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Ex-chômeur, Edouard Mendy fait le boulot à Chelsea
par Romain Métairie
publié le 5 mai 2021 à 13h17
Quatre-vingt-dix minutes sans prendre un but, pour une place en finale de C1. La mission doit trotter depuis quelques jours dans la tête d’Edouard Mendy, opposé au Real Madrid de son cousin Ferland, en demi-finale retour de Ligue des Champions (coup d’envoi à 21 heures, ce mercredi soir). Dans le jargon outre-Manche, cette prouesse a un nom : le clean sheet. Et le dernier rempart de Chelsea excelle dans ce domaine, au point d’en avoir fait sa spécialité.
Depuis son arrivée à Londres l’été dernier en provenance du Stade rennais, le longiligne (1,98 m) Franco-Sénégalais de 29 ans a en effet enregistré 16 rencontres sans encaisser de but, sur 28 apparitions en Premier League. Son ratio s’est encore amélioré par rapport à celui relevé par les statisticiens d’Opta en mars dernier, lorsque le gardien des Blues faisait déjà mieux (55 %) que les 210 gardiens de l’histoire du championnat ayant au moins disputé dix matchs dans l’élite.
Son dernier match sans encaisser de but ? Pas plus tard que ce week-end, lors de la victoire capitale de Chelsea contre Fulham. Mendy a sorti une nouvelle masterclass, servant aux attaquants adverses un bon cocktail d’arrêts en tous genres afin de sécuriser la 4e place des Londoniens, qualificative pour la prochaine C1. Même limonade en Ligue des champions, où sept des dix rencontres qu’il a disputées se sont conclues sans que les Blues n’aillent chercher la balle au fond de leurs filets. Des statistiques à prendre avec précaution, puisqu’elles dépendent grandement de la qualité des défenseurs. Chelsea n’en manque pas. Il n’empêche : à la rue en championnat avant la trêve hivernale et l’arrivée de l’ancien coach du PSG, Thomas Tuchel, les Blues auraient déjà fait une croix sur le top 4 de Premier League sans Mendy.
Du chômage à la C1
Il y a six ans de cela, «Edou» n’avait pourtant pas les traits du sauveur providentiel. Le natif de Montivilliers (Seine-Maritime) végétait alors depuis trois saisons à l’AS Cherbourg (National). Son contrat achevé à l’issue de l’exercice 2014-2015, sans club, Mendy a dû se rendre à l’évidence. Avec son bac pro commerce annoté sur le CV, il s’est pointé à Pôle emploi. Soudaine prise de conscience que son rêve de foot était peut-être définitivement en train de le fuir.
Il avait entrevu le monde des pros une première fois très jeune lorsque, impressionnant dans les cages avec Le Havre Caucriauville – un club de quartier de la ville haute normande – il avait intégré le centre de formation du HAC à 13 ans, en 2005. Mais l’adolescent est vite barré par Zacharie Boucher et Brice Samba, deux autres pointures de la génération 92, et n’y reste qu’un an. «Quand on me dit qu’ils vont avoir d’autres gardiens et que je ne jouerai pas. C’est une première claque qui fait mal, raconte l’intéressé à France Football. Je suis au centre depuis un an, c’est le club de ma ville, où j’ai envie de réussir. Je suis une fierté pour ma famille, mon quartier, tout le monde suit ça. Quand on entre en centre de formation, on se projette jusqu’aux U18, CFA, pros. Et là, en U16, c’est déjà terminé et je vais devoir retourner jouer dans les équipes de quartiers. C’est une double gifle que je prends.»
Mendy s’est ensuite enlisé cinq ans chez les Municipaux du Havre, dont l’équipe fanion bataillait en Division d’honneur (6e division). Avant de rebondir tant bien que mal à Cherbourg en 2011. Quatre années galères balayées en un coup de fil. Un comparse avec qui il a joué à Cherbourg lui signifie que l’entraîneur des gardiens de la réserve de l’Olympique de Marseille cherche un portier. Test concluant et direction l’OM en 2015. L’année qui suit n’est pas celle rêvée, même s’il effectue quelques apparitions en National 2 avec l’équipe B des Olympiens. Suffisant pour attirer l’attention de Jean-Pierre Caillot, le président du Stade de Reims, alors en Ligue 2. En 2016, ce dernier lui fait signer son premier contrat pro à 24 ans. Une rareté dans le foot.
Petr Cech comme mentor
Décisif sur sa ligne de but, doté de réflexes impressionnants, à l’aise dans les airs et quand il faut toucher un peu le ballon, Mendy combine tous les atouts à son poste. Pour sa première année, ses 18 clean sheets en 34 rencontres, pour seulement 22 réalisations concédées, contribuent largement à la remontée du club en Ligue 1. A partir de là, l’ascension est rectiligne : Reims encore, puis Rennes, où il aide le SRFC, 3e au moment de l’arrêt de la Ligue 1 en raison du Covid, à se qualifier pour la première fois de son histoire en Ligue des champions. Avant le bond à Chelsea, à 28 ans.
La transaction, monnayée 24 millions d’euros (+6 millions de bonus) est la plus chère de l’histoire du club breton. A l’origine de ce transfert surprise, une légende du poste : Petr Cech. L’ancien goal tchèque des Blues pendant onze ans, lui aussi passé par Rennes avant l’Angleterre, s’est reconverti en tant que membre du staff des gardiens là-bas. Mais les similitudes de leur trajectoire n’ont rien à voir dans le choix. Christophe Lollichon, responsable des gardiens à Chelsea, que Cech avait déjà ramené de Bretagne, lui en avait touché deux mots de l’époque où il brillait avec Reims. Cech confirme à propos de son successeur dans les colonnes de l’Equipe. «Edouard, je le suis depuis trois ans et demi, quand il évoluait à Reims. Depuis, il n’a cessé de s’améliorer, saison après saison. Et quand, l’été dernier, il est apparu évident qu’on avait besoin d’un nouveau gardien pour concurrencer Kepa [Arrizabalaga] et Willy [Caballero], j’ai insisté en disant qu’il était selon moi le meilleur de la liste. Mon conseil a été suivi.»