c'est clair qu'il a beaucoup fait pour le club.
Mais tout ne fut pas parfait ( notamment certains choix de joueurs).
Après six saisons, le Liverpool FC s'est séparé de son manager français, victime des frustrations grandissantes d'un ancien géant qui n'a pas digéré son statut de nain: qualifié pour une place en Ligue des champions, certes, mais à trente points du champion Arsenal.
Ces dernières semaines, lorsque la pression se faisait de plus en plus insupportable, le Français avait laissé transparaître son exaspération. Après avoir passé une saison à chercher des excuses du côté de l'infirmerie pour le parcours en demi-teinte d'une équipe qui n'a gagné sa quatrième place – objectif minimal – que sur le tard, Houllier défendait son bilan avec la force du désespéré. Il sortait des statistiques de tirs au but pour prouver que le jeu pratiqué par les «Reds» n'était pas ennuyeux. Et répétait à l'envi qu'il avait gagné six trophées, dont une Coupe UEFA. Certes, mais cinq d'entre eux ont été gagnés en 2001, et après avoir terminé deuxième du championnat anglais en 2002, Liverpool a perdu pied.
Malgré le sens de la durée qui prévaut à Anfield, comme dans toutes les grandes familles, malgré l'énormité du travail accompli depuis 1998 par Gérard Houllier, malgré la passion qui lui a permis de revenir aux commandes en 2003 après son accident cardiaque, le sentiment qu'un ressort s'était cassé a conduit les dirigeants à lui montrer la porte. La perspective d'avoir sous peu 150 millions de francs de cash (probablement d'origine thaïlandaise) a aussi joué contre le Français: personne n'a oublié la campagne de transferts 2002, et les 50 millions de francs dépensés pour les grands flops qu'on été jusqu'ici El-Hadji Diouf, Salif Diao et Bruno Cheyrou.
Un petit résumé de sa carrière :
L’Angleterre, ce Ch’ti de Thérouanne (Pas-de-Calais), où il est né le 3 septembre 1947, l’avait dans le sang autant que le football. En parallèle de sa passion, il devient professeur d’anglais et enseigne une année en 1969 à… Liverpool.
Ce fils de boucher se doutait-il qu’il y retournerait dans la peau du manager d’un des plus grands clubs du monde ? Sans doute pas. Comme il l’explique, celui qui a commencé comme entraîneur-joueur du Touquet est un « entraîneur issu de la base de la pyramide du foot, et non de son sommet ». Mais les valeurs, la ténacité et la connaissance du jeu de ce technicien l’y mèneront, au sommet. Progressivement et d’abord en conquérant son Nord natal.
Un titre de champion de France au PSG dès sa première saison
Les premières joies commencent avec Noeux-les-Mines, qu’il fait monter en Division 2, avant de goûter à l’élite au RC Lens (1982-1985). Des galons pris et une réputation naissante qui lui valent de « monter » à Paris en 1985 pour offrir au PSG de Francis Borelli son premier titre de champion de France, dès sa première saison.
En 1988, il devient sélectionneur adjoint de Michel Platini, avant de prendre lui-même les commandes en 1992, pour douze petits matches. Car son nom restera pour toujours attaché à l’un des pires fiascos de l’histoire des Bleus : la défaite face à la Bulgarie en 1993 (1-2), qui prive la France de la Coupe du monde 1994.
Après l’échec, Houllier marque les esprits par sa phrase pleine d’aigreur à l’encontre de David Ginola, dénonçant l’attitude de l’attaquant comme un « crime contre l’équipe », une déclaration source d’une profonde inimitié entre les deux hommes. Le sélectionneur démissionne et trouve refuge à la direction technique nationale (DTN), où il restera jusqu’en 1998, quand il rejoint Liverpool, à 51 ans.
À cœur ouvert
En Angleterre, son caractère inspire le respect, son sens de l’humour est apprécié et, mieux, il séduit les supporters avec les souvenirs de sa jeunesse, quand il venait lui-même dans les tribunes d’Anfield. L’alchimie prend la forme du succès avec le fabuleux triplé de 2000-2001, qui sera transformé en quintuplé avec les victoires en Community Shield et Supercoupe d’Europe.
Mais, en octobre 2001, en plein match, il est victime d’un malaise cardiaque. Opéré à cœur ouvert pendant plus de onze heures, il restera éloigné des bancs plusieurs mois.
« Il y a ceux qui disent que je devrais peut-être oublier le football. Peut-être que je devrais oublier de respirer ! », dira-t-il à son retour. Il peinera cependant à reprendre la main, malgré un nouveau succès en Coupe de la Ligue (2003). De retour en France, il maintient l’hégémonie de Lyon avec deux titres de champion en 2006 et 2007 mais manque ses campagnes européennes. Après un nouveau mandat à la DTN (2007-2010), le « Frenchy » s’offre une dernière pige d’un an comme entraîneur d’Aston Villa avant de ménager sa santé. Comme directeur sportif des New York Red Bulls puis, depuis 2016, comme conseiller spécial du président Jean-Michel Aulas à Lyon, il restera jusqu’à sa mort dans le monde du football.
Sur Ginola en 1993 :
Au lendemain de la défaite, le sélectionneur, dépité, critique son attaquant : « Au lieu de garder [la balle], au lieu de temporiser, au lieu d'envoyer un exocet de 60 mètres à la place d'un centre précis, qui donne une balle de contre-attaque bulgare », relativisant tout de même cette faute au regard de la prestation décevante de l'ensemble de ses joueurs : « il est bien entendu que l'auteur de l'exocet n'est pas plus coupable que ne le sont les autres joueurs dans l'action, où les Bulgares ont eu un maximum de réussite. »
Mais Gérard Houllier revient avec sévérité sur l'attitude de David Ginola, dont il pointe du doigt le comportement irresponsable : « Le fait qu'un joueur ait craqué, à mon avis, a constitué surement une goutte d'acide importante ; je pense que David Ginola a commis un crime contre l'équipe, je répète, un crime contre l'équipe [...] J'ai dit qu'il a commis quelque part un crime contre la cohésion et l'esprit d'équipe. A partir du moment où un joueur ne respecte pas l'esprit du groupe, ne respecte pas la solidarité du groupe, ou la menace, à un moment aussi important que celui-là, je dis c'est grave, c'est tout ».
Il avait aussi dit ca en mai dernier :
«Il y a un axe entre l’OM et le PSG. Et il a frappé fort. Il s’est mis des alliés de son côté. C’était un plan pour éliminer l’OL. Tout cela va être étouffé. L’Etat était parti prenant. Je trouve cela très injuste. Un championnat ne s’arrête pas comme cela. J’ai un petit espoir mais je ne pense pas qu’on reprendra. Cela arrange beaucoup de monde, notamment de voir l’OL dans la difficulté. Mais si tout se passe bien en Allemagne ou en Angleterre à partir du mois de juin, on aura l’air ridicule car on aura été la seule grande nation à arrêter. La décision a été trop hâtive, on pouvait attendre,» a déclaré Gérard Houllier.
Au final, il aura quand même laissé une empreinte dans le football français.