Nommés en mai 2022,Marco Otero et Yann Daniélou s’attellent à redorer
le blason de la pouponnière olympienne.Un chantier perpétuel alors que des travaux
sont en cours pour améliorer les installations des jeunes à La Commanderie.
Le ballet des tractopelles et des camions-
bennes semble sans fin sur les
hauteurs de La Commanderie. D’ici fin
décembre, fin mars 2024 au plus tard,
le centre de formation de l’OM aura fait peau
neuve. Une obligation pour regagner le label
"prestige" décerné par la Fédération française
de football. Marco Otero (49 ans), directeur
technique, et YannDaniélou (57 ans), directeur
du centre de formation, ont lancé ce lifting,
avec l’appui de Pablo Longoria, le président, et
du propriétaire Frank McCourt, pour combler
"le déficit infrastructurel" (sic). De nouveaux
aménagements et de nouveaux bâtiments vont
sortir de terre pour permettre aux jeunes et aux
éducateurs d’évoluer dans les meilleures conditions.
C’est aussi une façon de montrer aux parents
que les installations peuvent rivaliser
avec celles des autres cadors de la formation,
de Rennes à Paris, en passant par Lyon, Montpellier
ou Monaco.
Le binôme est aux manettes de la pouponnière
olympienne depuis mai 2022. Passé par Zurich,
Bâle et Valence, le premier, titulaire d’un master
en gestion sportive et d’une licence d’économie,
est un bâtisseur reconnu, un professionnel
réputé pour sa vision. Ex-joueur pro et ancien
directeur des centres de formation de
Brest, Amiens et Ajaccio, le second, qui a également
bossé sur le segment international pour
la FFF, connaît les rouages de la formation à la
française. Les deux hommes n’ont d’ailleurs
pas tardé à avoir des résultats puisque les U17
nationaux ont été sacrés champions de France
la saison dernière tandis que les U19 nationaux
sont allés jusqu’en demi-finale.
Yann Daniélou: "Il faut du temps"
Après un an et demi en poste, ils ont accepté de
faire un point sur leur mission. Mais alors
qu’on était venu pour une interview, on a eu
droit à une riche présentation power point
(d’1h45 tout de même) que n’aurait pas reniée
Jacques-Henri Eyraud. Une façon d’exposer
leurs idées, en détaillant le pourquoi du comment.
"On avait une mission très précise sur
quatre paliers : faire un diagnostic, établir une
stratégie, la mettre en œuvre, ce que l’on fait actuellement,
et assurer le suivi. L’horloge du
temps n’est pas la même à la formation qu’au
secteur professionnel. Il faut du temps pour
mettre des choses en place afin de pouvoir répondre
aux exigences des contraintes du haut niveau",
rappelle Yann Daniélou.
Si l’OM a pallié depuis quelques années son retard
sur le domaine scolaire, il reste en queue
de peloton pour ce qui est de sortir des joueurs
dans l’équipe première et la dernière étoile se
nomme Boubacar Kamara, aujourd’hui en
équipe de France (lire ci-contre). "On veut devenir
un centre de formation référence dans tous
les domaines. Mais on n’est pas la Croix-Rouge,
on ne veut pas seulement avoir cinq étoiles au
niveau scolaire", grince Otero. C’est tout le dilemme
des centres de formation, tiraillés entre
le fait d’avoir de bonnes équipes pour bien figurer,
et la capacité à faire émerger des talents au
plus haut niveau. L’an dernier, François-Régis
Mughe a pointé le bout de son nez avec Igor Tudor.
Cette saison, Emran Soglo (avec Marcelino)
et Bilal Nadir (avec Pancho Abardonado et
Gennaro Gattuso) ont connu leurs premières
minutes avec les pros. Trois joueurs issus de la
post-formation et recrutés à l’extérieur.
On veut devenir une référence.
Mais on n’est pas la Croix-Rouge, on
ne veut pas seulement avoir cinq étoiles
au niveau scolaire.
Longoria dixit Otero, tout en restant une institution
qui vise la qualification en Ligue des champions
tous les ans, le Suisso-espagnol pose
donc les fondations. "Si après quatre ans on a
construit trois étages, une nouvelle personne
peut continuer à poursuivre la construction jusqu’au
10e étage, ou aménager l’existant avec une
terrasse, un jardin plus joli… Ce n’est pas possible
de tout raser si tu respectes la culture et l’esprit
du club", estime-t-il. "On a une mission,
éduquer les jeunes et former des footballeurs.
Mais tu dois être un phénomène pour jouer là à
17, 18 ou 19 ans. On rêve tous de (Samir) Nasri,
mais Nasri était un phénomène", appuie-t-il.
Marco Otero: "’S’ils n’y arrivent pas
à l’OM, ils y arriveront ailleurs"
Pour parvenir à ses fins, la paire Otero-Daniélou
s’appuie sur "OMNext Génération", lancée
par "JHE" et Andoni Zubizarreta, et les clubs
partenaires. Concentrés sur le développement
des joueurs et des formateurs (186 éducateurs
ont été formés), ainsi que des infrastructures,
ils considèrent que "NextGen est un véhicule exceptionnellement
fort". "Ce n’est plus seulement
poser une bâche autour d’un terrain pour faire
des photos, développe Otero. Que tu ailles à Gémenos
ou à la Busserine, les gens demandent la
même chose : un accompagnement, de la formation
des entraîneurs, des contenus pour bien travailler."
Chiffres à l’appui, le directeur technique
nous a montré que "80% des jeunes du
centre (à partir des U14, ndlr) sont issus des
clubs partenaires" (16/22 cette saison en U17
Nationaux et 11/20 en U19 Nat.). "La priorité
dans le recrutement va à Marseille et au sud, de
Perpignan à Monaco. On est présent en IdF,
dans les pôles Espoirs et sur les DOM-TOM.
Ceux qui ne sont pas du sud sont souvent dans
les listes élargies des sélections nationales ou
dans les sélections. Être marseillais est un avantage,
mais ce n’est pas une condition de profilage",
assume Otero.
"Ce qui nous intéresse, ce n’est pas ce qu’est le
joueur aujourd’hui,mais ce qu’il va devenir demain",
prolonge Yann Daniélou. Marco Otero
poursuit : "On explique aux jeunes qu’on veut
former des joueurs. Je leur dis qu’ils vont avoir
une très bonne formation, et s’ils n’y arrivent
pas à l’OM, ils y arriveront ailleurs. C’est
l’exemple du Real Madrid. Là-bas, on te dit que
tu n’intègres pas le centre de formation pour intégrer
l’équipe première, mais si tu arrives à
jouer dans l’équipe B, tu en feras ton métier. On
veut aller dans ce sens."
À l’OM, le centre de formation reste un éternel
chantier. Mais les travaux sont bel et bien lancés.
Jean-Claude LEBLOIS
jcleblois@laprovence.com