Basile Boli, qui en pleure encore de rire. Donc, cinq minutes plus tôt, il a quitté son siège, il est à la buvette et, quand le but est marqué, plein de bière lui part dans la figure. Tous ses potes anglais, Jossy, Steven, lui ont versé leur pinte dans la gueule ne lui disant : "C'est ton pote qui a marqué, c'est ton pote qui a marqué !" Et, lui, il ne comprenait pas : "Mais comment ça, il a marqué ?" »

Il est loin d'être le seul dans ce cas. « Pendant quarante-quatre minutes, on n'avait vu que les dos des joueurs milanais qui attaquaient, on en rigolait entre jeunes du centre de formation, raconte l'attaquant marseillais Marc Libbra. Quand arrive le corner, certains d'entre nous vont acheter à manger ; moi, je ne bouge pas. Et là, il marque. Ceux qui n'ont pas vu râlent en revenant, certains leur décrivent comme ils peuvent. Surtout qu'on voit juste le nom du buteur sur l'écran géant, il n'y a pas d'images. »

Colette Cataldo, cofondatrice des Dodgers, n'en croit pas ses yeux. Un an, jour pour jour, après avoir créé son club de supporters avec sa famille, la voilà à deux doigts de vivre l'émotion la plus forte qu'un supporter peut espérer. Elle est venue en bus depuis Marseille, a mangé de la choucroute à midi et, pour le grand soir, s'est collée au filet qui sépare la tribune de la piste d'athlétisme avec sa grande copine Gilda.

Cela fait quinze minutes qu'elle chante sans répit, les pompons blancs levés, comme pour appeler les grands dieux du ballon pour qu'il rentre. « Je vois le but, et puis tout le monde me monte dessus, "moulon" comme on dit chez nous ! Ma collègue m'appelle : "Colette, tu vas bien ?", et moi je suis écrasée dessous mais je la rassure : "C'est bon Gilda, j'ai rien !" »

Son fils Christian sourit : « Ce n'était même pas la joie, c'était le chaos. » Le chanteur du groupe Massilia Sound System, Gary Grèu, invité à Munich par le commando Ultra, toise du haut de la tribune la liesse ambiante : « Je vois des gens qui pleurent autour de moi et qui ne regardent plus le match parce qu'ils ne peuvent plus. Mais des molosses, hein, des gros mastards en lévitation en train de chialer. »

Quelques mètres plus bas, le photographe de L'Équipe André Lecoq bondit. Arrivé en retard après le coup d'envoi du match, il a pourtant réussi - à l'expérience - à se positionner à un endroit stratégique, dix mètres à côté de la cage milanaise. La tête de Boli, il l'a sur la pellicule, il le sait, mais pour avoir la une du journal, il va falloir courir.

« "Dédé" ne ratait pas souvent les buts. Pour la une, on avait jusqu'à la 60e minute pour déposer les films, raconte son confrère Alain de Martignac, qui observe la scène depuis son poste situé derrière le but marseillais. Je le vois partir comme un dératé sur la piste d'athlétisme qui ceinture le stade, il y va à fond car il sait qu'il a tout et que rien n'est flou. Il avait toujours trois, quatre chaînes en or autour du cou, chemise blanche ouverte, et la chaîne se balançait. Il en a d'ailleurs perdu une sur son trajet. Quand je suis revenu à Munich, j'ai dû demander au concierge du stade s'ils ne l'avaient pas retrouvée, car "Dédé" y tenait. »

Seul devant sa surface de réparation, Fabien Barthez ne prête pas attention au manège en chemise blanche qui se joue sur la piste. « C'est trop loin, il y a trop de monde... Je vois juste des filets bouger, je ne comprends pas grand-chose. J'explose de joie comme quand on marque un but tous les week-ends, mais sans plus. »

Spontanément, le jeune gardien de 21 ans pique un sprint jusqu'au banc de touche pour aller taper dans la main de Pascal Olmeta, numéro 2 ce soir-là. « On a toujours eu un truc nous deux, il m'a tellement bien accueilli à Marseille. Je veux partager ce but avec lui, comme je le ferai après ma finale de Coupe du monde. Quand je l'ai vu dans la tribune en allant chercher le trophée, je lui ai filé mes gants. »

L'arbitre de touche vient vite lui intimer de retourner dans sa cage. Dans la surface milanaise, en revanche, les joueurs olympiens deviennent comme fous. Basile Boli part en flèche, poursuivi par Jocelyn Angloma et vite agrippé par Jean-Jacques Eydelie : « Je cours directement sur Abedi et je le pointe du doigt parce qu'on s'était mis d'accord avant. "Tu as vu, je l'ai fait, je l'ai fait quoi", je lui dis. Son regard de sorcier africain, il m'énervait un peu. Et puis, là, alors qu'il sait que je suis pas à 100 %, y a Alen Boksic qui me monte sur le dos, et je lui dis : "Déjà que j'ai mal, tu me montes sur le dos ? »

L'attaquant croate n'entend pas et l'étrangle presque de son bras droit. « D'habitude, on faisait nos trucs à nous, la Basile-Abedi Connection, raconte Jocelyn Angloma. Mais ce jour-là, on est déconnectés. On est dans un autre monde. On n'est plus dans nos habitudes de Championnat où, quand Basile marque, on le pince, on lui tire les oreilles, tout ça. »

Franck Sauzée tente un ascenseur sur Marcel Desailly, Didier Deschamps arrive le dernier au bord du terrain pour se joindre à la liesse mais doit bientôt se replacer car le jeu reprend. Le chronomètre de l'arbitre l'a décidé : la joie n'aura pas de temps additionnel. « Je me replace et je me dis qu'il faut que je tienne, il y a quarante-cinq minutes pour entrer dans l'histoire, poursuit Basile Boli. Serre les dents, tu as la confiance de tous tes coéquipiers qui ne veulent pas que tu les lâches. »

Dans les tribunes aussi, il faut éteindre l'incendie dans les coeurs. Le futur linguiste et universitaire marseillais Médéric Gasquet-Cyrus, debout sur sa chaise, ne pense plus au bac qui l'attend dans quelques jours.

« Je ne sais pas ce qu'il se passe sur le but, comme une explosion, et, deux secondes après le coup sur la tête, c'est la mi-temps. Quand on célèbre un but nous, ça prend du temps, et là le jeu reprend déjà. La mi-temps est sifflée, je pleure. C'est un sentiment de puissance et de fierté. On a l'impression que le monde entier regarde ça, alors que non ; dans notre superbe, on pense qu'on écrit une page de l'histoire de l'humanité. Boli est bouleversé quand il marque, comme il a été bouleversé à Bari. On l'a porté pendant des mois, ce traumatisme. Et là, il balaye tout. Il efface ce poids qu'il nous a fait porter avec lui pendant des années. C'est pour ça que je pleure moi aussi : je n'en peux tout simplement plus. »

Dans le vestiaire marseillais, il n'y a guère de place pour les larmes, mais pas davantage pour l'allégresse. « Au retour au vestiaire, je n'ai pas senti la moindre euphorie, mais beaucoup d'humilité et de prudence », se souvient Rudi Völler. Raymond Goethals ne se fend même pas d'un long discours. L'histoire s'écrit déjà ailleurs. « J'étais assis à côté d'Abedi, le président entre et me dit : "Alors, tu sors ?" », sourit Basile Boli.

Si on reprend le scénario de cette minute, le défenseur marseillais le sait bien, on se dit qu'il ne tient pas vraiment la route : le futur buteur aurait dû quitter le terrain à sa demande, le corner n'aurait pas dû être sifflé, il n'aurait jamais dû se positionner au premier poteau, il était improbable qu'il saute plus haut qu'un Frank Rijkaard qui mesure 10 centimètres de plus que lui.

« Quand tu poses tout ça à plat, tu te dis que c'était notre jour, opine Éric Di Meco. Moi, je crois à ça. Tu as tellement souffert avant, il y a eu Benfica, il y a eu Bari. Les penalties, la main de Vata. Le dieu du foot avait décidé que ce serait nous. »

Une croyance partagée par d'autres : « Si on gagne en 1991, peut-être qu'on en gagne deux derrière, mais peut-être aussi qu'on s'arrête là, estime le kiné Alain Soultanian. Sur l'état d'esprit et le mental, ça a énormément joué. Il y avait ce sentiment de devoir contrecarrer le destin. En seconde mi-temps, on ne lâche rien. Et, plus le temps passe, plus on se dit qu'on va y arriver... Mais pourvu qu'on y arrive ! »

À 22 h 03, au bout d'une seconde période de souffrance et d'abnégation, Marseille y arrive. Didier Deschamps soulève cette fameuse coupe presque aussi grande que lui parce que, soixante minutes plus tôt, un escogriffe qui se tenait un genou a sauté plus haut, pardon, a « mieux anticipé » que son voisin.

« Soulever ce trophée, c'était un immense privilège. C'est un peu égoïste, mais quel bonheur ! Je me souviens du regard de Michel Platini, qui était présent... » raconte le sélectionneur, lucide sur son match ce soir-là. « C'était mon meilleur moment de la soirée parce que, franchement, j'avais surtout géré pendant le match, j'avais trop joué la finale avant dans ma tête. »

Bernard Tapie lui aussi en avait tellement rêvé. Là, il va boire une coupe de champagne, lui qui n'en buvait jamais. « Cette minute est indélébile, c'est plus qu'un tatouage », conclut Henri Stambouli. « À Marseille, ils sont tellement fiers de cette minute, sourit Dominique Tapie. Pourquoi croyez-vous que quand je descends là-bas sur la tombe de mon époux, elle est toujours couverte de fleurs, de nounours, d'écharpes, de bougies ? »

C'est que l'instant a comme figé cette magie, et les années ont patiné la rudesse des semaines qui ont suivi. Les tourments judiciaires et sportifs de l'Olympique de Marseille n'y feront rien, assurent les principaux protagonistes.

« Vous réalisez juste un rêve, explique Jean-Pierre-Bernès. Et, quand vous êtes marseillais, c'est pire. Vous savez que vous allez rendre les gens heureux. Di Meco vous dira la même chose. Le jeune Marseillais du virage que j'étais, qui a gravi tous les étages depuis douze ans, il touche le Graal. » Basile Boli confirme : « Tu gagnes la première Coupe d'Europe française ; donc, oui, c'est le but le plus important de l'OM. On a eu notre étoile, et mon nom, personne ne pourra l'enlever. »

À l'occasion de ses 60 ans, Éric Di Meco réunira tout ce petit monde bientôt pour un anniversaire entre « initiés ». Même si « l'émotion, tu ne la revis jamais deux fois ». Il marque une pause. « On ne nous l'enlèvera pas, mais derrière, on nous a empêchés de vivre d'autres émotions aussi fortes. Aller chercher la Coupe intercontinentale au Japon, c'était déjà dans notre tête juste après le match. Parce que, quand tu bats l'AC Milan, le club le plus fort d'Europe, tu te dis que tu peux devenir le club le plus fort du monde. Ça coule de source. Mais le moment, lui, est vécu. C'est comme un mariage. Même s'il y a le divorce derrière, le moment, tu l'as vécu. Ce n'est peut-être pas la minute la plus importante de l'histoire du club, mais la plus marquante, oui, certainement. On a transmis cette minute à tous les gamins qui vont au stade aujourd'hui. On a légué ce but à nos enfants... »


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Re: Tapie, the boss

Messagepar lordsinclair » 24 Mai 2023, 12:39

Quel bel article. Ça remue les souvenirs... Inoubliable...Merci Dragan (et merci à l'auteur même s'il commet à L'Epique)
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Re: Tapie, the boss

Messagepar Dragan » 25 Mai 2023, 18:04

Information
EXCLUSIF. Benoît Payan : "L'esplanade du stade Vélodrome portera le nom de Bernard Tapie"

A la veille du 30e anniversaire de la victoire du 26 mai 1993, le maire de Marseille Benoît Payan annonce en exclusivité à "La Provence" qu'il donnera le nom de l'ancien président de l'OM au parvis du stade Vélodrome

Dix-huit mois après la disparition de Bernard Tapie, à la veille du 30e anniversaire de la victoire du 26 mai 1993, Benoît Payan annonce, en exclusivité pour LaProvence.com, quel sera l’hommage officiel que rendra la Ville de Marseille à l’ancien président de l’OM. "La grande esplanade qui mène au stade Vélodrome, côté Jean-Bouin, portera le nom de Bernard Tapie, dévoile Benoît Payan. On marque dans le marbre son nom, son passage, sa contribution à l’histoire de ce club." Un choix fait "en accord avec sa famille", précise le maire (DVG).

Pour la Ville de Marseille et Benoît Payan, "c’était de notre devoir et de notre responsabilité de le faire". "Il ne s’agit pas ici de parler de l’homme politique ou d’affaires, qui était complexe et hors normes, reprend l'édile. Je retiens l'image du dirigeant sportif, qui arrive en 1986 après que Gaston Defferre (maire de Marseille de 1953 à 1986, Ndlr) lui a tendu la main et qui devient marseillais dans l’instant. Bernard Tapie n’a peur de rien et il va faire de ce club ce qu’il est devenu. Les supporters l’ont surnommé ’le Boss’ parce qu’il a porté l’OM tout en haut de l’Europe. Aujourd’hui, c’est dans notre histoire."

Pour être tout a fait précis, c’est le vaste espace contigu aux entrées de la tribune Jean-Bouin (en haut des marches, côté boulevard Michelet) qui sera dénommé Bernard-Tapie. À ne pas confondre avec le parvis Dufaure-de-Montmirail, baptisé en 2017 du nom du fondateur de l’Olympique de Marseille en bas du grand escalier, près des voies de circulation.

À 18h, demain, Benoît Payan lancera les festivités autour de cet anniversaire sur le parvis de l’hôtel de ville. Une grande célébration qui se conclura par la rediffusion, sur grand écran, à partir de 20h, du match OM-Milan.

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Re: Tapie, the boss

Messagepar negrOM » 25 Mai 2023, 21:02

A noter que le fils du Boss lance une cagnotte en ligne pour faire ériger une statue de son père et de 6 joueurs de l'OM de 93 sur ce parvis
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Re: Tapie, the boss

Messagepar Lo Provençau » 25 Mai 2023, 21:31

https://ajamaislespremiers.org/

Le lien vers la cagnotte en question.
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Re: Tapie, the boss

Messagepar fourcroy » 26 Mai 2023, 07:17

Il est précisé dans l'une des vidéos explicatives que les fonds non utilisés, s'il y en a, iront à l'association Neuf de cœur de Papin. Belle idée.
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Re: Tapie, the boss

Messagepar Dimeco63 » 26 Mai 2023, 10:38

J'ai toujours pensé qu'il faudrait une statue devant le Vel comme le font les clubs avec une grande histoire, 7 statues ça me semble beaucoup !

Faisons les choses dans l'ordre d'abord un personnage marquant du 20éme siècle, personnellement j'ai tjs pensé à un homme en particulier qui le mérite pour son histoire singulière et son amour du club c'est Gunnar ANDERSSON.
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Re: Tapie, the boss

Messagepar negrOM » 26 Mai 2023, 11:49

Dimeco63, en fait c'est une seule statue représentant une scène avec Tapie et 6 joueurs
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Re: Tapie, the boss

Messagepar pretender » 26 Mai 2023, 12:25

Base, DD, Di Meco, Pelé, Desailly, Fabulous Fab, ca pourrait être pas mal si bien fait. Et s'il n'y a non plus Sauzée, Völler ni Boksic.

Difficile de faire un choix sur ces 6 joueurs si ce n'est pas une scène qui a existée.
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Re: Tapie, the boss

Messagepar Dimeco63 » 26 Mai 2023, 13:00

negrOM a écrit:Dimeco63, en fait c'est une seule statue représentant une scène avec Tapie et 6 joueurs



Ok je comprends, je viens d'entendre Laurent Tapie à midi sur Inter apparemment il s’agirait de la reproduction de la scène au retour de Munich au Vél quand les joueurs ont mis Tapie sur leurs épaules pour présenter la C1 au public !

Les 6 joueurs donc : Baz, DD, Desailly, Joce, Sauzée et Dimeco !
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Re: Tapie, the boss

Messagepar Dragan » 27 Mai 2023, 10:15

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Re: Tapie, the boss

Messagepar Dragan » 27 Mai 2023, 10:18

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Messagepar Dragan » 27 Mai 2023, 10:18

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